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Critique de mesrives


« Un monde de ténèbres absolues et du plus profond des silences ».
Une invitation à découvrir et explorer l'univers de William Gay (1941-2012) avec son troisième roman, La mort au crépuscule publié en 2006 et traduit par Jean-Paul Gratias en 2010.

Le hasard fait bien les choses, chiné à Emaüs, en collection Folio policier, tout neuf, tout propre,ce roman noir est une surprise totale, ahurissante et harrikinante... et me tendait les bras bien que j'ai failli les tomber! Rassurez -vous je me suis vite ressaisie!

Années 50, dans un bourg du Tennessee (région native de l'auteur), par une nuit glaciale d'hiver, deux jeunes gens, frère et soeur, Kenneth et Corrie Tyler, profanent des tombes dans un cimetière.
Expérience morbide de jeunesse, curiosité malsaine? Que nenni!
Si Kenneth et Corrie se glacent les os sous une pluie battante c'est parce qu'ils ont de sérieuses présomptions sur le célèbre et richissime maitre des Pompes funèbres du coin, Fenton Breece.
Mais ce qu'il découvre cette nuit-là est au dessus de l'entendement: Fenton Breece est non seulement un croque-mort vertueux mais il est aussi pervers et vicieux, c'est un nécrophile!
Pour ces orphelins, ayant peu de temps auparavant fait inhumé leur père par ses services, cette découverte est le début, disons-le, des emmerdements.
En effet, les adolescents décident de faire chanter le croque-mort car ils ont en leur possession un jeu de photos compromettantes.
Mais Fenton Breece n'a pas l'intention de gâcher son plaisir et lâcher sa passion à cause de ces deux jeunots. Il contacte très vite, le plus grand barjot et salopard des alentours, Grandville Sutter, et lui confie alors la lourde tâche de récupérer les photos en éliminant les maître-chanteurs.

Les rapports de force sont pipés dès le début, deux tendres agneaux contre un fou et un criminel!
La seule issue: prendre la fuite, s'enfoncer dans une région isolée, accessible mais délestée de ses activités minières d'antan, la forêt de Harrikan, un espace lugubre, pavé de maisons hantées, peuplé de fous, d'illuminés, d'esprits et de fantômes, prisé de tous ceux qui veulent se faire oublier et où rodent encore d'ignobles bêtes sauvages.
Une géographie oubliée des dieux où Kenneth va être mis à rude épreuve.
Pour ne pas tomber dans les griffes de Granville Sutter (dont il a de plus en plus mal à détecter la présence), Kenneth doit être excessivement vigilent et se dépasser malgré l'épuisement et la peur.
La région du Harrikan sauvage et hostile, havre de paix pour celui qui la connaît et en détient les clés peut se changer en un inextricable labyrinthe végétal et minéral, une arène à ciel ouvert où les forces du bien et du mal s'affrontent et se déchainent.

Encore espantée par cette lecture: j'ai cru tomber dans un livre glauque et je me suis vite détrompée après avoir lu les premiers chapitres. Car là, le charme a opéré ou plutôt les charmes. William Gay, en vraie conteur, m'a envoutée. Avec beaucoup d'adresse, il fait glisser le lecteur page après page d'une ambiance de roman noir rural avec son concentré de bouseux, d'alcooliques, de flics véreux vers celle d'un conte fantastique et gothique, baigné de ténèbres, de monstres et de sorcières.
William Gay effectue cela avec finesse, préparant progressivement le lecteur à ce glissement, en s'appuyant sur une écriture poétique, onirique, et en introduisant très tôt dans le récit un champ lexical surnaturel et fantastique.
Kenneth, le jeune héros de ce livre après cette épopée hallucinée, violente et sauvage sortira grandi: après le temps de la survie viendra peut-être le temps d'apprécier les saisons d'une vie.
Un récit initiatique hors du commun.

Une lecture surprenante que j'ai beaucoup apprécié grâce au talent de William Gay et de son écriture
Sa force de manipulation est si grande que le Harrikan, immense antre ténébreuse, semble être une région bien réelle du Tennessee. Pareil pour un des deux dingos, j'ai vraiment cru que Fenton Breece, ce psychopathe, avait vraiment existé!
Amateurs d'ambiance déjantée vous allez vous régaler!
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