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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce très beau roman où la nature des côtes déchiquetées des Farallon Islands, cinquante kilomètres environ au large de San Francisco, sert magnifiquement un huis clos pathétique, violent, rarement tendre, ne sombrant jamais dans le mélo, avec des personnages hauts en couleurs, portant tous leurs mystères, quelques fois dévoilés peu à peu, d'autres fois dissimulés à jamais.

L'héroïne, Miranda, trentenaire célibataire, photographe aventurière, est venue passer une année avec un groupe de biologistes, année au cours de laquelle elle pourra photographier requins, baleines, éléphants de mer, phoques et une variété infinie d'oiseaux, dans ces îles hostiles où elle verra s'écouler saisons et événements qui impacteront irrémédiablement sa vie.

Dès les premières pages, on apprend que Miranda est orpheline de sa mère, tuée dans un accident de la circulation alors qu'elle-même était agée de seulement quatorze ans. Et depuis vingt ans, elle lui écrit quotidiennement, confiant ses lettres qui ne seront jamais lues au hasard des postes, glissées dans des murs, des arbres ou sous des pierres. Miranda est donc la narratrice de son aventure humaine, de sa jeune vie privée prématurément de l'amour maternel et de tout l'accompagnement d'une mère pour aborder l'existence. Ses lettres relatent essentiellement du factuel, les événements survenus sur les îles, mais aussi de nombreux retours sur sa vie passée qui mettent en évidence le manque de cette mère, manque devenant encore plus intense dans les suites de son vécu sur les îles.

Malgré ce manque flagrant, Miranda est une vraie héroïne, une combattante, attentive et curieuse, dévoilant quand même quelques secrets à ceux de ses compagnons qui lui paraissent développer les meilleures qualités d'écoute. Au fil ses lettres, elle analyse les personnalités de ses partenaires, deux femmes et quatre hommes, elle sent la haine à son égard s'installer chez l'une d'elles, Lucy, elle découvre les attentions désintéressées de l'un des hommes, Mick, la violence sexuelle d'un autre, Andrew, les qualités d'observation et de compréhension de Galen, sans doute le plus mystérieux qui partagera avec elle quelques-uns de ses secrets.

Ce huis clos se déroule dans un univers maritime grandiose avec l'approche des grands maîtres de la mer, requins, baleines, mais aussi phoques et goélands meurtriers. Les images des animaux, des tempêtes, des nuits pluvieuses, orageuses, venteuses, des ciels étoilés, du cycle de vie des animaux, leur reproduction, leurs destins et aussi ceux des humains, finalement assez proches, avec quelquefois plus de méchanceté et de volonté de détruire.

Miranda livre aussi de belles analyses sur la photographie, ces prises d'images instantanées au travers desquelles elle ne perçoit pas toujours la réalité de l'instant vécu. Elle sera d'ailleurs amenée à réaliser quelques photos volées d'amour humain, décrites avec délicatesse par Abby Geni.

Et toute cette délicatesse, celle de l'héroïne notamment, côtoie une violence qui par moments s'exacerbe, trouvant des points d'orgue saisissants, en une construction romanesque indéniablement très réussie qui fait de Farallon Islands un superbe roman de nature, d'amour et de mort.
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C'est un archipel, au large de San Francisco, si petit qu'il est hautement probable que la plupart des lecteurs le découvriront avec ce roman, d'autant qu'il est peuplé essentiellement d'oiseaux et de phoques, et d'une poignée d'humains assez fous pour y passer du temps, en mission d'observation. le décor est rude, la terre inhospitalière, les animaux défendent leur territoire avec violence. C'est là que Miranda arrive avec son matériel de photographie, accueillie froidement par les exilés volontaires qui résident sur l'île. Chacun vient y panser ses blessures, montrant les dents comme une bête malade à la moindre tentative d'incursion dans leur vie privée.

C'est un huis-clos fascinant, émaillé de drames et de morts violentes, dans un cadre austère et dangereux, au coeur d'une nature sublime et sans pitié. Il y a fort à parier que l'on regarde différemment les goélands, chapardeurs et culottés qui séjournent sur nos littoraux.

Abby Geni a l'art de partager ses connaissances sur la nature, sans que cela paraisse artificiel. Les leçons de choses qui émaillent le récit ont leur place dans l'histoire : pas d'impression de copié-collé d'une encyclopédie en ligne

Très beau récit, à la fois instructif et palpitant, une belle découverte
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Miranda est photographe animalière. Sans attache, elle parcourt le monde au gré de sa chasse aux images. Cette fois, elle a obtenu l'autorisation de séjourner sur les îles Farallon, cet archipel sauvage loin au large de la Californie, réserve protégée abritant d'exceptionnelles colonies d'oiseaux, mais aussi propice à l'observation des éléphants de mer, des baleines et des requins blancs. Elle y découvre des lieux inhospitaliers et particulièrement difficiles d'accès, où réside, dans la promiscuité spartiate d'un refuge-observatoire, un petit groupe de biologistes aussi peu accueillants que leur environnement. Un huis clos explosif se met en place, dans un climat d'autant plus pesant et menaçant que les accidents ne tardent pas à s'enchaîner.


Le cadre du roman est exceptionnel et fidèle à la réalité. On y découvre un petit bout du monde battus par les éléments, difficilement relié au continent par une presque journée de bateau à bord de la rare navette qui assure le ravitaillement, et qui ne peut même pas accoster ces îles dites de la Mort. C'est à l'aide d'une nacelle treuillée depuis le haut d'une falaise qu'on y débarque. Dans ce décor dantesque où l'homme n'est qu'un intrus, la nature est seule maîtresse et impose sa grandeur, sa violence et ses dangers. le récit d'un parfait réalisme aligne une série de tableaux aussi grandioses que terrifiants, où le miracle de la vie s'assortit de l'implacable et cruelle loi du plus fort. Ici, beauté rime avec âpreté, vie avec cruauté, et l'homme s'y sent aussi fragile qu'au tout début du monde.


Un tel théâtre devient aisément infernal si l'on s'y retrouve durablement confiné dans la promiscuité d'un étroit logement de fortune, en compagnie d'hommes et de femmes que leurs blessures et névroses, autant que leur passion scientifique, ont poussé à l'écart du monde. Dès le début de l'histoire, un climat délétère s'installe, aussi étouffant que les fréquentes brumes qui ouatent l'archipel. Face à la nature brute et à la perpétuelle sensation de danger, les faux-semblants s'effacent et les caractères se révèlent, dans une confrontation sournoise où tout peut soudainement déraper. le moindre incident devient suspect, la plus petite parole s'interprète de travers, et la paranoïa s'empare du lecteur y compris. Il suffit d'un premier drame pour mettre le feu aux poudres.


Geni Abby nous livre ici un angoissant thriller psychologique, dont la tension et les effets en cascade doivent beaucoup à sa puissante évocation des îles Farallon : un lieu sauvage à quelques pas du monde « civilisé », où l'homme a tôt fait de redevenir un fauve parmi les autres.

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Les îles Farallon sont situées à seulement 50 km à l'ouest de la Californie, mais l'atmosphère sur ces îles est tellement étrange qu'on a l'impression d'être au bout du monde, complètement isolés, à des années lumières des hommes et de leurs préoccupations.
Miranda est photographe et elle va rejoindre pour une durée d'un an les six scientifiques qui vivent sur une de ces minuscules îles.
Ces îles sont le territoire exclusif des requins, des baleines, des éléphants de mer et des oiseaux, et la vie des scientifiques est rythmée par l'observation et l'étude de ces animaux, jour après jour, saison après saison.
Avec Miranda, nous allons découvrir la vie et les secrets des animaux qui peuplent ces îles, mais celle des rares humains sera plus difficile à appréhender, chacun étant là pour des raisons personnelles.
Au gré des marées et des jeux de lumière, nous finirons par découvrir ce que chacun a à coeur de trouver, de découvrir ou de cacher.

J'ai beaucoup aimé suivre le quotidien de ces sept personnes et de ces milliers d'animaux, j'ai eu envie d'attendre avec eux pendant des heures l'apparition des requins dans la baie, j'ai été émue par le retour des éléphants de mer venus donner naissance à leurs petits, j'ai eu peur assise dans une barque fragile à côté d'une baleine qui aurait pu la retourner d'un seul coup de queue, j'ai été horrifiée par l'attaque foudroyante d'un phoque par plusieurs requins blancs, j'ai adoré trouver par hasard une pierre d'estomac, j'ai été émerveillée par les nappes de brouillard qui surgissent d'un coup et les rayons du soleil qui les transperçaient tout aussi rapidement.
Le credo des scientfiques est d'observer mais de ne jamais interférer sur la vie de l'île.
Ca signifie qu'en aucun cas, ces hommes et ces femmes pourtant dotés d'intelligence et de compassion ne sont censés protéger un animal blessé des prédateurs, ils ne sont pas censés aider un petit éléphant de mer qui serait perdu, loin de son groupe, il ne viennent pas en aide à un bébé oiseau tombé du nid, ils se contentent d'assister à tout ce qui arrive, les combats, les blessures, les morts lentes, les cris de douleurs et d'agonie et consignent tout dans leurs carnets.
Miranda elle, vit à travers ses objectifs photographiques, le cadran de verre lui sert de rempart contre la douleur, la froideur et l'indifférence.
Le danger est partout sur ces îles, sur les rochers glissants, dans le brouillard, le froid, la nourriture répétitive, le manque de contact avec le continent, les animaux qui peuvent se révéler agressifs et les hommes qui eux-même peuvent être la pire menace qui soit pour leur semblables.

J'ai eu beaucoup de plaisir à parcourir avec Miranda des kilomètres de cotes escarpées, à prendre des photos de tous les animaux qui trouvaient sur cette île un lieu de repos, j'ai été happée par le travail quotidien des scientifiques, j'ai été heureuse de jouir d'une pause avec mon propre quotidien bruyant, car ici, pas de téléphone, pas de télévision, pas de foule, pas de voiture, rien de ce qui rend nos vies à la fois si rapides et si remplies de tout un tas de choses sans intérêt.
Loin d'être un havre de paix, ces îles replacent l'homme dans la nature, et il apparaît comme l'animal qu'il est réellement, ni plus malin, ni plus fort, ni plus intelligent, ni meilleur que les autres animaux vivant sur cette terre.
Un gros coup de coeur pour ce roman où les notions de dangerosité et de compassion sont décortiquées, analysées, retournées dans tous les sens jusqu'à prendre des formes inattendues.
Un roman qui bouscule nos certitudes et qui nous hante longtemps après la lecture.
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J'aime beaucoup les récits qui évoquent la nature, les animaux, et en particulier la faune marine. Ce premier récit d'Abby Geni, judicieux mélange de thriller psychologique et de nature writing, est une très grande réussite.
*
Longtemps appelées l'archipel des Morts, les îles Farallon sont un petit ensemble d'îlots rocheux et inhospitaliers au large des côtes californiennes. Ce petit sanctuaire pour animaux sauvages, livré aux caprices d'une nature impitoyable, est une des îles les plus dangereuses au monde.

« Les Miwoks croyaient que l'endroit était aussi bien spirituel que physique. Ils le voyaient comme un enfer sur terre où étaient envoyées les âmes damnées pour y vivre dans l'inconfort et la solitude. »

Seuls, quelques scientifiques et chercheurs passionnés y résident dans des conditions de vie très rudimentaires, étudiant autour de ce lieu protégé, les cétacés, les requins, les populations d'otaries, de phoques, d'éléphants de mer, et les colonies d'oiseaux marins.
A leurs risques et périls…
*
Sous la forme d'un récit épistolaire, nous découvrons Miranda, la narratrice, une photographe de la nature, qui a voyagé partout dans le monde à la recherche de paysages extrêmes. Expérimentée, elle a reçu l'autorisation de passer une année entière sur les îles Farallon pour y photographier les paysages aussi envoûtants qu'hostiles, ainsi que la faune dans son milieu naturel.

« Les îlots sont les étoiles principales d'une galaxie de vie marine. Il y a les grands requins blancs, en visite périodique, qui quittent leur orbite mystérieuse pour venir traîner au large. Les baleines, pareilles à des comètes lointaines, qui viennent ici en quête de krill. Il y a les macareux huppés. Les loutres de mer. Les cténophores. Je suis bien partie pour rester une année entière sur ces îles. J'aurai besoin de tout ce temps pour photographier ce coin de bout du monde. »
*
A travers son courrier, le lecteur fait la connaissance avec cette jeune femme solitaire et fragile sur le plan émotionnel et psychologique. Fascinée et séduite par cet endroit isolé, elle n'en ressent pas moins beaucoup d'appréhension.
En effet, la beauté sauvage des îles Farallon se heurte à la rudesse du climat, au hurlement du vent, au fracas des vagues, aux violentes tempêtes, aux animaux sauvages et à la dangerosité du site.

« La mort n'a jamais été aussi présente pour nous sur les îles Farallon qu'en ce moment. Il n'y a pas si longtemps, elle était comme le bruit de l'océan diffusé par l'arrondi d'un coquillage – distante, vague, à moitié fantasmée. Elle est désormais sur le devant de la scène. »

Nous découvrons, en même temps que la narratrice, les six résidents, leur personnalité, leurs secrets.
La présence des biologistes n'apporte pas la chaleur tant attendue malgré la promiscuité imposée. Etranges et taiseux, ils amplifient le phénomène d'isolement, d'insécurité, de malaise et de défiance.
La confiance envers les résidents est très vite mise à mal, leurs comportements aussi étranges qu'étouffants. L'atmosphère s'épaissit rapidement, rendant le récit inquiétant, menaçant, mais aussi particulièrement captivant et addictif pour le lecteur.

« En fait, on peut mourir d'une centaine de façons sur ces îles. Il est même fascinant que nous ne soyons pas déjà tous six pieds sous terre – abandonnés au vent, à l'océan et au don formidable qu'ont les humains pour la mort accidentelle. »

Les silences sont tendus comme de cris de colère, de souffrance, de chagrin, de haine ou de ressentiment. Construit autour des thèmes forts comme le traumatisme, la douleur, le deuil, le déni et le poids de l'absence, ce thriller offre au lecteur un véritable huis-clos à ciel ouvert.
L'épilogue raconté par un des biologistes est particulièrement réussi, apportant des réponses à certaines de nos interrogations.
*
Le métier de Miranda nous amène à côtoyer de nombreux animaux marins, à découvrir et mieux comprendre, au contact des biologistes, la vie de la faune marine.
Le roman se découpe en quatre saisons, selon l'espèce présente sur les îles à ce moment-là, formant un cycle avec ses naissances et ses décès. Pour chacune d'entre elles, saison des grands requins blancs, saison des baleines, saison des phoques, saison des oiseaux, Abby Geni décrit les impressionnantes migrations, les combats parfois sanglantes pour s'approprier les femelles, les modes de reproduction, l'alimentation, ...

*
Le travail d'écriture de cette jeune auteure est vraiment incroyable, à la fois poétique et pesant, lumineux et sombre, très descriptif, merveilleux tout comme tragique. Elle crée une atmosphère de tension, de suspicion et de fébrilité entre les personnages qui s'accorde totalement au décor naturel.

Le lecteur se sent emporté par cette ambiance terrifiante et séduisante, ressentant l'influence de l'archipel, sa beauté brute et sauvage, le rivage glissant, les embruns salés, la brume froide et humide, le frisson glacé porté par le vent, à tel point que l'île peut être perçue comme un personnage à part entière.

C'est un roman très sensoriel.
L'auteure excelle à nous faire ressentir les fortes odeurs de guano, la répulsion face à ces milliers de souris qui ont envahi l'archipel, le chant presque humain des baleines, les cris tapageurs des oiseaux marins, le hurlement du vent, le fracas des vagues qui s'écrasent sur les falaises abruptes et déchiquetées.

*
C'est aussi une belle réflexion sur l'art photographique. Par le choix de son matériel et du cadrage, Miranda raconte une histoire, capture certains moments, mais également manipule notre interprétation.

« Quand les visiteurs d'une exposition regardent un tableau, ils ont accès, pour une fraction de seconde, à l'esprit de l'artiste. Un genre de télépathie. de voyage dans le temps. À l'avenir, quand les gens regarderont mes photos des îles, ils verront ce que j'ai vu. Ils se tiendront au même endroit que moi, entourés de cet océan. Peut-être éprouveront-ils même un peu de l'allégresse qui m'a saisie ici. »

Aby Geni a également une idée très précise de ce qu'elle veut que le lecteur perçoive.
Par le choix d'un angle de vue rapprochée sur Miranda, elle cherche à créer une certaine proximité et une certaine intimité avec la jeune femme.
Mais l'auteure écrase également la perspective et change la perception globale de la scène. En racontant une histoire à l'intérieur du cadre et en laissant dans l'ombre d'autres scènes comme les coulisses d'une scène de théâtre, elle manipule le lecteur, induisant des émotions et des sentiments plutôt que d'autres.

*
Ce huis-clos, troublant, fascinant et dérangeant, m'a empoignée et ne m'a plus lâchée jusqu'au dénouement. Il m'a rappelé « Les dix petits nègres » d'Agatha Christie, ainsi que « Les oiseaux » d'Alfred Hitchcock, avec la présence fascinante, dérangeante et écrasante des mouettes et surtout des goélands.

Un coup de coeur pour ce superbe roman que je vous encourage à découvrir à votre tour.
Ce roman m'a tellement plu que lorsque j'ai déniché involontairement dans une petite bouquinerie « Zoomania », un autre roman de l'auteure, j'y ai vu une invitation à le lire et il est venu tout naturellement s'ajouter à tous mes livres en attente.

Pour finir, je tiens à remercier Selias qui m'a donné envie de lire ce roman.
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Un nouvel Nature-Writing a débarqué de Chicago, oui c'est certain, de retour d'une île où seuls les animaux osent frayer, "Farallon Islands", un archipel inhospitalier, dit-on. C'est simple il faut prendre la mer et naviguer au large de San Francisco. Ce beau bébé de près de 400 pages c'est une femme qui le porte, Abby Geni. La narratrice, Miranda photographe de la nature sauvage, en parle à vous gaver, et cohabite avec 6 pingouins, des taiseux qui ne l'ont pas attendue pour cultiver leur savoir.


J'imagine les commentaires de notre planète, "Lire-Télérama", où une colombe fera un beau papier pour nous susurrer : "Je la vois Abby Geni encapuchonnée, affronter la mer, seule, portée par toutes les images qui flottent dans ses rêves marins".
Dans cette nature hostile, c'est une réalité bien différente qui vous attend.
Ce magnifique roman, d'espaces et d'aventures est aussi un huis clos où nos pingouins, sont des biologistes à la carcasse taillée dans de vieux chênes. Les quatre femmes ont elles aussi des tempéraments inaltérables même par gros temps.


Miranda écrit tous les jours à sa mère depuis ses 14 ans, quand elle s'est retrouvée orpheline devant un père dévasté. Les " îles Farallon" offrent une opportunité idéalisée pour y glaner des prises de vue improbables, des images qui peut-être feront la une des journaux. Prendre sur le vif la naissance de bébés phoques, et pourquoi pas des jumeaux serait pour elle marquer les esprits et inscrire un nouveau maillon dans la chaîne des grandes photos insolites de la faune sauvage.


Imaginons son rêve de gamine réalisé, dans le plus beau décor qu'une terre vierge puisse porter, où la nature s'exprime sans retenue. Ses premiers pas dans l'île principale est un choc pour la jeune femme, même pour elle qui a parcouru le monde.


Ce matin j'ai exploré les lieux.
Je ne peux pas expliquer la joie que j'ai éprouvée.
Tout ce qui constitue ces îles m'a semblé exquis.
L'air iodé.
Le fracas des vagues.
La danse des souris qui s'égaillaient à la limite de mon champ visuel.
Le granit qui craquait et s'effritait sous mes bottes.
page 60


Quand elle débarque à la fin de l'été c'est la saison des requins blancs, des grands requins blancs dont Galen et Foster sont les spécialistes, ils sont intarissables sur ces bêtes féroces qui dégustent un phoque ou une otarie, comme un hamburger. Mais sur le passé de Galen et de Foster rien ne perce.
Elle pensait bien avoir à affronter les pires conditions de survie. Face aux carnages engendrés par les requins blancs, Miranda faisait l'expérience du vent, un vent dévastateur, qui parfois se transformait en un feulement doux et rêveur.


A la fin de l'automne, les baleines se multiplient autour des îles. Les voici, "dans les eaux comme des cauchemars, elles se confondent avec les vagues, les nuages, les îlots et reflètent la lumière, les baleines bleues comme les baleines grises". Mick spécialiste des baleines, est fasciné, et comme lui c'est peut-être ce spectacle qui est le plus déroutant. Imaginez des nageuses synchronisant des chorégraphies, les baleines sont capables de défier nos sirènes, un moment inoubliable.


Le brouillard s'installe de façon permanente, c'est la mi-décembre la saison des phoques commence. Pour Lucy et Andrew coiffé de son "bonnet rouge cramoisi" c'est aussi la bonne saison pour observer les océanites de Wilson. Oiseaux nocturnes, ils nichent dans les falaises. Lucy allait ainsi découvrir une vraie cité dortoir.


Mais au printemps, le temps redevient majestueux, c'est l'île aux oiseaux, avec la nidification, la couvaison, le travail des biologistes est alors intense pour répertorier toutes les espèces présentes, ou celles qui migrent. Cette planète, la demeure des macareux et des guillemots est aussi celle des oiseaux de nuit, les nocturnes comme les chauves-souris ou les océanites qui font la nuit un bruit d'enfer.


"Farallon Islands" est un roman magnifique aux multiples facettes, Melissa ou souricette selon les surnoms qu'on lui attribuait, évoquait souvent le souvenir de sa mère, et lui dévoilait son dialogue intérieur imprimant au récit une respiration, des moments de calme qui allaient devenir au fil des pages, indispensables pour suivre son regard sur cette équipe fragilisée.


Comment éviter une confrontation, avec ces 6 chercheurs biologistes et une stagiaire Charlene, qui donnent le sentiment de tempéraments introvertis, formant dans ce refuge exigu une communauté dévouée au silence, à un passé que nul doit connaître.
Il est difficile de se mettre à nu. Malgré le vacarme qui règne au dehors tous les bruits sont écoutés, entendus, interprétés. Seul Nick cherche à coopérer dans les corvées ou dans les coups durs. le temps des drames et des accidents les surprend tous, incapables de s'en extraire, le huis clos va se refermer sur eux.


Nous sommes dans une version marine d'Agatha Christie. Hercule Poirot chez Abby Geni n'est pas prêt à imaginer l'enchaînement dramatique, qui va peu à peu balayer la vie et l'univers minéral de ces chercheurs. Comment les rêves de Miranda vont ils être laissés un temps à l'abandon pour une autre lumière, comme si un jour le soleil avait enfanté une déchirante foison de couleurs, pour lui montrer une autre traversée.


Un véritable bijou, tout converge pour émerger de ces heures, sombres, tumultueuses ou lumineuses, avec un autre regard sur la nature, et sur nos compagnons de route les hommes. Des biologistes passionnés, que l'on adoptera, et comprendra, les douleurs comme leurs faiblesses étaient les clés de leur humanité, l'écriture et la délicatesse de Abby Geni les rendaient crédibles et sensibles.

Un très grand roman.
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Miranda, jeune femme de trente cinq ans, photographe, arrive dans les îles Farallon pour y faire un reportage qui doit durer un an. Ces îles perdues au large de San Francisco, sont difficiles d'accès et inhabitées, excepté celle du sud-est, qui abrite une station de recherche où cohabitent des scientifiques, des biologistes spécialisés, Galen le responsable, encadre Forest avec qui il observe les requins, Andrew et Lucy, ornithologues, Mick, specialiste des mammifères marins et Charlene, une jeune stagiaire. La jeune femme dès le début, est appelée par erreur Melissa, sans qu'elle ne cherche à corriger ses interlocuteurs, une attitude qui s'explique par l'état d'abstraction au monde qu'elle ressent depuis vingt ans, depuis la mort accidentelle de sa mère, une mort qui l'a laissée en suspend et qui la pousse à lui écrire des lettres qu'elle envoie sans y apposer d'adresse.
Dès son arrivée, la jeune femme ressent les tensions, les obsessions de chacun, enfermés dans leur spécialité, taiseux, se retranchant dans leur espace réservé mais exigu une île battue par tous les vents, une situation à laquelle s'ajoute un isolement physique, les visites du bateau ravitailleur dependant des conditions climatiques difficiles. Les scientifiques sont surtout confrontés chacun à leurs sujets d'études, des milliers d'oiseaux qui crient, agressent pour protéger leurs oeufs et déposent des montagnes de déjections, des requins qui dévorent les morses, les éléphants de mer qui s'entretuent, mais cette nature offrent également des éblouissements avec les chants de baleines et la danse des dauphins.

Un coup de coeur avec Farallon islands, un roman angoissant, à la limite du thriller, avec ce huis clos dans lequel des êtres enfermés dans leur propre solitude doivent cohabiter et partager des moments contraints et forcés. Des événements dramatiques, accidents, blessures, décès vont pousser les suspicions et doutes chez certains des protagonistes, renforçant encore les tensions existantes.
Un roman réussi, qui tient en haleine et maintient une tension tout au long de son déroulement.
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J'ai adoré ce roman, autant vous le dire de suite. C'est un roman d'atmosphère. Il règne dans ce roman et sur cette île, une atmosphère particulière qui vous embarque, en tout cas ça c'est passé comme ça pour moi.
Farallon islands ce sont des petites îles inhabitées, hostiles au large de San Francisco.
Miranda, jeune photographe qui se cherche depuis la mort de sa mère, à l'adolescence, débarque pour un contrat d'un an. Elle va rejoindre une communauté scientifique de biologistes marins qui étudient les oiseaux, les éléphants de mer, les phoques, les baleines et les requins. Chacun a sa spécialité et ils surveillent les animaux par tous les temps, sur des chemins escarpés et dangereux, complètement obnubilés par leur étude. Quand Miranda arrive, elle est surprise par l'ambiance et l'accueil inhospitalier qu'elle reçoit. Les biologistes l'ignorent, lui passent à côté sans lui parler, ne l'aident pas à s'installer.
Miranda va peu à peu faire sa place parmi les biologistes et apprendre à les connaître. Elle parle peu et observe ses compagnons. Leurs caractères et personnalités se dessinent peu à peu. L'île est arride, battue par les vents et les embruns, couverte de guano puant, difficile à explorer avec sa géographie accidentée, elle est le lieu de résidence de milliers d'oiseaux qui viennent pour nidifier et pondre, hurlant toute la journée et tres agressifs dès qu'on s'en approche.Les humains qui résident sur l'île ne sont pas plus chaleureux. le récit développe une tension qui ne fait qu'augmenter, Miranda sent une menace peser sur elle, est-ce le decor inamical ou l'ambiance crée par les biologistes qui lui donne cette sensation ? Au fur et à mesure du récit, le lecteur sent monter un malaise, une angoisse, un danger règne sur cette île où les événements se déroulent en huis clos sans possibilité d'y échapper.
Ce premier roman d'Abby Geni est une réussite, entre roman sur la nature et thriller psychologique . le lecteur est en immersion sur l'île, pris en otage dans cette ambiance particulière et pesante, où le suspens augmente au fur et à mesure, il a l'impression d'être dans un cauchemar éveillé dont il espère comme Miranda pouvoir s'évader.
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Si jamais j'avais été tentée par une petite escapade aux Iles Farallon, un archipel à seulement une cinquantaine de kilomètres des cotes de la Californie, après avoir lu ce roman, c'est encore une destination à supprimer...

Pourtant c'est là que Miranda a été autorisée à séjourner pour y prendre des photographies, son activité professionnelle .
Des iles aux falaises interdisant toute embarcation d'y accoster, battues par les vents , la pluie, le froid , où vivent une poignée de biologistes pour y étudier la faune locale ou de passage .
Miranda n'est pas spécialement la bienvenue, les quatre hommes et les deux femmes sur place ne sont pas plus accueillants de prime abord que leur lieu de résidence. Mais la jeune femme n'en a cure , ce paysage rude, dangereux convient à son isolement affectif . La vie , elle ne la voit que par les objectifs de ses chers appareils photos .
La cohabitation forcée sans intimité, l'entraide indispensable entre les insulaires , les accidents fréquents et parfois fatals, les événements même traumatisants vont faire sortir Miranda de sa carapace.

Narrée sous forme de lettres non envoyées par Miranda à sa mère défunte, l'histoire progresse au rythme de chaque saison d'observation des espèces : requins, baleines , phoques ou oiseaux et ce renouvellement saisonnier assez immuable avec la période des naissances, des reproductions et des nouveaux départs des jeunes constitue le travail des scientifiques jamais lassés par ce spectacle ...

A travers ces écrits, longs cris de souffrance d'une jeune femme qui n'avait pas réussi à se projeter au delà de la disparition de la mère , le lecteur assiste à la lente transformation de cette femme .

Un beau roman fort et sauvage
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Admirable, fascinant, et original. En ouvrant ce livre, je ne savais pas trop ce qui m'y attendais, repéré lors de sa sortie, le voilà lu et aimé.
Un huis clos remarquable, ou se côtoient des êtres taiseux, solitaires, cachant une part de leur profonde nature. Des biologistes exilés sur une île perdue quelque part dans l'océan, ou viennent séjourner selon les saisons : goélands, requins, baleines, etc... le cycle de la vie s'instaure selon. Ils sont seuls parmi cette nature sauvage, sans pitié, à observer, noter, comprendre.
La nature omniprésente tout le long du récit, beaucoup de détails sur la vie de ces animaux, mais au grand jamais je n'aurai pu imaginer chose pareille. J'en ai appris des vertes et des pas mûres.
Entre les mailles du filet, s'échappent la vie des uns et des autres et tout particulièrement celle de Miranda, dit Souricette, ou encore Mélissa, elle nous conte sa souffrance à travers les lettres qu'elle écrit à sa mère disparue. Ce que représente pour elle la photographie. Comment elle évolue parmi ces biologistes, et quelle direction va prendre son destin suite à l'événement qui va chambouler sa vie.
J'ai beaucoup aimé ce roman pour la nature, la vie sur l'île déserte, pour les rapports entre les personnes, l'évolution de chacun, et le cheminement du roman avec les drames en cascade.
Une belle découverte et lecture.
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