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EAN : 9782253024750
Le Livre de Poche (15/10/1990)
3.34/5   51 notes
Résumé :
En juillet 1905, à Chasseneuil, dans le Val de Loire, Julien Derouet, dix-sept ans, lycéen « entre ses deux bacs », se voit offrir des vacances merveilleusement inattendues : un séjour d'un grand mois en Allemagne.

C'est la prestigieuse Mme Roy qui l'invite à les y accompagner, elle et ses fille, Brigitte, l'aînée, Blonde, la cadette, dont Julien est amoureux depuis l'enfance.

Le but du voyage est Offenbach sur le Main, près de Francf... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Lorelei est, je crois, un des tous derniers romans écrits par Maurice Genevoix, peut-être l'avant-dernier, me semble-t-il. Au crépuscule de sa vie, voici ce jeune homme de quatre-vingt-huit ans qui nous invite à une histoire sur l'adolescence. Et quelle histoire !
Au départ, on s'ennuierait presque dans cette province un peu vieillotte de 1905, dans le Val de Loire. Il y a fort à parier que ce jeune adolescent de dix-sept ans, Julien Derouet, ressemble peut-être comme deux gouttes d'eau à celui que fut Maurice Genevoix à peu près à la même époque.
Oui, il y a quelque chose au départ de très désuet. On se dirait presque que ce livre est un peu daté, qu'il a vieilli, que cette histoire est celle d'une autre époque. Mais voilà, il y a mille petits détails qui m'ont happé et entraîné follement dans les pages de ce récit d'apprentissage.
Lorelei, c'est un rivage, l'histoire d'un récit de vacances, on est sur le bord de ce rivage, un rivage qui est cette vie tranquille du Val de Loire, à Chasseneuil. Il y a cette proximité familière, l'univers de Julien est peuplé de ces personnes intimes et chaleureuses, la famille de Blonde, sa mère Gabrielle, sa soeur ainée Brigitte, Blonde et Julien ont le même âge, ils s'aiment depuis toujours, d'un amour tendre, d'un amour de jeunesse, c'est comme s'ils étaient déjà fiancés, promis l'un à l'autre. Tout semble déjà écrit pour eux, leur histoire, leur chemin, le paysage qui les entoure, ils sont déjà vieux à dix-sept ans. La mère de Blonde, Gabrielle Roy, est là un peu pour ordonner les choses, les goûters chez elle où elle reçoit quelques amis, quelques notables qui lui font la cour, elle est veuve, elle organise déjà les vacances à venir, un été en Allemagne pour retrouver Pacome le fils de la famille qui fait son apprentissage là-bas chez un maître tanneur, ce sera à Offenbach-sur-le-Main, ce temps qui séparera Julien et Blonde pour quelques semaines. J'ai aimé ce personnage de Gabrielle Roy, cette figure maternelle protectrice qui sait aimer et se faire aimer, elle incarne une forme de sérénité respectée, l'intuition gouverne ses pas, elle semble pressentir chaque chose en ce monde.
Lorelei, c'est un rivage et à la faveur d'une main tendue par Gabrielle Roy qui ne veut pas que deux enfants qui s'aiment soient séparés par le temps de l'été, elle propose à Julien de faire partie du voyage. C'est l'enthousiasme juvénile.
Lorelei, c'est un rivage et l'autre côté du rivage, c'est l'Allemagne, celle de 1905. L'amitié franco-allemande était quelque chose encore de fort, de solide, neuf ans avant que ne démarre la Grande Guerre qui allait faire voler en éclat cette fraternité et faucher en plein vol des millions de vies...
L'autre côté du rivage, il y a ce jeune étudiant allemand romantique de vingt-deux ans, il s'appelle Gunther. Julien et Gunther vont s'éprendre très vite d'une amitié étrange et fascinante, nimbée de mystères, comme les contours d'une passion secrète et inavouée.
Qu'a-t-il, ce jeune homme pour semer une telle fascination et un tel trouble chez Julien...? Son âge, sa beauté lumineuse, son visage marqué d'une balafre par le geste d'un sabre, son intelligence, son érudition, son amour pour la poésie d'Hölderlin, sa culture ample qu'il cherche à transmettre comme une richesse à partager, une sensibilité à fleur de peau, brûlant sous la tourmente, enfermée en lui comme un écrin protecteur... Peut-être tout cela à la fois...
Julien hésite à s'approcher de ce jeune homme étranger et si peu étranger à lui, un peu comme un papillon de nuit qui se bat devant la flamme de la lampe. « L'attirance et le repli sur soi ne sont pas exclusifs l'un de l'autre », dit alors le narrateur.
Très vite le jeune homme prend l'ascendant sur Julien, mais de cette amitié, chacun en sera transformé.
Cette amitié sera comme une tourmente, un séisme souterrain, quelque chose qui va laisser des traces en eux et autour d'eux, dans l'histoire d'amour que ressentait Julien avant l'été, dans cette naïveté presque encore puérile...
Dans ces abîmes qui créent le désarroi, il y a aussi ce qui n'est pas dit.
Ce livre est empli d'une magie, qui ne dévoile pas tout entièrement. Et c'est beau...
L'adolescence est un lieu de passage d'une rive à l'autre...
Je me souviens de cette première lecture peu après la sortie du livre. J'avais l'âge de Julien, j'étais fasciné par l'Allemagne, des amitiés que j'allais forger outre-Rhin, au travers de voyages d'études, de jumelages entre les villes, des moments riches, festifs, fraternels, dont je me souviendrais longtemps après. Lors de ce premier séjour, j'étais hébergé dans la famille d'un garçon du même âge que moi, il s'appelait Mathias, dans une petite bourgade d'Allemagne de l'Ouest à quelques encablures du rideau de fer. Je mettais les pieds pour la première fois en Allemagne, avec toutes les représentations, fausses pour la plupart, que je me faisais de ce pays, sans doute influencé par l'histoire de mes parents qui avaient connu la seconde guerre mondiale, ses meurtrissures... Mais pour eux, ces échanges étaient importants, devaient s'accomplir, se poursuivre et se multiplier... Cependant, au retour de ce premier séjour, ma mère ne manqua pas de me poser des tas de questions sur le père de Mathias, son âge, ce qu'il faisait à présent. Quand je lui dit l'âge approximatif qu'il devait avoir, j'ai vu cette légère grimace qu'elle a tenté vite d'effacer, mais je savais déjà qu'elle avait calculé dans sa tête l'âge que le père de Mathias pouvait avoir en 1944, année où son fiancé, le père de ma soeur, avait été fusillé par la Gestapo...
Lorelei est tout simplement un livre magique, comme le titre qui évoque cette divinité germanique, une ondine un peu maléfique, attirant les navigateurs du Rhin par son chant pour mieux les perdre. Elle est présente dans l'histoire... Ainsi ces pages sont-elles emplies de sortilèges, lorsque les choses semblent brusquement vous échapper, vous porter ailleurs, perdre les personnages dans les dédales qui s'offrent à eux...
L'élégance de l'écriture est souveraine ici. Elle nous prend la main, ne nous lâche plus. C'est un récit épris de mystère, celui du lieu, celui des paysages contrastés, dépeints avec justesse, sensualité, dans un lyrisme jamais excessif, celui des émotions convoquées, celui du temps aussi, temps présent, temps à venir... Celui des rivages qui séparent le monde de l'enfance en deux, il y avait avant et il y aura désormais après...
Ce récit initiatique est peut-être la quête d'une impossible harmonie.
Quarante-deux ans plus tard, il me semble avoir abordé ce roman d'une tout autre manière, des choses que je n'avais pas vues à la première lecture, que je ne voulais peut-être pas voir... Étrangement, à la fin de cette seconde lecture, je me suis dit que je n'avais peut-être pas encore tout saisi dans la richesse des peintures et des émotions, j'ai hésité à revenir en arrière, revenir à cette lecture par le recommencement. Peut-être vais-je attendre encore quarante-deux ans...
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Quel choc pour un adolescent de dix-sept ans, au début du vingtième siècle, de se voir offrir un voyage d'un mois en Allemagne avec Mme Roy et ses deux filles Brigitte et Blonde ; Blonde dont il est secrètement amoureux. Julien Dérouet se rendra donc à Offenbach sur le Main, près de Francfort, où le fils de Mme Roy, Pacome, est en apprentissage chez un maître tanneur.

A plus de quatre-vingts ans, Maurice Genevoix nous offre un roman initiatique. Car c'est bien un roman initiatique que ce « Loreleï »… Julien , au contact de cette Allemagne contrastée ; Allemagne romantique et guerrière, deviendra un homme. Loreleï , maîtresse des marins du Rhin tentera de l'attirer dans ses filets par les femmes, mais aussi et surtout par le biais d'un ami, initiatique, disais-je…

Il est remarquable de constater que Maurice Genevoix est aussi à l'aise pour nous faire partager le plaisir qu'il a à décrire les forêts allemandes que celui qu'il a de nous faire ressentir l'atmosphère de ses chers bois Solognots. Avec « Un jour », il nous livrait la quintessence d'un certain art de vivre, avec « Loreleï » il nous invite à un voyage initiatique.
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Point d'Ondine effleurant l'onde dans ce roman redécouvert dans ma bibliothèque. On y chercherait en vain la silhouette de la célèbre nixe perchée sur son rocher. Pourtant, omniprésente, elle transparait tout au long du récit, suscitée par la forêt, les étangs, la brume, l'étrange silence qui s'invite parfois dans les actes les plus anodins des personnages. Comme hissée hors des eaux, elle les accompagne, guide le lecteur au fil du Rhin. Mayence, Coblence, Boppart, de son univers onirique jusqu'aux frontières de France. Dénouement apaisé pour ce roman singulier qui suggère autant qu'il raconte. Vacances d'une jeunesse dorée avant la fêlure. Celle de Julien, égaré entre passion et apparences, amoureux de Blonde mais troublé par Gunther, sombre faune qui semble se jouer de tous. Celle de la guerre qui se profile et menace de changer les innocents en combattants fratricides. Un roman littéraire à l'expression riche, distinguée et recherchée qui mérite lecture et relecture.
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Julien a dix-sept ans, l'amour de la jolie fille de sa voisine, et le bonheur de n'être pas séparé d'elle le temps des vacances, puisque c'est dit, il sera du voyage d'un mois de la famille de sa belle. Direction l'Allemagne, où le frère est en apprentissage.
Seulement, l'Allemagne est un choc, de ses forêts cathédrales à sa littérature. Et puis Günther, surtout, légèrement plus âgé, fascinant, parfois cruel, souvent sentimental....
J'avoue, je ne sais pas trop quoi penser de ce court roman, à la langue réellement merveilleuse, mêlant le roman de passage à l'âge adulte, l'ode à la culture allemande, la préfiguration terrible de 1914, un soupçon de fascination sensuelle entre les deux jeunes hommes....
Très beau, mais j'ai l'impression qu'il me manquait des clés.
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C'est vieillot, je l'ai ressenti rapidement. le récit se déroule en 1905, la date n'y est pour rien, les Marcel Pagnol sont à peu près de cette période, tout comme La petite Fadette de George Sand si ma mémoire est bonne, et ça ne se ressentait pas à ce point.
Dramatique serait le deuxième mot que j'utiliserais pour qualifier ce roman. Pas dans le sens mauvais, plutôt dans celui des émotions humaines. Un poil dépressif par moment.

J'ai aimé le style de l'auteur, c'est imagé juste ce qu'il faut. Difficile de juger l'histoire en elle-même car elle est autobiographique, romancée pour éviter les gros vides je suppose. Ca n'en reste pas moins une belle leçon de vie.
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
L'homme qu'il voyait debout en face de lui et dont, quelques semaines plus tôt, il ignorait jusqu'à l'existence, cet homme-là aurait marqué sa vie, changé le cours de son destin. Sa présence matérielle, la prestance racée de son corps, le jeu de la respiration qui soulevait rythmiquement sa poitrine, les traits de son visage, ce visage-ci parmi tant de milliers, ces yeux bleus fixés sur les siens, ce sourire monté des profondeurs et dont la franchise soudaine, la transparence exaltaient irrésistiblement le charme ; et surtout, envahissant et délicieux, le sentiment d'avoir ému en lui quelque chose - il ne savait encore mais il allait savoir -, une ressemblance, une fraternité, un besoin et un espoir qui allaient rejoindre les siens, qui les avaient déjà rejoints, tout cela devenait bonheur, fierté d'avoir choisi, de s'être aliéné librement, de n'avoir pas donné en vain, d'avoir compté dans une autre vie.
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De cela au moins, Julien avait osé parler à Gunther. Mais dès ses premiers mots Gunther avait haussé les épaules. "Qui bluffe ? avait-il dit. Vous, nous, les Anglais, tout le monde. Les diplomates finassent, la presse s'en mêle, le bon peuple s'énerve, c'est dans l'ordre. La guerre ? Si tu veux mon opinion, je n'y crois pas... pour le moment. Je te ferai passer demain un article du Berliner. Tu y verras que ces messieurs, entre eux, disent quelquefois la vérité. Ainsi de Monts, notre ambassadeur à Rome, a dit à votre Barrère : " Pas question de vous faire la guerre à propos de l'affaire marocaine. Trop d'aléas. Nous serons prêts en 1914. " Gunther avait ajouté en souriant : " tu auras vingt-six ans, moi trente et un : nous en serons. " Et son sourire avait retrouvé le rayonnement de l'amitié.
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Ici, nous sommes vraiment chez nous. Heureux temps, celui où nous vivons ! Un tiers après l’Année Terrible, trente-quatre ans de paix et de stabilité, une Banque de France dont les billets républicains défient le prestige de l’or même, et pour nous, notables de Chasseneuil, douceur de vivre aujourd’hui et demain : le Coteau..
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Et aussitôt, de la poitrine aux genoux, il sentit le long de lui l'étroit contact du corps que rencontrait le sien. Il ne referma pas les bras, ne chercha pas à resserrer l'étreinte. Son coeur, tout de suite, s'était mis à battre avec violence. Ces battements, le bruit de son souffle emplissaient ses oreilles d'un grondement énorme et confus. Il restait immobile, comme si le moindre geste eût pu briser irrémédiablement l'accord miraculeux qui lui était donné. Pendant une seconde démesurée, il lui parut que ce qu'il éprouvait le comblait d'une jouissance qui ne pouvait être, qui ne serait jamais dépassée.
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Le ciel, inépuisablement, prodigue la lumière de l'été, azur et or, sous de légers cirrus qui planent très haut, lumière eux-mêmes, gorgés de soleil. L'espace grandit, semble s'ouvrir comme une corolle. Une brise d'est, le long de la voie, éveille dans les feuillages un frémissement qui ne finit plus. C'est de la terre que monte à présent la clarté. Cette rivière... Il est debout. La rivière tourne, dessine sous le ciel un ample et caressant méandre. Il crie comme un alléluia :
"La Moselle!"
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Videos de Maurice Genevoix (28) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maurice Genevoix
https://www.laprocure.com/product/1049468/genevoix-maurice-rrou
Maurice Genevoix, illustrations Gérard Dubois rroû Éditions La Table ronde
« On craque pour ce livre illustré de rroû de Maurice Genevoix aux éditions La Table ronde. Une petite merveille illustrée par Gérard Dubois qui est multi-primé en tant que dessinateur pour le Newyorker et le New York Times entre autres. Évidemment, Maurice Genevoix, c'est celui qui a été connu et reconnu pour Ceux de quatorze où il décrivait ses blessures de guerre et la guerre en elle-même, qui est un texte majeur en littérature française, puis qui avait eu le prix Goncourt pour Raboliot. Et ce texte-là, magnifique, n'est pas seulement l'histoire d'un chat, c'est bien plus que ça... » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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