Heureusement, l'instinct du vrai n'abandonnait jamais Holbein, malgré les fumées de l'esprit classique. Il eut le bon sens d'emprunter aux mœurs, aux légendes locales, plusieurs motifs pour les décorations intérieures de l'édifice; et sans doute il y avait des antiquailles illustrées, mais il y avait aussi les quatorze saints auxiliateurs, et la chasse au canard sauvage, au bord d'un lac voisin, et la fontaine de Jouvence, une vraie fontaine lucernoise à pignon, pareille à celle dont il fabriquait le fanion peint, deux années plus tard, pour la somme de 1 livre et 5 schillings, une fontaine où arrivaient par charretées les loqueteux et les malandrins copiés sur la canaille du Senti, la maladrerie lucernoise. Le Holbein que Jacques Callot copiera et continuera se donnait carrière.
En 1511, lorsque le départ et la séparation s'annonçaient, Holbein le Vieux dessina ses deux fils, adolescents alors ; Hans Holbein le Jeune a quatorze ans, sur cette page que conserve, avec tant d'esquisses merveilleuses de la même main, le Cabinet des estampes à Berhn. Cette feuille d'album montre encore le bon gros visage pensif, aux yeux fixes. Ces larges yeux du jeune Holbein, c'est le miroir miraculeux où la Renaissance va se refléter tout entière, avec sa vérité puissante, ses pompes et ses naïvetés.
La Renaissance, ivre des formes antiques et des penseurs nouveaux, bouillonnante d'ardeur classique et d'espérance réformatrice, c'est elle qui entraîne les Holbein vers Bâle, c'est grâce aux travaux qu'elle inspire, c'est par les œuvres qu'elle crée, ou veut embellir, que les deux fils du peintre augsbourgeois vont trouver du travail, et la renommée, qui pour le plus jeune croîtra bientôt jusqu'à la gloire.