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Citations sur L'exploration de la Sibérie (9)

Le 31 aoüt, la situation est désespérée. Les marins qui tiennent à peine debout "se préparent à mourir". Mais Laptev, "donnant à tous l'exemple", décide de rentrer à l'hivernage de la Khatanga. Ils n'y arrivent qu'à la mi-octobre. Quatre hommes sont morts en chemin, un cinquième ne tardera pas à les suivre. Tous les autres, cet hiver-là, échapperont à la famine grâce aux Nganassanes venus leur apporter viande et poisson.

Et Laptev de proposer, dans son prochain rapport, de leur "alléger le yassak*" (ce qui ne sera évidemment pas fait), car "en nous venant en aide, les Samoyèdes doivent abandonner la chasse et autres activités".

* yassak : impôt en fourrures
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Il n’en demeure pas moins que la Sibérie ne peut survivre que si elle cesse d’être repliée sur elle-même, comme elle l’a été trop longtemps, pour s’ouvrir au reste du monde. Voilée durant près de trois siècles aux étrangers qui, explorateurs au service de la Russie, étaient dûment censurés, ou qui, voyageurs de passage, tels Chappe d’Auteroche ou Jean-Baptiste de Lesseps, devaient se fier à leur intuition et à leur imagination pour aller au-delà de ce qu’on avait bien voulu leur montrer ; complètement dissimulée au monde par les bolcheviks qui en avaient fait le parangon du bagne et un polygone stratégique, la Sibérie apparaît aujourd’hui, malgré ses nombreuses souillures, un des rares lieux du globe où l’aventure est encore possible. La Sibérie n’est certainement plus à inventer, mais peut-être reste-t-il à la redécouvrir.
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Dans cette forêt de cimes atteignant jusqu'à 3147 mêtres, le géographe reconnait un triple pli du relief - une chaine qui porte désormais son nom et qui figure dans les atlas sous une graphie légèrement altérée par la translittération du russe, les monts Tcherski.

Aussi bizarre que cela paraisse, cet imposant massif, qui se dessine aujourd'hui comme une évidence sur la moindre mappemonde, constitue bel et bien une découverte à l'époque de Czerski, où l'orographie compte au moins deux siècles de retard sur l'hydographie.

Depuis toujours en Sibérie on se déplace par les cours d'eau en contournant les montagnes, non sans cultiver d'ailleurs, en parfaite harmonie avec les croyances indigènes, une aversion superstitieuse pour le relief. "Qui est malin ne va pas au mont, qui est malin tourne le mont." dit le proverbe russe.
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Le commandeur, qui voit les choses traîner en longueur, voudrait bien laisser tout tomber. Mais sa démission, comme on l' a vu, sera refusée. Les académiciens, excédés de ne pas recevoir toute l'attention nécessaire, s'en prennent à leur tour au pauvre Béring et se plaignent de son "manque de zéle". Résultat : lorsque le Danois partira pour Okhotsk, en 1737, ils se verront attribuer une entière autonomie. (décret sénatorial du 7 septembre).

Et c'est alors qu'ils comprendront combien Béring leur avait jusque-là facilité la vie. Mûller et Gmelin seront si épuisés par les "tracas quotidiens", la quête de vivres et de moyens de transport, les retards dans l'envoi de leurs soldes, l'indifférence des autorités locales, que, le 30 juillet 1739, tous deux vont écrire au président de l'Académie des sciences pour que soit abrégé leur séjour en Sibérie qui, se plaint Gmelin, est "semblable à une déportation".
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On a pu dire que la Sibérie était comme prédestinée aux Russes, inexorablement tournés vers l'est depuis qu'ils avaient choisi Byzance contre Rome. Alexandre Herzen affirmait qu'elle leur a apporté un "supplément d'âme", cette "dimension de folie nécessaire" qui les différencie des autres peuples slaves. A vrai dire, c'est avec l'assimilation de la Sibérie, son prolongement naturel, que la Rous' devient la Russie (d'où la place unique accordée au cosaque Ermak dans l'imagerie populaire). Sans doute est-ce aussi ce qu'avait en vue, au 18ème siècle, l'historien et homme d’État Vassili Tatichtchev en affirmant, avec une intonation toute voltairienne, que "si la Sibérie n'existait pas, il aurait fallu l'inventer". Mais la Sibérie existait bel et bien. Il ne s'agissait que de la découvrir.
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Notons à ce propos que si les Toungouses mirent un frein à la progression des premiers Russes, ils en furent néanmoins le moteur de par leur mémoire géographique. Le sibériologue Boris Polevoï : « Et combien d’informations inestimables n’avaient-ils pas engrangées sur la géographie sibérienne… Dans le mouvement perpétuel de leurs migrations à travers des espaces infinis, Evenks et Evens (« Toungouses ») avaient mémorisé des milliers de données topographiques… » Ce furent eux qui conduisirent les Russes jusqu’à la mer d’Okhotsk. Certains, tels le guide indigène rebaptisé Sémion Pétrov et surnommé le Pur, étaient de toutes les découvertes : du Pacifique en 1639 avec Ivan Moskvitine, du Baïkal en 1642 avec le pionnier Kourbat Ivanov, du fleuve Amour en 1643 avec Vassili Poyarkov… La « rumeur » qui guidait Penda vers l’est n’était autre que la science géographique des riverains de la Toungouska qui, contraints ou consentants, vendaient la mèche aux entreprenants colons.
…En même temps qu’ils leurs décochaient des volées de flèches. Pourtant, Gmelin ne semble guère exagérer quand il parle des victoires faciles de Penda à coups d’armes à feu, même si la supériorité conférée aux Russes par la maîtrise de l’arquebuse ne doit pas induire à l’image caricaturale d’une horde de sauvages effarouchés au premier coup de pétoire. Une arquebuse à cette époque n’est pas une kalachnikov : tout au plus crache-t-elle, avec sa mèche ou son rouet, seize coups en une journée de bataille acharnée. Et le désarroi suscité par l’effet de surprise – on l’observera jusqu’au XVIIIe siècle, et même après mais plus sporadiquement – fait généralement long feu chez le guerrier indigène qui, très vite, recouvre ses esprits.
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La rencontre d’Ermak avec les Stroganov marque l’alliance symbolique de l’aventurier et de l’entrepreneur – condition première des grandes expéditions sibériennes du XVIIe siècle. Pour avancer vers l’est à cette époque, il faut un ramassis de têtes brûlées et un marchand armateur. La bénédiction ou la malédiction du tsar viennent plus tard. Cet été-là Stroganov junior – Maxime – prend la décision d’équiper la droujina d’Ermak. Il fait couler un canon à son nom et complète l’arsenal des cosaques avec des arquebuses, de la poudre et du plomb. Sans doute fournit-il aussi des provisions de bouche : farine de seigle, biscuits, sel, gruau de sarrasin, tolokno (avoine grillée et moulue) – denrées consommées depuis toujours par les bateliers et nomades de Russie orientale. Pour Ermak, c’est un appoint logistique décisif ; pour Stroganov, c’est l’occasion de contrer le harcèlement des bandes armées tatares et, peut-être, d’ouvrir une voie marchande en direction des chasseurs indigènes de fourrure. Nul doute que les Stroganov, forts d’une culture géographique patiemment acquise au contact des peuplades ouraliennes et des prisonniers tatars, connaissent bien l’hydrographie et le relief de l’Oural, et qu’ils renseignent les cosaques sur le chemin à suivre en les faisant même accompagner par des guides.
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« Dire où cessait le cosaque et où commençait le brigand était chose malaisée. Chez eux, sur le Don, c’étaient des citoyens d’une république militaire. Descendaient-ils dans la mer d’Azov ou la mer Noire, ils devenaient des « combattants » (contre les Tatars). Sur la Volga, ils se muaient en brigands (contre les Russes). Pendant longtemps Ermak fit son métier sur la Volga. Il est hors de doute qu’il ne se soucia pas de mettre ses actes en harmonie avec le droit civil et criminel de Moscou. C’était un condottiere russe, cosaque de métier, pirate fluvial par vocation, brigand par nécessité et fidèle sujet du tsar à bonne distance. »
Cette brève caractérisation, sous la plume de Youri Simenov, en dit déjà long sur le potentiel entreprenant de la communauté cosaque. Les circonstances historiques aidant, celle-ci va bientôt trouver trop petite la « plaine sauvage » Volga-Don. Soit que les règles sociales rebutent le cosaque, soit qu’il ait ses raisons de fuir la justice, il a vocation à se placer en marge de la société. Cosaque errant, cosaque par définition sans terre, il vit de chasse et de pêche en courant la steppe les armes à la main, souvent loin au-delà des avant-postes russes, non sans escarmouches avec les nomades tatares. Sans versé contre les Tatars, mais aussi sans mêlé avec eux. D’autant que ces derniers connaissent le même mode de vie : cavaliers indépendants et fugitifs, réfractaires à l’impôt et au servage (pour les cosaques), à l’esclavage (pour les Tatars). Cosaque et kazakh – côté slave ou côté turc – sont d’ailleurs deux mots d’une origine commune qui désignent originellement l’homme libre des steppes.
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On a pu dire que la Sibérie était comme prédestinée aux Russes, inexorablement tournés vers l’est depuis qu’ils avaient choisi Byzance contre Rome. Alexandre Herzen affirmait qu’elle leur a apporté un « supplément d’âme », cette « dimension de folie nécessaire » qui les différencie des autres peuples slaves. À vrai dire, c’est avec l’assimilation de la Sibérie, son prolongement naturel, que la Rous’ devient la Russie (d’où la place unique accordée au cosaque Ermak dans l’imagerie populaire). Sans doute est-ce aussi ce qu’avait en vue, au XVIIIe siècle, l’historien et homme d’État Vassili Tatichtchev en affirmant, avec une intonation toute voltairienne, que « si la Sibérie n’existait pas, il aurait fallu l’inventer ». Mais la Sibérie existait bel et bien. Il ne s’agissait que de la découvrir.
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