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Critique de horline


Il y a des retours qui sont plus inquiétants que les disparitions. En particulier à Lisbon, ville coincée entre les plaines enneigées du Nord des Etats-Unis car "quand on la quitte, on n'y retourne pas". Après quatre années d'absence, plus personne ne s'attendait donc à revoir David Horn adolescent taciturne de quatorze ans revenir sous les traits d'un jeune homme aux traits affirmés.


Que s'est-il passé ? Une fugue ? Un enlèvement ? Dans un roman classique, l'auteur remonterait le cours de l'histoire pour en démêler les écheveaux. Pas Hélène Gaudy qui, à l'aide d'une écriture élégante et endurante, préfère laisser germer des phrases pleines de ramifications, un champ de spéculations toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Et c'est là le principal attrait de ce roman.
Par l'importance de certaines images qui se répètent, comme la lumière blafarde, la neige envahissante, la ville traversée par une artère déserte, et la tonalité presque glaçante des phrases, Hélène Gaudy entraîne le lecteur dans un huit-clos rugueux, un roman d'atmosphère où règne un sentiment d'intranquilité, où les adolescents ont tourné le dos à l'insouciance et à la légèreté. Ils laissent le sentiment d'être en fuite permanente, si ce n'est à l'extérieur de la ville, c'est du moins à l'intérieur d'eux-mêmes.
Lorsqu'ils ne cherchent pas à s'échapper c'est parce qu'il y a quelque chose tapie dans l'ombre de la forêt, qui étouffe cette ville désolée, repliée sur elle-même dans laquelle la rage et l'ambition sont dérisoires. Ce "trou, un bled qui […] masque le reste du monde" imprime son tempérament engourdi à chacun de ceux qui y vivent. Même les parents et toutes figures tutélaires demeurent reclus dans leurs hébétudes et leurs souvenirs, si bien que l'absence puis la rumeur du retour de David font naître un doute diffus, de vagues soupçons voire une anxiété latente, aussi bien chez les habitants que chez le lecteur.


Pourtant le roman ne raconte au final pas grand-chose, il est construit autour de l'absence et du silence énigmatique de David. C'est séduisant en ce qu'il démontre la capacité de l'auteur à saisir ce qui relève de l'insondable : des images fugaces, des souvenirs sensitifs et cérébraux, des années épuisées par l'attente, une fixité terne et silencieuse lorsque les personnages donnent au désoeuvrement ou à la mélancolie le visage du mutisme.
Cela donne des portraits sans concession dans une histoire qui se développe le long de la solitude et de l'ennui dans lesquels se réfugient les adolescents.
Toutefois, avec une écriture un peu plus condensée, le récit gagnerait en densité. J'ai parfois eu le sentiment d'être submergée par la torpeur et l'ennui qui frappent les habitants de Lisbon. C'est avec un peu de honte que je fais cet aveu car au regard de la qualité et du schéma d'écriture je demeure convaincue par le talent d'écrivain d'Hélène Gaudy.

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