- En parlant d'attaques, sait-on de quoi étaient constituées les mines qui ont sauté autour du Point-Alpha ?
- Inutile d'aller jouer les détectives. Une plante locale a la caractéristique d'avoir des racines très profondes. Elles forment un réseau souterrain qui relie plusieurs plantes entre elles. Peut-être s'agit-il d'ailleurs de la même plante. Les rebelles ont réussi à y introduire une substance explosive, qui s'est propagée aux autres plantes du réseau.
Les multimondiales, les capitaines de vaisseaux, les colons eux-mêmes, tout le monde croit que l'univers est gouverné par l'économie. Mais peut-être qu'à l'inverse, le commerce nous sert juste de prétexte pour faire ce que l'on fait depuis l'aube des temps : déplacer de la matière d'un point de l'espace à un autre. Nous agiter, histoire de nous prouver que nous sommes toujours en vie.
La Spire a muté. Elle est devenue aussi toxique pour nous que la biosphère d'Ut's Lahore l'est aujourd'hui pour les colons. Voilà tout. Je suppose que c'est dans la nature même des compagnies, peu importent leurs bonnes intentions de départ.
Il se rappela une théorie répandue au sujet de l'origines des Portes. Selon elle, les Vangk avaient puisé dans un univers de poche conçu exprès de quoi fabriquer leurs Portes : de l'exomatière violant trop de constantes physiques pour être générée dans l'Univers.
Notre capacité à croire nos propres mensonges quand cela nous arrange n'a pas de limite.
« Là, tout de suite, tu me fais penser à Antée.
— Antée, la planète-jungle ?
— Et ses lianes sensitives. Une fois qu’elles t’ont pris dans leur filet, impossible de s’en dépatouiller…
— D’accord, je te lâche avec ça. »
Maxins coupa la com avec un soupir résigné. À n’en pas douter, Terez reviendrait à la charge d’ici deux jours, trois au maximum, sur les tenants et aboutissants de leur mission.
Peut-être parce que la capitaine du Van-Rijn avait perçu que lui non plus n’était pas à l’aise avec ça.
Il garda néanmoins l’image du cargo sur l’écran principal du Sakson. La silhouette du Van-Rijn se détachait du flamboiement d’étoiles dévalant le bulbe galactique tel un torrent gelé. Maxins avait du mal à s’empêcher de l’admirer. À la fois massif et élancé grâce à son double mât longitudinal, le long duquel se greffaient des batteries de conteneurs disposés en X. Le museau facetté de la proue se grumelait de capteurs, myriade d’yeux et d’oreilles reliés à l’IA-navi de bord. Un épais tampon séparait le propulseur électronucléaire du reste de la structure. D’autres tuyères, beaucoup plus petites, jaillissaient en bouquets le long du fuselage. Au milieu du Van-Rijn, un compartiment abritait des modules de service, et un pont desservi par une longue coursive centrale courait entre les deux mâts. Bref, rien à voir avec les caboteurs trapus d’antan. Une quinzaine de navis y vivaient à demeure. Jadis, les équipages avaient été plus nombreux, mais voilà longtemps qu’on se limitait au strict minimum. Entretenir la vie sur un vaisseau demeurait hors de prix, quand la plupart des tâches pouvaient être assurées par des systèmes automatiques. Certaines traditions avaient toutefois la vie dure, et l’homme n’abandonnerait jamais l’espace aux seules machines. Le Van-Rijn sacrifiait aux standards actuels en ce qui concernait la capacité de fret, mais aussi le blindage, même si les nouvelles colonies desservies ne présentaient pas davantage de dangers qu’un monde ordinaire, depuis que la Spire ne s’écartait plus guère des sentiers battus.
— Vous semblez certain de l'emporter.
— La problème n'est pas de l'emporter. A l'issue d'une négociation, tout le monde est mécontent, ajout-t-il avec un coup d’œil acéré à Solveig. Ce qui compte, c'est que tout le monde soit mécontent au même niveau.