J'en reviens pas.
Laurent Genefort est l'étoile montante de la SFFF en France et je me retrouve premier à critiquer un de ses bouquins. D'autant plus qu'il date pas d'hier. Comment ce bouquin a-t-il pu passer sous le nez de tout le monde ? Bah déjà, il est surtout connu pour sa SF, et puis c'était pas très sympa de la part de l'éditeur de cataloguer au rayon jeunesse.
(En fait, plus je vieillis et plus je me dis que tout ce qui ne contient pas de scène de cul est systématiquement mis en rayon jeunesse. Tu peux mettre des putes et des sous-entendus autant que tu veux, tant qu'il n'y a pas de couille à l'horizon, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.)
Bon, c'est vrai que la tranche d'âge n'était peut-être pas complètement injustifiée. Les relations entre les personnages ressemblent à celles d'un livre pour enfants, où tout est sans doute pas rose, mais beaucoup plus gentil que dans la vérité toute moche (il y a même le mot "taquiner", à un moment.) Et puis les dialogues et le style, il faut bien l'avouer, n'ont rien d'extraordinaire. Pourtant, il y avait un certain potentiel dans ce tome 1 : la manière d'exploiter les archétypes.
Car des archétypes, vous en avez à la pelle : une quête, de la magie à la pelle, une jolie sorcière (manquerait plus qu'elle soit rousse), des races non-humaines, une technologie médiévale, un jeune élu qui ne connaît rien au monde... Mais, et toute la nuance est là, ce sont des archétypes, pas des stéréotypes. Et l'auteur les exploite en effet de manière à aller à l'opposé de ces derniers. La magie est trouvable de partout même dans les usages domestiques et le magicbuilding est classique, OK. Mais il y a des machins plus puissants que d'autres, ce qui fait que même si Laurent s'amuse des fois à se la jouer
Pratchett, il garde tout de même sa crédibilité, et fait preuve d'inventivité. La technologie, ensuite, est bien médiévale, mais le cadre n'est pas pour autant le traditionnel paysage européen cher aux med-fans : on est dans une espèce de patchwork de toute l'Asie, même si c'est principalement le Moyen-Orient qui revient. Les races non-humaines sont essentielles à l'histoire et inédites, même si elles peuvent en rappeler d'autres. Quant à la quête... Eh bien, comme dans tout machin de BCF qui se respecte, c'est bien pour sauver le monde, mais elle est très, très différente de ce qu'on trouve normalement. On doit retrouver un nom avant la fin du monde. Sachant qu'elle arrivera quand même et que celui-ci ne servira peut-être à rien. Mais bon, qu'est-ce qu'on a à perdre ? Et puis cette fois le grand méchant n'est pas un adversaire surpuissant : non, c'est juste un sorcier qui s'est trouvé un moyen de se faire des bénéfices avec la fin de cette Quatrième Ère.
Mais c'est aussi ça qui me conduit à la troisième réponse à l'ignorance royale dont a fait preuve le public vis-à-vis de ce livre. À force de vouloir détourner des stéréotypes, eh ben... On en chope quelques-uns. L'élu est une version totalement classique de l'archétype, blanc, lisse, sans trace de personnalité particulière sinon qu'il a la lose. La sorcière est revêche et caractérielle, mais sans plus. Et la scène où ils arrivent dans une des plus grandes villes du monde m'a donné l'impression que je lisais juste un copier-coller oriental d'Ankh-Morpork. Et les fameux "trésors d'ingéniosité" dont on nous a avertis qu'Alaet ferait preuve (le fameux type qu'on a tellement comparé à Cugel dans les autres séries de livres où il apparaît alors qu'il est deux fois moins vicieux et même pas poissard) ? Que dalle. Juste une petite embuscade gentilloute.
Mais bon... Ça fait quand même plaisir de voir que malgré tout, l'auteur parvient à faire son petit bonhomme de chemin en nous montrant qu'il peut faire preuve plus d'originalité que de simplisme. Et le rapport que les races entretiennent les unes aux autres, vivant dans les mêmes milieux totalement mélangés, sans aucune discrimination ethnique ou physique, est mine de rien assez rare pour être remarquée ; c'est presque de la fantasy feel-good à ce niveau.
Et finalement, ça fait que ce petit diptyque sans prétention n'est pas désagréable du tout. Il faut juste être au courant qu'on ne sera pas sur du chef-d'oeuvre.