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EAN : 9782702123959
176 pages
Calmann-Lévy (01/01/1995)
4/5   1 notes
Résumé :
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Le départ pour la pêche avait lieu en mars. Il était précédé, fin février, de l'impressionnant "pardon des terre-neuvas" et de la bénédiction des bateaux. Une foule immense venait assister aux préparatifs de la campagne. On empilait à l'avant des goélettes, coque en l'air, les doris, ces petites embarcations à fond plat et extrémités élancées que les pêcheurs emploient sur les bancs de Terre-neuve pour mouiller leurs lignes de fond.
Car, en ce temps-là, les gars des goélettes pêchaient la morue à la ligne.
On les lâchait à deux dans les doris, avec leurs lignes amorcées d'encornets ou du fameux capelan de Terre-Neuve, qui est une espèce de petite morue. Ils posaient les lignes le soir, ils allaient les relever le lendemain matin.
C'était un métier de chien, une existence de galérien. Une fois les morues pêchées, il faut leur couper la tête, les vider, les saler et les mettre en cale. Tout ça, bien sûr, par tous les temps : dans les coups de mer plombés et les coups de chiens qui acculent le navire, dans les ouragans noirs et les tempêtes grêlées.
Les plus malheureux étaient peut-être les gars des chalutiers.
Car les voiliers ne font qu'une campagne, de mars à septembre. Mais les chalutiers ont le temps d'aller deux fois sur le banc.
Imaginez un peu, pendant ces deux campagnes, ce que pouvait être la vie d'un soutier à fond de cale, chargé d'enfourner continuellement du charbon dans les chaudières en surveillant la pression d'huile du coin de l'oeil. La tempête, à chaque instant, le brinqueballe contre les tôles brûlantes. Il regarde ses pauvres mains, crevées de cicatrices de furoncles. Quand il monte sur le pont pour fumer une cigarette, ce qui l'accueille, c'est l'eau grise, les brouillards glacés et les planchers gluants couverts d'écailles et de tripes de poisson. Le soir, écrasé de fatigue, il n'a pour havre à sa misère qu'un poste d'équipage puant où quarante hommes se jettent tout bottés sur la paille des couchettes.
L'hiver, quand les bateaux étaient mouillés au port, les marins ne dessoûlaient pas.
On les voyait passer, le bonnet affalé, la vareuse en pantenne, louvoyant bord sur bord et jetant leur solde à tous les vents du quai.

Chapitre VII, p63 à 65.
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J'avais renoncé à la drogue, mais pas aux tentations. La vie de patachon que je menais multipliait autour de moi les hameçons où m'accrocher. Avec ceci qu'il n'est rien de si plaisant que de voir un repenti repiquer au péché et que plus d'un prosélyte, en douce, s'employait à me faire oublier mes bonnes résolutions. Un soir, dans l'atelier d'un ami peintre, à Montparnasse, je me laissai convaincre d'essayer une certaine poudre qu'on me vantait de toute première bourre.
Je ne touchais plus à la drogue, certainement, et mon erreur fut de vouloir me prouver à moi-même qu'à présent je dominais complètement le problème, et le produit.
Comme dit Corneille :
Et les occasions tentent les plus remis.
( Polyeucte, III, 5.)
Je m'octroyai donc deux prises, ignorant que cette poudre que j'essayais était quasiment pure, qu'on ne l'avait pas, comme d'habitude, coupée avec du lactose. L'effet du stupéfiant fut sur moi "catalpultueux", comme aurait dit Léon Bloy. Les copains me retrouvèrent un peu plus tard, couché dans un petit lit sous l'escalier, complètement groggy, et j'avais déjà les extrémités des doigts qui viraient au verdâtre. Les pendards qui s'occupaient de moi ne firent ni une ni deux. Ils diagnostiquèrent un état de manque carabiné. "On va lui en refiler une petite prise !" Une petite prise de plus, sur un homme déjà en overdose, vous imaginez le résultat ! C'était éteindre un incendie en tapant dessus à coups de fagots. On me fit renifler ma prise et... Exit Gélin, le rideau tombe.
Le lendemain matin, Danielle se présentait à la clinique où le docteur Schwartz m'avait fait transporter en urgence. "Qu'est-ce que tu as encore fait mon doux chat ?" Je n'étais pas fringant. J'avais bien failli y rester, mais enfin, le coeur avait tenu, j'étais tiré d'affaire, il ne me fallait plus que du repos.
Danielle arrive donc et m'annonce que, la veille, pendant que je faisais mon quatre-cent-unième coup, papa était opéré à la clinique de la rue Mozart, où il avait sollicité son admission peu de temps auparavant.
Les médecins voulaient que je reste au moins trois semaines sous surveillance, mais je quittai les lieux séance tenante, après avoir signé l'obligatoire décharge. Dans le brouillard où je me trouvais, séquelle de mon overdose, une seule idée brillait en moi avec quelque clarté, celle que j'avais fait le c... pendant que mon père était en train de souffrir.
Je me rendis dare-dare à la clinique de la rue Mozart. J'entrai. Je vis mon père. Il avait sur les traits la joliesse de la douleur. Monique était à son chevet, et Lauer aussi, tous deux pleurant. Moi, je ne pouvais pas prononcer une parole, tant ma gorge était contractée.
J'ai pris papa dans mes bras comme s'il était un bébé et je l'ai embrassé partout sur le visage : je lui ai embrassé le nez, le front, les joues, les yeux, la bouche. Je l'ai baisé comme on baise un enfant qu'on vient de mettre au monde. Et je suis parti sans avoir réussi à dire un seul mot.
A midi, étroitement surveillé par le docteur Morand, je me trouvais prêt à tourner sur le plateau de La neige était sale.
J'ai tourné, j'ai travaillé et, parce que la drogue m'avait fait oublier mon père au moment où celui-ci avait besoin de moi, jamais, plus jamais je n'ai repiqué à l'héroïne.

Chapitre XVI, p160 à 162.
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A la fin, tout de même, l'internat devenait insupportable. J'étais trop malheureux. Et surtout, je ne comprenais pas quel jeu étrange jouait avec moi l'abbé qu'on surnommait "Panthère", à cause d'une façon féline qu'il avait de se couler dans les couloirs. Il avait inventé une brimade qui me déconcertait. Un dimanche soir, n'y tenant plus, je racontai la chose à mes parents.
"Je ne comprends pas, leur dis-je. Le soir, après qu'on a dit la prière, je suis dans mon lit, déjà à moitié endormi, quand il arrive, Panthère, et il se met à me rouer de coups. Mais le bizarre, c'est que tout de suite après les claques, il me cajole pour me consoler, il me..."
Mon père et ma mère échangèrent un regard, un seul, et, en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je redevenais externe, heureux de vivre, et studieux, sans exagération.

Chapitre XI, p112-113.
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Mais l'Anjou, pour moi, c'était surtout la Loire.
La Loire me fascinait par son mélange de douceur et de force, et, rien qu'à la regarder, quelque chose m'appelait.
Le vent de la mer était sur la Loire à chaque instant.
C'était lui qui installait au-dessus du fleuve ces ciels d'une limpidité admirable que j'ai retrouvés, plus tard, en Toscane, et surtout en Ombrie.
Les ciels de Loire restent bleus, même la nuit. Les orages fréquents les laissaient extraordinairement purs, lavés de rose et de blanc comme la corolle des volubilis.
Une douceur emplissait le monde comme si elle avait été le suc même du pays, comme si elle fluait de chaque atome du paysage, des coteaux où le raisin mûrit sur les escaliers crayeux, des grèves de sable rose, des touffes de saules, des prairies, des maisons blanches à toit d'ardoise qui ont toutes leur cave dans la falaise contre quoi elles s'accotent.
Je regardais la Loire.
Elle coulait tranquillement dans sa vallée blonde, charriant du sable, roulant des feuilles de saule et de peuplier, et s'égarant parfois pour dormir dans les « boires », les lagunes installées le long de ses berges par les inondations.
Elle reflétait les vignobles penchés, les caravanes de nuages et le vol indolent des oiseaux.
Le monde autour du fleuve avait un goût tranquille de potagers et de vergers, d'espaliers, de treilles et de roses trémières.
Un pêcheur dans un petit canot goudronné allait relever ses verveux près d'un ponton de bois pourri.
Il y avait un champ de citrouilles dans une île enveloppée de saules.
Au fond d'un pré tout dénivelé sur lequel la Loire, chaque hiver, promène ses tourbillons, on avait installé de minuscules chénevières.
Je regardais la Loire.
Je me disais : elle va vers l'océan ; elle y va, sans perdre une minute. Rien qu'à recevoir l'éblouissement de ses eaux, je me sentais dépaysé, parti aux cinq cents diables. Elle me happait, elle m'emmenait sur sa route océanique.

Chapitre III, p.25 à 27.
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Le régime de l'internat était d'une sévérité inouïe. Chaque jour, nous nous levions à cinq heures et demie pour communier. Comme forte tête, j'étais l'objet d'une attention toute particulière. L'abbé Dorne - surnommé "Marcel" -, ancien professeur de philosophie doux et affable, dès qu'il fut nommé maître de discipline, se mua en tyran à la physionomie de paranoïaque. Plein de mépris et de haine, le regard flou derrière d'épaisses lunettes que l'on disait truquées - pour voir derrière ! -, il fut la terreur de plusieurs générations d'élèves. On en parle encore maintenant à Saint-Malo et alentour.
Je réagissais à la situation avec toute la rage de la jeunesse. "Puisque c'est comme ça, je vais être le dernier de la classe." Et je m'évertuais pour tenir parole, bien que je sache pertinemment que mes mauvaises notes navraient mon père. J'avais beau faire, je n'arrivais pas à être dernier. Un garçon de Pontivy, Armand Fondain, me damait le pion, et les doigts dans le nez, obtenait la place convoitée. Le prof nous appelait "les intellectuels du fond". J'avais beau écrire mal, augmenter volontairement les erreurs, maculer mes pages de pâtés et de ratures, Armand Fondain était indétrônable. (Il a fini sa carrière comme gendarme.)

Chapitre XI, p111-112.
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