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Citations sur Les Oliviers du Négus (44)

Nous nous entassons dans la mort avec la même tristesse que dans la vie, serrés les uns contre les autres, laids d'être tous identiques. Comme si, même là, nous avions peur d'être seuls.
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Je retrouve ma ville et je reste bouche bée. J'avais oublié sa beauté lascive, brunie par le soleil. Rome, ville superbe où les hommes se déplacent avec la suavité des chats. Rome, aux murs ocre et aux statues d'éternité où les bougainvilliers mangent avec harmonie les façades des palais. Rome, où tout est patiné par le temps et la douceur du ciel. Rome, où cent mille esclaves s'échangent, jour et nuit, les odeurs de l'Empire. Rome, ville crasseuse de la puanteur de ses marchés et luxueuse de l'or de ses conquêtes. Je suis là. Je descends de cheval. Je veux sentir le pavé de mon enfance sous mes pas. Je marche comme un handicapé, faisant de grands mouvements grotesques avec mes bras. J'ai les larmes aux yeux.
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J'arrive maintenant dans les ruelles du marché Ballarò. C'est un fouillis de tentes, de bruits et d'échoppes. On y vend de tout. Des légumes, du poisson, des tripes, des chaussures, des disques et des épices. La foule est dense. Je regarde les visages qui m'entourent. La Sicile est là, qui se presse à petits pas contre moi : les vieilles du quartier, les hommes accoudés aux murs, les marchands avec leur trogne cabossée qui s'époumonent pour vanter leur marchandise. Il y a dans la chaleur qui m'entoure un vent d'Afrique. Palerme est là, dans ses vieux marchés qui survivent à tout. Les gamins, ici, ont, dès leur jeunesse, des airs de comploteurs. Je les connais. J'ai traqué leurs pères, leurs oncles, leurs grands frères, toute ma vie. Ce sont eux les tueurs de demain.
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Le canon continuait de gronder au loin. Il posa deux verres sur la table et ouvrit une bouteille de rouge. A chaque nouvelle explosion les verres tintaient légèrement.
"Tant qu'ils pilonnent, ils n'avancent pas", dit-il et sa voix était si lugubre que l'envie me prit d'ajouter "amen". Il but son verre d'une traite et je le regardai avec pitié car il y avait dans sa hâte quelque chose de ceux qui savent que leur vie ne durera plus très longtemps.
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Longtemps la terre se demanda quelle offense elle avait faite aux hommes pour qu’ils la condamnent ainsi à cette pluie de grenades. Elle essayé de comprendre. Elle chercha comment se protéger. Enfouir sa tête entre ses mains, se recroqueviller,offrir le moins de prise possible aux coups, se durcir pour les empêcher de la pénétrer comme ils le faisaient, devenir plus dure que les bombes pour que les projectiles rebondissent sur sa peau et explosent aux visages étonnés des hommes : elle aurait aimé, mais elle ne pouvait pas.
Alors, elle continua d’encaisser les coups. La haine grandissait en elle. Elle était de plus en plus laide, de plus en plus usée. Elle pensait maintenant que plus rien, jamais, ne pourrait pousser en elle. Trop d’éclats d’obus et de débris d’acier étaient sous sa peau. Elle pensait que bientôt sortirait de son sein fatigué des arbres de métal, violents et rouillés. Elle n'espérait plus. Et puis l’hiver arriva et il se mit à pleuvoir sans discontinuer.
Ce fut d’abord un peu de réconfort, comme si le ciel lavait ses plaies. Les coups, bien sûr, continuaient mais elle les sentait moins. Elle devenait plus molle, plus facile à écarteler. Elle s’en inquiéta même, se demandant si les hommes n’allaient pas profiter de cette facilité pour la retourner complètement.
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Nous enterrons Zio Négus. Je sais que ce n'est pas ici qu'il aurait dû reposer. Mais combien d'entre-nous ont cette chance d'être ensevelis dans un lieu qui leur ressemble et qu'ils ont choisi? Il aurait fallu à Zio Négus une tombe comme celle de Pirandello, dans les collines d'Agrigente. Avec un cyprès pour marquer l'endroit où repose le corps, une pierre, peut-être, sur laquelle on aurait gravé un nom tout au plus, et l'immensité de la mer au loin. Le vent l'aurait caressé pour l'éternité, charriant les odeurs de figuiers en tourbillon dans l'air chaud du soir. C'est cela qu'il aurait fallu à Zio Négus : une sépulture de Romain, un tumulus et le silence du monde alentour.
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Je retrouve ma ville et je reste bouche bée. J'avais oublié sa beauté lascive, brunie par le soleil. Rome, ville superbe où les hommes se déplacent avec la suavité des chats.
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Zio Negus portait en lui le rêve d’une vie habitée par le chant du monde où l’homme se heurte encore au mystère du temps et à la présence rugueuse des éléments.
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Tout est là, sous mes yeux. Il y a, à cet instant, une douceur dans l'air qui vous réconcilie avec le monde.
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« J'étais fous parce que j'étais trop nombreux »
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