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EAN : 9782228916431
368 pages
Payot et Rivages (19/10/2016)
3.62/5   13 notes
Résumé :
Dans nos sociétés modernes éclatées, où l'individu n'a plus de statut déterminé, le déplacement social à multiples visages - promotion et régression sociales, changement de métier et de lieu - influence de façon certaine la personnalité des gens, confrontés à des ruptures et à des conflits difficiles à assumer. Lorsque ces conflits font échos à des conflits plus personnels, ce " mal de vivre " deviendra une névrose, que l'auteur désigne comme " névrose de classe ". ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Dans les pas des travaux de Roger Bastide sur la sociologie des maladies mentales (années 1960-80) et dans une démarche interdisciplinaire qui se situe à cheval entre la sociologie et la psychanalyse, cet essai pose la thèse que la névrose – au sens psychosexuel freudien – peut avoir une étiologie sociologique lorsqu'elle dérive d'une trajectoire de changement de classe sociale, qu'elle soit en promotion ou en régression. En effet, dans les deux sens, le déplacement social provoque des conflits intrapsychiques en relation avec le projet parental surtout lorsque l'identité sociale de l'individu est en contradiction avec l'histoire familiale (ou plus exactement avec son récit) y compris au sein du couple (dont l'endogamie sociale demeure très prédominante).
La démonstration de cette thèse passe par une méthodologie sociologique fondée sur des séminaires intitulées « Roman familial et trajectoire sociale », ayant à la fois un but scientifique et thérapeutique, conformément à une compréhension de la sociologie en tant que clinique. La sociologie clinique possède le mérite d'éviter les écueils du sociologisme – qui tend vers le déterminisme des parcours individuels – et celui, opposé, du psychologisme – qui tend à occulter les raisons sociales des pathologies individuelles. Outre les résultats issus des séminaires, un usage abondant et convaincant est fait de textes littéraires autobiographiques ou non, notamment d'Annie Ernaux mais aussi d'August Strindberg et même de Dostoïevski.
Ce travail possède une grande envergure et des qualités de traité de sociopsychologie. Néanmoins, malgré que la nouvelle édition date de 2016, il me semble qu'il est encore extrêmement marqué par le contexte social des années 1980 qui a vu son origine et sans doute une grande partie de son corpus. Par conséquent, une importance absolument prépondérante est accordée aux névroses de classe relatives aux parcours ascensionnels, représentés spécifiquement par ceux du genre d'Annie Ernaux, à savoir la promotion sociale par l'excellence dans le cursus des études. Les trajectoires de régression sociale, liées à la précarisation et au déclassement, qui sont tellement plus répandues de nos jours, ne constituent pratiquement l'objet que d'un seul chapitre (ch. 6) sur douze, dans lequel, de plus, il est surtout question des difficultés de les observer ainsi que de quelques « caractéristiques des individus en régression » qui dont renvoient la balance plutôt du côté du psychologisme... Cette dissymétrie confère à l'ouvrage un ton décidément daté et dépassé. À noter la réception que fit Annie Ernaux de cette étude où il est tellement question d'elle. Sans surprise, elle reprocha à la notion de « névrose de classe » d'être « affligeante », car figeant l'individu dans son indépassable névrose...
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Ce livre montre en quoi l'ascension sociale peut être vécue avec ambiguïté et même parfois avec souffrance.
Les témoignages sont analysés avec finesse. Bravo la sociologie clinique
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
L'identité est le produit d'un double mouvement intérieur et extérieur. Elle est donc moins un état qu'une construction dynamique résultant du travail d'un individu qui cherche à se situer, à se positionner, à affirmer une singularité et une unité face à une réalité multiforme et hétérogène, à trouver des médiations face aux contradictions intra-psychiques, psychologiques et sociales qui le traversent. (...) Le mot identité qui porte en lui sa racine "idem", le même, ne prend son sens que dans une dialectique, où la similitude renvoie au dissemblable, la singularité à l'altérité, l'individuel au collectif, l'unité à la différenciation.
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3. « Le projet parental est à la fois l'expression des désirs conscients et inconscients des géniteurs sur leur progéniture, mais également un projet social porteur des aspirations conditionnées par le contexte social qui favorise ou empêche leur réalisation. Il correspond à un ensemble sociopsychologique qui recouvre plusieurs niveaux :
- un niveau intrapsychique inconscient qui renvoie à la constitution première de l'idéalité. […]
- un niveau affectif plus ou moins conscient qui conduit l'individu à se développer par identification et différenciation successives, en imitant les personnes aimées et en aimant celles qui correspondent au modèle idéal intériorisé ;
- un niveau idéologique qui conduit l'enfant à reprendre à son compte les valeurs, les normes et l'éthos des personnages qui lui sont présentés comme modèles d'identification, et à rejeter celles qui lui sont présentés comme des antimodèles ;
- un niveau sociologique dans la mesure où ces idéaux et ces valeurs se nourrissent des idéaux collectifs, des modèles de réussite sociale, de références éthiques véhiculées par l'investissement dans la religion, la politique, les engagements sociaux de la famille et dans des pratiques auxquelles l'enfant est amené à participer et à adhérer. » (pp. 67-68)
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5. « Notre société se caractérise par une contradiction centrale entre une vie sociale de plus en plus contraignante et normative, le développement de la socialisation et celui de l'individualisation. D'un côté une interdépendance des hommes entre eux, l'apparition de réseaux de plus en plus complexes de production, de consommation, de communication, d'information, d'éducation, d'assistance, de circulation, de prises en charge, qui organisent la vie sociale, modifient les langages, les habitus, les codes, et accélèrent les formes les plus variées de mobilité (géographique, professionnelle, sociale, économique, culturelle, idéologique, etc.). De l'autre, une autonomie de la personne par rapport à son insertion sociale originaire, qui le confronte à la nécessité de se positionner dans des réseaux sociaux pour échapper à l'isolement. Mais ces réseaux ne sont pas tous accessibles. » (p. 86)
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1. « Dans les sociétés hypermodernes, les classes sociales sont moins visibles parce que les marqueurs de différenciation semblent moins évidents. Cela ne supprime pas pour autant les processus de domination entre groupes sociaux et les mécanismes de reproduction. Bien au contraire, la précarité professionnelle et la vulnérabilité sociale accentuent les processus d'invalidation des plus démunis et l'intériorisation de sentiments d'infériorité pour ceux qui ne correspondent pas à l'image de réussite que la société propose comme idéal. On voit donc se développer des "maladies de l'excellence" et des "maladies de l'exclusion". Les uns souffrent de stress et de burn-out, les autres sont rongés par la honte et la culpabilité. Dans les deux cas, l'interpénétration entre les phénomènes sociaux et leurs répercussions psychiques est notable. » (p. 14)
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4. « Son émergence [de l'individu] semble corrélative du développement des échanges marchands qui impose l'argent comme médiateur des rapports sociaux et substitue à l'ordre traditionnel des rapports d'intérêts, de concurrence et d'échanges individuels. En introduisant l'abstraction monétaire dans les rapports humains, le capitalisme introduit une rupture dans l'ordre des places traditionnelles en soumettant ce dernier à l'ordre économique du système de production et de la valeur d'échange. Dans ce contexte, l'enfant devient un capital qu'il faut faire fructifier. Les parents doivent s'intéresser aux études de leurs enfants, investir leur carrière, développer leur potentiel humain : la question de la place future de l'enfant dans la société devient une préoccupation centrale. » (pp. 82-83)
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