Dès l'âge de sept ans, elle quittait le campement tôt le matin, après avoir préparé le bétail, et l'emmenait s'abreuver au forage d'un de ces villages voisins, soit le plus proche, soit celui qui abritait le marché ce jour-là.
Yoro Saw avait grandi dans le Fouta Toro. Lui, était né sénégalais, en raison de frontières arbitrairement tracées par l'ancien colonisateur, mais sa famille, comme des milliers d'autres, vivait des deux côtés du fleuve Sénégal.
A une époque de grandes migrations, il n'était pas rare qu'un mariage soit célébré en l'absence du mari. Beaucoup de jeunes filles, à travers le Sénégal, épousaient ainsi un homme qui se trouvait loin, souvent sur un autre continent, qu'elles n'avaient parfois jamais vu.
Le vent de sable balayait la savane, chaud, poussiéreux, épais, tournoyant au-dessus de cette région du Nord-Est du Sénégal, par delà les étendues plates, les villages de brousse, jusqu'au désert, plus au nord encore, à la frontière mauritanienne, à moins de deux heures à vol d'oiseau du hameau de Lougré-Thiolly.
Comme tant d'autres avant elle, au sein des contrées et de cultures différentes, elle voulait en finir avec la tradition, sans grande théorie, sans se prendre pour une suffragette ou une féministe déclarée, mais juste pour elle-même, dans sa vie, sans revendication autre que son propre bonheur.