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Critique de Patlancien


Laurent Genefort se lance dans une uchronie à la sauce rétrofuturiste avec son roman Les temps ultramodernes. le point de divergence par rapport à notre histoire se situe en 1885 avec la découverte de la Cavorite par un certain Georges H Cavor (voir Les Premiers Hommes dans la Lune de H G Wells) . Ce nouvel élément chimique possède la particularité d'annuler par son rayonnement la gravité de la Terre. Cette découverte va changer profondément le visage de notre Belle Epoque de 1920 avec des voitures qui vont devenir volantes et des paquebots qui vont se transformer en vaisseaux spatiaux.

« Alors qu'elle rejoignait la Verte, une voiture se posa à quelques mètres avec la grâce d'une feuille morte. Une Delaunay-Belleville profilée comme une torpille, la carrosserie d'un rouge profond. L'intérieur capitonné était vide. Un chauffeur en livrée descendit de la cabine de conduite. Dans une avalanche de jurons italiens, il déplia une capote plombée sur la sustentation centrale. L'interruption du champ de lévitescence fit recouvrer brutalement son poids au véhicule, qui s'affaissa sur la chaussée comme si un piano lui était tombé dessus. le chauffeur lança le moteur. Un instant plus tard, l'automobile disparaissait dans des crachotements de fumées noires. »

Avec la Cavorite, on a va se rendre sur Mars, et ce minerai va devenir un enjeu principal pour les grandes puissances de cette époque. Malheureusement, les propriétés antigravité de la Cavorite ne sont pas éternelles et plus grave encore les mines commencent à s'épuiser. Notre histoire va commencer par un krach boursier avec des tensions en Europe causées par cette pénurie annoncée.

« le drame boursier a connu son épilogue dans la journée du 7 septembre. Une frégate aérienne des douanes britanniques a retrouvé le courtier new-yorkais à trente-quatre kilomètres d'altitude. Ruiné par le krach de la cavorite, William J. Lamont s'était défenestré le 15 mai 1923, quatre jours après le « vendredi noir ». Il avait préalablement écrit une lettre d'excuses aux clients dont il avait causé la banqueroute, puis s'était sanglé dans une ceinture de cavorite. le métal antigravitatif l'avait emporté dans les airs sitôt la fenêtre du building franchie. Sa dépouille flottait depuis quatorze mois, congelée par le froid sibérien régnant dans la stratosphère. Porté par les vents ténus de haute altitude, le businessman tournoyait comme un astre. »

Le décor est planté et nous allons suivre plusieurs personnages qui finiront par se croiser et donner ainsi du rythme à notre récit. Il y a d'abord Renée Manadier, notre institutrice de province qui monte à Paris suite à la fermeture de son école rurale. Maurice Perreti, commissaire de police bientôt en retraite qui cherche à finir sur un coup d'éclat. Marthe Anvin, une spécialiste scientifique de la cavorite qui est aussi une féministe égarée dans une époque de machistes. Il y a aussi le jeune artiste Georges Moinel qui va être embarqué dans le milieu anarchique. Et enfin le docteur Marcel chery, médecin eugéniste, poursuivit à cause du scandale de ses centres de stérilisation involontaire.

« Cela n'avait pas empêché Marcel Chery d'être invité par les plus hautes instances. Son cabinet de consultation ne désemplissait pas. Il recevait des épouses de politiciens et d'industriels influents. le président du Conseil en personne l'avait félicité d'avoir monté son réseau hospitalier en un temps record. Immergé dans son sentiment de toute-puissance, Marcel avait négligé les bruits qui commençaient à courir sur les « centres Chery ». Certaines patientes, anesthésiées pendant le traitement, souffraient du bas-ventre des semaines après leur sortie. Il s'agissait toutefois de déshéritées, si bien qu'elles n'avaient personne vers qui se tourner. »

le roman de Laurent Genefort nous transporte dans le Paris des années 1920, dans un style et une prose proches des romans ou des feuilletons du début du siècle dernier. C'est tout ce qui fait son charme. On y retrouve les thèmes de l'époque : La guerre, la colonisation, les inégalités sociales, les luttes de pouvoir. le rythme soutenu et les aventures pleines de rebondissements savent nous tenir en haleine. Mais l'auteur nous propulse aussi sur la planète Mars avec le même charme suranné des Edgar Rice Burroughs ou Gustave le Rouge. La planète Mars nous est décrite avec une atmosphère respirable. Elle possède sa propre flore et faune. Et pour nos Martiens ailés, je vous ne vous dirais rien de plus sous peine d'être accuser de trop spoiler le roman.

« Un matin, elle emmena toute la classe au bas de la colline. Un ruisseau coulait à l'ombre de saules à feuilles mauves, bordé par un lit de coquilles de kotarras. L'histoire naturelle faisait partie de l'instruction, mais ici, sur Mars, la plupart de ses connaissances ne valaient rien ; quant à Odette et Simone, elles avaient purement et simplement jeté la matière aux oubliettes. Elle devait donc improviser. le piétinement des brindilles par les élèves causa la fuite d'une colonie de coléoptères dorés – « des hunurs », les nomma Ogloor lorsqu'elle lui demanda – à travers un tapis de champignons spongieux. Un lucane rouge escortait chaque hunur : peut-être le mâle, ou la femelle, ou un insecte ayant un quelconque intérêt à le faire, à la manière d'un poisson-pilote. »

Laurent Genefort possède également une plume agréable et légère qui nous entraine avec brio dans son univers. Un univers qui est riche en dépaysement mais qui nous est aussi familier par ses connaissances précises des années vingt. Son uchronie revêt des relents de steampuck à la sauce des romans fantastiques qui ont bercé notre enfance. Un vrai coup de coeur pour les nostalgiques de cette époque que sont les amoureux du Titanic et de l'Orient Express. Un univers où on a envie d'y revenir et où il fait bon perdre son temps. Un livre accessible à tous et avec une vraie fin. Et pour couronner le tout, une magnifique couverture…

« Nantie de la notification récupérée dans sa boîte aux lettres, Marthe se présenta devant un guichet de la Poste à grille ouvragée, au-dessus duquel était inscrit : Télégraphie aérienne & spatiale. Distributeurs de timbres, panneau indicateur des levées et balances de pesée électromécaniques peuplaient le grand espace d'un vacarme de central téléphonique. Une employée lui remit une feuille dactylographiée, pliée en trois et oblitérée : l'éclairogramme envoyé par Renée quelques jours plus tôt. Elle n'osa demander combien cela avait coûté à son amie, un bon mois de salaire d'institutrice au minimum : un luxe inouï, quand celle-ci aurait pu passer par la voie postale ordinaire, via l'un des paquebots spatiaux. Un précieux témoignage d'amitié, de la part de Renée. le message avait été capté par l'observatoire de Meudon, transféré par tube pneumatique au bureau central, où il avait été déchiffré. Marthe s'acquitta d'une somme de cinq francs, puis signa dans un registre. »

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