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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Organique. Onanique. Onirique.

La “bombe Genet” s'écria, effaré, Jean Cocteau, “Saint Genet” proclama, solennel, Jean-Paul Sartre : c'est une entrée par effraction dans le champ littéraire, doublée d'un recel de poésie rimbaldienne sauce queer, qu'effectue avec cet ouvrage l'enfant de l'assistance publique, le délinquant, l'inverti, le louf', le black panthers : Jean Genet.

On a beaucoup glosé sur Jean le voleur qui écrit en 1942 à la Prison de Frênes son “Notre-Dame-des-Fleurs”, mais il est d'abord question d'une épopée stylistique, aussi clivante que les thèmes qu'elle essaime dans ses fulgurances protéiformes.

“Pour consentir à mêler dans sa vie de tous les jours — vie de souliers à lacer, de boutons à recoudre, de points noirs du visage à enlever — des aventures de roman policier, il faut avoir soi-même l'âme un peu fée.”

L'intensité de la langue Genet explose au lecteur. Dans sa façon de faire phrase, métaphore, ses agencements : entre une poésie anfractueuse, reconnaissons le, et une narration mise en abîme : nous découvrons Jean, dans sa prison, à marée basse et il nous entraine à mesure que la mer de l'imaginaire monte sous sa plume dans un flot de rêverie littéraire et libertaire. le sublime, le stellaire est à la fois fardé, subverti et enrichi par le provocant, l'argot, le gore, l'abjection, le bas-fond dans un récit qui joue de la fascination, subtil équilibre entre attraction et de répulsion.

Cependant cette dialectique n'est pas une fin en soi, Genet décline son art comme les rayons ensoleillent de toutes leurs nuances les paysages, tantôt la lumière est crue, rougeoyante, impudique, parfois froide, distanciée, parfois floue, embrumée ou encore tendre, fragile, désespérée ou fantasmée et truculente comme la luxuriance des couleurs de l'arc-en-ciel dans la rosée.

Dans une interview donnée à la BBC, Genet déclare “j'ai peur d'entrer dans la norme”, et de fait, la lecture de ce texte est une expérience qui ébranle le lecteur, à l'image de Jean Cocteau qui déclare à propos de Notre-Dame-des-Fleurs “il me révolte, me répugne et m'émerveille”, c'est une “expérience marginale”, pour reprendre la qualification du “texte de jouissance” de Roland Barthes, nul doute que ce dernier avait, entre-autre, Genet à l'esprit lorsqu'il délivra son analyse dans “Le Plaisir du Texte”.

Pour un écrivain qui se vit comme en dehors de la norme, quelle marge plus évidente que celle du crime. Alors par provocation, par homophilie virile (depuis les séducteurs Apaches de Montmartre, l'éternel culte du “bad boy” mal rasé, tatoué à midinette des halls de cité aux grudge garages perdure), mais aussi parce que la vie carcérale l'a naturellement conduit à fréquenter les vandales et les homicidaires. Néanmoins l'assassin n'est jamais une essence unique chez Genet, il est toujours doublé d'une marge plus interlope (pardonnez la consonance…).

Ces deux marges, un temps réunies sous les arcades du crime et du vice ne partagent pourtant pas la même postérité, le crime depuis les Dix Commandements reste un interdit social mais aussi pénal fondamental, quand les amours gays ont toujours eu rapport avec les sociétés humaines, comme moeurs, rites initiatiques, tolérance dans les milieux artistiques ou aristocratiques ou encore reconnaissance légale plénière de nos jours.

“Passer des fleurs aux boutonnières de la braguette”

Le “chant d'amour” de Jean Genet. de même qu'avec ce court métrage de 1950 très subversif (et pourtant sur Youtube), Genet assume son amour des hommes à la BBC : toujours au journaliste lui disant “Pour vous l'amour a commencé avec un garçon” Jean Genet corrige “non pas avec un garçon, avec deux cents” et, le sourire narquois, précise faussement rassurant “mais l'un après l'autre”. Si les appellations féminines fleurissent dans cet ouvrage, anticipant d'un quart de siècle l'avènement de la théorie du genre, c'est bien de garçons qu'il s'agit.

Mort et vie d'un bardache de Pigalle. A travers le récit de Divine alias Culafroy, “Dame de Haute-Pédalerie” et grue, des trottoirs de la rue Blanche à la place de Clichy, Mignon Les Petits Pieds son mac, le jeune Notre-Dame-des-Fleurs, Alberto et Seck Gorgui, Genet dessine en pionnier tant l'Odyssée que la Bible du Queer, ses influences se retrouveront dans la subculture à venir, mais tout est là, les dessins de Tom of Finland, l'exubérance de l'acteur d'Hairspray, lequel se nommera “Divine” peut-être en hommage au personnage de Genet.

Plus qu'un éloge de l'assassin, entre boa et chinchillas, c'est une oraison du travesti qui entre en littérature comme personnage principal.e, inusuelle couronne que celle que concède Jean à Culafroy : un dentier et un roman.

Préparez-vous donc à un poème en prose tout à fait singulier, où l'on trébuche, détourne le regard, une expérience limite, à moindre frais tout de même (on peut refermer le bouquin hein), où chaque mot compte dans la musicalité des phrases, où l'on côtoie presque des êtres sauvages, tant leur liberté, leur marginalité les tient habituellement loin de nous.

C'est aussi un ouvrage où le lecteur prend une part active, à l'image de ce passage où Genet nous invite à prolonger son oeuvre créatrice : “Je vous laisse libre d'imaginer le dialogue. Choisissez ce qui peut vous charmer. Acceptez, s'il vous plaît, qu'ils entendent la voix du sang, ou qu'ils s'aiment en coup de foudre, ou que Mignon, par des signes irrécusables et invisibles à l'oeil du vulgaire, décèle le voleur... Concevez les plus folles invraisemblances. Faites se pâmer leur être secret à s'aborder en argot. Mêlez-les tout à coup par un soudain embrassement ou par un baiser fraternel. Faites ce qu'il vous plaira."

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La plus belle plume française du XXè siècle et l'une des plus grandes de tous les temps. L'histoire n'est pas essentielle, une simple confession mêlée d'imagination, mais sublimée par une langue hors du commun.
Genet pousse l'exigence d'honnêteté et surtout d'écriture à un niveau que j'ai rarement eu la chance de rencontrer. Cette faculté à donner vie au sordide avec une telle beauté, une telle fluidité, m'a vraiment troublé: l'on croit pénétrer dans une pièce remplie de fleurs aux parfums capiteux, au décor raffiné, et l'on s'aperçoit qu'en ce lieu se tiennent des funérailles, que les fleurs couvrent l'odeur du rance. Alors, il y a la beauté du rituel, cette mise en scène parfaitement codifiée, cet exorcisme de la peur de la mort. Car Genet parle assurément de la Mort, sa lecture m'a semblé mortifère, mais Genet donne au Beau une nouvelle dimension, celle où le verbe s'élève réellement au rang d'Art.
Lien : http://johaylex.wordpress.co..
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Une prose poétique sans pareille, des images à couper le souffle, il parle d'une réalité difficile en mots féériques. Il joue avec les mots bien plus que la plupart des écrivains. C'est un écrivain de haute voltige littéraire. J'aime beaucoup.
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C'est frais et léger comme un parfum de prairie, agrémenté de couleurs pastel comme un ciel de printemps. On est emporté dans une fabuleuse rêverie par la douceur d'une bise insufflée par un génie caressant... Puis le rêve achevé s'effondre assombri...
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Je l'ai trouvé extraordinaire en ayant bien assimiler
Ces récits,il répond bien à mes aspirations que je concorde.
🏮 l'auteur Jean genet extravagant
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