AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de maevedefrance


J'ignorais jusqu'à présent que Gauguin avait écrit un livre. Curieuse, je me suis lancée dans la lecture de ses écrits. Avant et après a été débuté en décembre 1902 à Hivaoa, aux Iles Marquises, quand l'homme vieillissant et malade cesse totalement de peindre. Insomniaque il couche ses pensées, ses souvenirs, ses réflexions. Dans la préface du livre, Jean-Marie Dallet explique que Gauguin "veut voir ce livre publié au plus vite et qui est, selon lui, pleine de haine, de vengeance, de choses terribles". Malheureusement, "Gauguin n'aura pas le bonheur de voir éditer ce texte", publié bien longtemps après sa mort : d'abord en 1918 en Allemagne, pour ne paraître en France qu'en 1923. Totalement seul, sans argent, l'artiste est mort dans sa Maison du Jouir le 8 mai 1903. Avant et après est aujourd'hui considéré comme le plus grand texte de l'artiste.
Tout au long du livre (car c'est pourtant bien un livre que vous avez entre les mains), Gauguin ne cessera de vous rappeler, à vous, lecteur, que "ceci n'est pas un livre" ! Alors, si ce n'est pas un livre, qu'est-ce que c'est ? C'est à vous de vous faire votre idée. L'art pour l'art a été le sacerdoce de Gauguin, qui n'aimait pas le réalisme (il détestait les romans de Zola où "les blanchisseuses comme les concierges parlent un français qui ne [l']'enthousiasme pas", il haïssait George Sand, et ne cesse de s'excuser (enfin, "s'excuser" est un grand mot, connaissant Gauguin), de ne pas faire partie du sérail des écrivains. "Je voudrais écrire comme je fais mes tableaux, c'est-à-dire à ma fantaisie, selon la lune, et trouver le juste titre longtemps après." Pour ce qui est de la fantaisie, eh bien on n'est pas déçu du voyage ! Il y a un peu de tout, sans forcément de logique, il faut se laisser porter par les mots de l'artiste. Ou bien piocher à sa guise. Gauguin y verse sa conception de l'art, ses agacements, son enthousiasme, son amertume.

Je me suis amusée des traits d'"esprit" et des railleries, de l'humour grinçant. Je vous en propose quelques extraits :

"Rossini disait : "Je sais bien que ze ne souis pas un Bach, mais ze sais aussi que ze ne souis pas un Offenbach."
Je suis le plus fort joueur de billard, dit-on, et je suis Français. Les Américains enragent et me proposent un match en Amérique. J'accepte. Des sommes énormes sont engagées.
Je prends le paquebot pour New York, tempête affreuse ; tous les passagers sont affolés. Je dîne parfaitement, je bâille et je m'endors."

"Mais vos Japonais sont de rudes cochons !
Oui, mais dans le cochon tout est bon !"

"Un jeune Hongrois me dit qu'il était élève de Bonnat. Mes compliments, lui-ai-je répondu, votre patron vient de remporter le prix au Concours du Timbre-Poste avec son tableau au salon.
Le compliment fit son chemin ; vous pensez si Bonnat fut content et le lendemain le jeune Hongrois faillit me battre."

"Qui connaît Degas ? Personne, ce serait exagéré. Quelques-uns seulement. (...)
Degas est né... je ne sais pas, mais il y a si longtemps qu'il est vieux comme Mathusalem."

"La pire des souffrances, c'est la dernière."

"Ne vous avisez jamais de lire Edgar Poe autrement que dans un endroit très rassurant." Il adorait se ficher la trouille à sa lecture !

Il y a presque un Oscar (Wilde) caché en Gauguin, qui raille sans pitié ni gêne ses contemporains écrivant sans vergogne ses frasques à leur encontre ! Avec un sentiment de supériorité certain...

"Les mathématiques, c'est fatalement juste. Que serait-ce si ce n'était pas fatalement ?"
L'écrit le plus émouvant est sans doute celui sur son séjour à Arles, avec Van Gogh, et le drame que tout le monde connaît ("la chair de poule" vous envahit à cette lecture). Ce séjour qui marquera la césure entre l'Avant et l' Après.
Lien : http://milleetunelecturesdem..
Commenter  J’apprécie          80



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}