AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de hervethro


Il y a une vingtaine d'années, j'avais découvert mademoiselle Gavalda au détour d'un petit recueil de nouvelles mettant en scène des femmes… et des hommes, mais aussi des femmes.
Surtout des femmes.
Comme un coup de poing. Percutant.
Après une demi douzaine de vrais romans, voici une nouvelle livraison de petites pépites.
J'avoue aimer assez ce genre. Paradoxalement, l'écriture d'une nouvelle demande davantage d'exigence et de travail que le long marathon de se lancer dans un roman fleuve. Il faut posséder le talent de la concision. Savoir brosser les personnages en deux coups de pinceaux, heu, de stylo. Installer une intrigue (s'il y a) en quelques phrases. Tout jeter aux orties et ne conserver que l'essentiel, la moelle. Et la chute. Très important, la chute. Primordial. Madame de Sévigné le reconnaissait elle-même en s'excusant dans ses lettres « veuillez m'excuser, je n'ai pas le temps de faire court ».
Bref, après s'être intéressée aux femmes, Anna nous parle des enfants. Ils sont présents, parfois même centraux, sauf dans la première et la dernière histoire, disons tranches de vie.
Et c'est comme ça que j'aurais intitulé ce spicilège, encore que ça manque d'originalité, n'est-ce pas?
Peu importe.
Des enfants, mais aussi leurs parents. Car Anna Gavalda sait saisir ces petits détails qui vont définir mieux qu'un long discours ou une interminable description les joies, les peines, les attentes, les rêves, les souhaits… la vie de ses personnages.
Pourtant ça partait mal.
Première histoire (l'amour courtois). Une jeune femme, pas encore tout à fait sortie de l'adolescence, et tout le vocabulaire moderne qui m'est hermétique (d'ailleurs, je n'ai jamais été un grand amateur de verlan ni d'argot, à moins qu'il ne soit élevé à son plus haut degré : Audiard et Frédéric Dard).
Bon, c'est un mauvais moment à passer. Surtout ne pas jeter le bouquin pour ces quelques broutilles langagières. Ce serait dommage.
Car, dès la seconde rencontre (la maquisarde), on plonge dans ce que Gavalda sait faire de mieux : une rencontre, justement. Un début d'amitié. Une longue nuit blanche entre deux femmes, brisées. Brisées par la vie; par des hommes pas toujours bien malins. de ceux qui font mal sans le vouloir vraiment comme s'ils ne savaient pas quoi faire de leur carcasse, de leurs mains. Des éléphants dans une boutique de porcelaine. Et puis tous ceux, plus vicieux, qui font le mal pour le mal. Pour jouir de la souffrance des autres. Celle des femmes, bien entendu. C'est si mesquin, si petit, de faire souffrir des êtres vulnérables. Misérable.
Autre histoire d'amitié, quasiment sa définition même, la rencontre entre un pédégé et un avocat (le fantassin). Là encore, on assiste à un vol plané d'écriture, un tourbillon qui prend des risques et malmène la syntaxe, dégoupille des mots, explose les phrases. Et, au milieu de ce bombardement, quelque chose qui nait entre deux hommes. Ce lien invisible et si fort qu'on appelle l'amitié. Autour d'une passion pour les belles chaussures et, une fois n'est pas coutume, pas en compagnie d'un bon whisky mais de… soupes!
Il y a aussi cette bluette (happy meal) qui nous ballote tendrement. Un simple déjeuner dans un macdo (mais peut-on parler de « déjeuner » dans un tel lieu?) qui nous berne en beauté.
Ce chauffeur poids-lourd qui récupère un chien abandonné sur le bord de la route (mon chien va mourir). Et toute sa vie, sa femme, le fantôme de son gosse. Surement la perle de cet assortiment.
Et juste derrière, en seconde position, cette leçon de vie d'un gamin d'à peine dix ans (mes points de vie). Il y est question d'honneur, oui Madame, oui Monsieur. D'honneur et de fierté. Cette fois, la femme est absente, il ne reste qu'un père (expert pour un cabinet d'avocats du bâtiment) et son fils, collectionneur de cartes Pokémon.
Anna Galvalda sait mieux qui quiconque manier les non-dits et installer quelque chose de fort entre ses personnages sans rien dire. Au-delà de la parole. Au-delà des mots. Seulement les gestes justes. Les regards qui racontent mieux que l'épanchement inutile des propos. Ce que l'on ne voit pas mais qui existe bel et bien. Plus fort encore que le visible.
Bon, ça y est, je l'ai, mon titre :
« L'invisible butin des amitiés de contrebande ».

Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}