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Critique de ThecosmicSam


« Flic » tient davantage du récit que de l'article journalistique. J'ai, dans un premier temps, été légèrement déstabilisée par le ton adopté qui m'a fait penser à un roman et qui m'a donc, un peu détachée de la réalité des faits. le style employé permet, toutefois, de lire cet ouvrage très rapidement.

J'ai été happée par cette immersion au sein de l'école de formation des adjoints de sécurité (« ADS » :des policiers contractuels « low cost » selon les termes de Valentin Gendrot), de l'I3P (l'infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris), puis du commissariat du 19ème arrondissement de Paris.

Si « Flic » ne nous permet pas d'avoir de grandes révélations, du moins quand on s'intéresse un peu aux dernières polémiques concernant la profession, il constitue une utile confirmation des faits et je recommande sa lecture qui donne envie de faire bouger les choses.

Il est inquiétant de réaliser avec quelle facilité il est possible d'intégrer les effectifs des forces de l'ordre : acuité visuelle quasi-nulle, casier judiciaire, tendances politiques extrêmes à peine voilées, il semble y avoir de tout…

Les lacunes frappantes quant aux formations, entretiens psychologiques et suivi des policiers sont également assez révoltantes. Comment ne pas éprouver une certaine défiance vis-à-vis de ces dépositaires de la force publique quand on lit cela ? Ces derniers se voient, en effet, attribuer des armes létales et le pouvoir de les utiliser sans réel encadrement, ce qui créé des débordements prévisibles.

Parallèlement, nous sommes également confrontés aux conditions de travail et d'existence de ces policiers qui sont largement sous-payés, travaillent dans des locaux vétustes avec des équipements obsolètes, manquent de considération (que ce soit de la part du grand public ou de leur propre hiérarchie), et sont régulièrement confrontés à des actes agressifs.

Mettez des jeunes mal formés, provenant le plus souvent de classes moyenne ou populaire, en quête d'adrénaline dans cet environnement qui s'avère bien éloigné des livres et films policiers et vous obtenez rapidement un cocktail de frustration assez explosif. Et alors que les policiers devraient être exemplaires, les situations de violence verbale et physique gratuites deviennent des exutoires banalisés.

Le corporatisme omniprésent dans la profession n'est pas là pour arranger les choses dès lors que les collègues se serrent les coudes en cas de bavures ou de provocations. C'est donc l'Omerta qui règne

- d'une part, par peur d'exclusion dans un métier où l'on est plus souvent avec ses collègues qu'avec sa propre famille ;

- et d'autre part, par tolérance en raison d'un ras-le-bol généralisé qui conduit à du sur-suicide au sein de la profession.

Ainsi, si les comportements les plus choquants ne sont pas du fait de tous les policiers, ils semblent, en revanche, admis du plus grand nombre et c'est là que le bât blesse.

Pour apporter des réponses à cet état des lieux déplorable, de véritables réformes paraissent nécessaires : de meilleures et plus nombreuses formations, un contrôle par une autorité indépendante ayant force contraignante (tant de rapports du défenseur des droits ne sont pas suivis d'effets, c'est même à se demander s'ils sont lus…), plus de moyens, etc. C'est en agissant en amont que l'on peut espérer avoir un impact sur le long terme.

Je ressors, en tout cas, de ma lecture assez démoralisée face à ce constat. Si, a priori, la situation française semble bien différente de celle connue aux Etats-Unis, on se rend finalement compte que les points de comparaison sont plus nombreux que ce que l'on se plait à croire (en Europe, la France est l'une des plus mauvaises élèves sur la question des contrôles au faciès et des violences policières).

J'en terminerai par quelques mots sur la polémique qui a enflée autour de Valentin Gendrot qui a, au cours de son infiltration, couvert un contrôle qui a mal tourné et a, à cette occasion rédigé un faux procès-verbal adoptant alors un rôle actif dans l'évènement relaté. Il est vrai que l'éthique journalistique est ici remise en question : jusqu'où peut-on aller au prétexte de dénoncer une série de comportements ? La question se pose d'autant plus lorsque l'objectif final est la publication d'un livre qui rapportera nécessairement de l'argent à son auteur. Sur ce point, je suis moins catégorique que d'autres. Je dois avouer comprendre certaines des motivations de Valentin Gendrot, qui par ailleurs, ne se cache jamais de son intention de publier un livre à la fin de son infiltration. La situation n'est jamais aussi manichéenne que ce que l'on voudrait penser, notamment lorsque l'on n'est pas confronté soi-même à la situation.

Lien : https://thecosmicsam.com
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