Ce n'était pas gagné d'avance avec
Mutations. le premier chapitre, avec des dialogues et des pensées insérés au sein même des paragraphes, m'avait un peu refroidie. Une histoire de mise en page, donc, certainement voulue par l'auteur. Comme je pressentais un univers bien construit, où la plume de Thierry Gautret de la Moricière se fait le miroir du réel de notre société, j'ai poursuivi ma lecture et j'ai aimé !
Mon pressentiment s'est donc rapidement révélé exact.
Thierry Gautret de la Moricière sait de quoi il parle. Pour commencer, les conditions de travail à l'hôpital sont extrêmement bien retranscrites : cette ambivalence née de l'abnégation des soignants et de leur ras-le-bol sert brillamment l'intrigue. Mais cette immersion dans le milieu médical, lorsqu'il devient plus technique quand l'auteur évoque les
mutations génétiques par exemple, pourra peut-être s'avérer un peu ardue pour les novices. Pour ma part, étant infirmière de formation, je n'ai pas eu de souci de ce côté-là. Je pense que le roman reste néanmoins accessible !
Et puis, donc, il y a le monde « d'en Haut », celui des lobbies et de l'État, à la fois magouilleurs et protecteurs. Une ambivalence de plus qui offre de beaux retournements de situation.
Ces deux mondes ne se rencontrent jamais frontalement, mais sont étroitement liés. Les actions de l'un engendrent inévitablement des conséquences sur l'autre, et vice versa.
Thierry Gautret de la Moricière exploite à fond cette sorte de danse sociétale, de telle façon que, jusqu'à la dernière ligne, nous ignorons comment va se clôturer le récit. Et quelle dernière ligne ! Un régal machiavélique, tout simplement !
Côté personnage, il y a Renée, cette sage-femme, ce grain de sable qui n'a même pas conscience d'en être un. Les blessures de son passé la poussent à agir dans le présent. Un message qui invite le lecteur à se poser des questions quant à ses propres choix ! Petite mention aux Antilles, qui s'invitent au fil des pages et apportent à la fois tristesse et réconfort.
Dans l'ensemble, les protagonistes sont donc bien construits. Ils jouent leur rôle, interviennent dans l'intrigue pour créer du suspens et des rebondissements. Ainsi, l'intrigue est intéressante et bien menée.
Thierry Gautret de la Moricière dévoile un style travaillé, où l'on perçoit des mots sélectionnés avec soin. Les dialogues manquent un peu d'émotions à mon sens, mais les descriptions, tant des décors que de l'humanité ou encore de notre société patriarcale et capitaliste, sont très bien écrites. Ce roman ne se veut pas pour autant antisystème, mais pose quelques questions qui méritent réflexion.
Une belle découverte pour moi que je recommande aux lecteurs et lectrices qui ont envie de lire un livre « poussé », aux idéaux explicités et argumentés.
Lien :
http://ma-boite-de-pandore.e..