Citations sur Les talons hauts rapprochent les filles du ciel (44)
Elle se retourna vers moi pour me fixer avec son drôle de sourire en coin.
-Tu connais Denver, le dernier dinosaure?
-Euh... ouais
Je fronçais les sourcils. C'était peut-être l'alcool, mais je ne comprenais pas où elle voulait en venir.
-Bah, tu vois, dans le générique, le gars dit que c'est son ami et bien plus encore. Qu'Est-ce que tu crois qu'il voulait dire par là? Tu penses qu'il y a anguille sous roche? Tu penses qu'il est homo lui aussi? (p257)
Paris la nuit avait une beauté qu'on ne retrouvait pas dans la journée. Sous le manteau de l'obscurité, tous ses défauts étaient gommés. On ne voyait plus les pavés inégaux, les trottoirs mal lavés, les lourds nuages de pollution. C'était une nouvelle naissance à chaque sortie, une redécouverte de mon univers. Carpe Diem, disent les épicuriens. Pour moi, c'était plutôt Carpe Noctem - profite de la nuit.
Les passants passaient, les mateurs mataient, les badauds badaient.
— OK, Fitz. Calme-toi. T’as pas besoin de faire ça. Tu fais une grosse connerie.
Bien sûr, que je faisais une connerie. Je n’avais pas besoin de lui pour me le confirmer. J’étais en train de braquer quelqu’un (interdit) avec une arme pour laquelle je ne disposais d’aucun permis (interdit) après m’être introduit dans un bureau fermé à clé (interdit). Seulement, à tout prendre, je préférais encore finir chez les flics que me faire tabasser par un gars qui n’avait pas encore résolu son œdipe.
- Au fait. Ce Glock, il vaut deux cents euros. Je t'ai mis quelques balles gratuites. Mais je compte sur toi pour régler la facture du flingue la prochaine fois, OK ? On se fait confiance, entre amis.
Il eut un sourire plein de bonne humeur, et me claqua la porte aux nez.
Je restai seul dans le couloir de l'hôtel avec un revolver dans un sachet de papier kraft et deux cents grammes de coke dans les poches.
Si seulement ma mère pouvait me voir, elle serait tellement fière.
Elle maniait le tonfa, je me passais de la pommade anti-hémorroïdes sous les yeux. Nous étions parfaits l'un pour l'autre.
Il s’enfonça dans la nuit. Un premier réverbère ralluma sa silhouette, puis un second ; il se para de couleurs floues. Il boitait de la jambe gauche et je sentis une sourde satisfaction à voir qu’il ne s’en sortait pas indemne.
Le grésillement de la porte qui s'ouvrait, puis l'attente lorsqu'ils appelaient l'ascenseur et montaient dedans. Ils finirent par arriver, lui musulman noir comme l'ébène, elle juive blanche comme la craie. A eux deux, ils auraient pu me refaire le conflit israélo-palestinien, mais la coke avait remplacé toute religion et ils éteint devenus les meilleurs amis du monde. Je soupçonnais qu'ils couchaient ensemble, parfois.
Voilà un parfait moyen pour régler les problèmes de la bande Gaza. Larguer des caisses de coke et de capotes sur les lignes de conflit et regarder les guerres se résorber. Je devrais gagner un prix Nobel pour des idées pareilles.
[…] Bon, tu m’as dit que tu avais des ennuis, et c’est vrai que tu n’as pas l’air dans ton assiette. Qu’est-ce qu’il se passe ?
— C’est une histoire de drogue ? T’as les flics aux trousses ? Des trafiquants ? T’as pas honoré un deal ? renchérit Moussah avec sa belle voix de basse.
— T’as baisé la mauvaise fille ? T’es tombé sur une femme mariée ? Tu t’es embrouillé avec un videur ?
— Tu t’es chopé une MST ? Le virus maudit ?
Je secouai la tête devant toutes leurs hypothèses. À les entendre, c’était un miracle que je sois encore en vie avec tous les risques qui me pendaient au nez.
[…] Les videurs ici semblaient sortis d’une publicité Benetton : un asiatique, un black, un blanc, un beur.
Un jour, ma bonne étoile ne me protégerait plus. Un jour...mais ce soir, j'aillais mettre mon plus beau costume pour sortir. Dans mon monde, cette fois-ci. Un monde peuplé d'alcool, de filles compréhensives, de consommateurs avertis et de plaisirs fugaces. Un monde auquel j'étais aussi accro qu'un des crackés de la Gare du Nord à son caillou pourri. Un monde qui me nourrissait et me vampirisait à la fois. Le tourbillon de la nuit parisienne, ça n'avait pas de nom, parce que ça n'avait pas définition.