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EAN : 9782729713898
176 pages
Presses universitaires de Lyon (08/09/2022)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Auteur d'une oeuvre unique, Hervé Guibert suscitait de son vivant une fascination peu courante. Trente ans après sa disparition, cette fascination reste vivace et nombreux sont ceux qui se sentent encore intimement liés à lui. Arnaud Genon fait partie de ces personnes. Il a dédié la majeure partie de son travail de chercheur à l'écrivain et à son oeuvre multiforme - écriture de soi, écrits critiques, photographies, réalisations vidéo.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Masse Critique et les Presses Universitaires de Lyon méritent tous mes remerciements pour la découverte de ce volume, dont la lecture plaira même à ceux qui n'ont jamais lu Hervé Guibert, mais aiment la littérature et vivent avec elle. Son index fournira d'utiles indications pour s'orienter dans la création contemporaine, si l'on est totalement novice.

Hervé Guibert appartient à cette génération d'auteurs et d'artistes que le sida a tués au tournant des années 1990. On dit de lui que c'est un maître de l'autofiction, qu'il est un "véritable écrivain pour qui vie et littérature étaient indissociables" (p.112). On ajoutera que ses autofictions n'ont rien de la platitude et du conformisme nobélisés d'aujourd'hui : "il y a toujours de la poésie, une sorte de hauteur de vue artistique qui fait qu'on ne tombe pas dans le prosaïsme plat" (p. 158). Guibert est un artiste véritable, à qui s'impose le travail du style et qui ne se cache pas derrière de faux prétextes de sobriété. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, son oeuvre n'est pas narcissique : est narcissique l'auteur qui se regarde écrire, qui prend des poses et joue à l'écrivain ; Hervé Guibert, en transformant sa vie en écrit et en en faisant de la fiction, crée avec le lecteur une relation amoureuse émouvante qui est une offrande : "Mon corps est un laboratoire que j'offre en exhibition, l'unique acteur, l'unique instrument de mes délires organiques. Partitions sur tissus de chair, de folie, de douleur. Observer comment il fonctionne, recueillir ses prestations ... Un vrai corps, mon vrai sang. Prenez et mangez, buvez (ma paranoïa, ma mégalomania)".(p. 115)

Avec ce livre, "Fous d'Hervé", on rencontrera donc une définition renouvelée de l'acte de lire. Lire Hervé Guibert (et quelques rares autres), c'est se laisser habiter, hanter, imprégner par le langage d'un autre, et devenir à son tour, si on l'aime, un peu autre soi-même. On devient dans ce cas la somme des auteurs qu'on a aimés et par qui on s'est laissé marquer. En quelque sorte, devenant étranger à soi-même, mais dans le meilleur sens du terme, on devient "un peu fou", aliéné à soi-même (ce pauvre et étroit soi-même, si petit quand il se réduit au peu qu'il est naturellement). Tout comme Hervé Guibert a été "Fou de Vincent", nous-mêmes, lecteurs, devenons "Fous d'Hervé". "Et toi, lecteur ou lectrice de ces lignes, si tu n'as plus non plus aucun espoir, crois-moi, tu peux toujours le retrouver, même si tu te sens seul(e) sache que depuis ma tombe je veux te réconforter comme on vient de le faire pour moi." (p. 80)

Un livre de critique universitaire traditionnel, distancié, surplombant, traitant l'oeuvre et l'auteur en objets d'étude, ne conviendrait pas à cette relation affectueuse entre l'auteur et ses lecteurs. Arnaud Genon ne peut faire comme s'il n'était pas concerné directement, charnellement, par Hervé Guibert : "Le corpus : quelle belle idée ! A condition que l'on veuille bien lire dans le corpus le corps : ... qu'on ait avec cet ensemble quelque rapport amoureux (faute de quoi le corpus n'est qu'un imaginaire scientifique)." (Barthes, p. 86) Conscient de cela, Arnaud Genon invente une forme heureuse, adaptée à l'auteur, dans laquelle il s'engage personnellement, se raconte dans sa découverte d'Hervé Guibert, ses lectures et les études qu'il lui a consacrées, ses affects, sa propre "folie d'Hervé", sans vanité ni bavardage. Arnaud Genon écrit aux amis et à l'entourage d'Herbé Guibert, fait figurer dans chaque chapitre, après une courte introduction, sa lettre et la réponse du correspondant, ménageant une multitude de regards, de témoignages, d'expériences d'Hervé Guibert : "esquisser le portrait en creux d'Hervé Guibert. En creux. Il ne s'agissait pas de le retrouver lui, mais de le chercher en nous qui l'aimons. En ceux qu'il aimait et en ceux qui l'aimaient." (p. 13) C'est un renouvellement rafraîchissant du genre critique, où Hervé Guibert, être de relations, revit dans le réseau de ses amis.

Ecrire enfin est une activité que le livre d'Arnaud Genon contribue à redéfinir. Ecrire est aussi affaire de relation, ainsi que le dit Guibert lui-même : "Je crois qu'on est écrivain en étant lecteur. L'écrivain que je lisais ou son ombre, ou son fantôme, devenait presque un personnage de la fiction que j'écrivais. C'est à la fois un personnage et un modèle. Je n'ai jamais eu le fantasme de la modernité, de l'invention littéraire. Je n'ai jamais voulu faire quelque chose de neuf, de nouveau. J'avais ces amours pour des écrivains et j'essayais de me laisser porter par eux." (p. 75) Et nombreux sont les auteurs contemporains, dans ce volume, qui disent écrire "avec, par et dans Guibert" (p. 117) .

Il faut remercier Arnaud Genon d'avoir placé l'amour au centre de toute activité littéraire, de la création à la lecture.
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Un livre reçu dans le cadre d'une masse critique et j'ai apprécié cette lecture. J'avais lu, il y a plusieurs années, certains textes d'Hervé Guibert et vu des expositions de ces photographies.
Un univers et un romancier dont je connaissais un peu l'itinéraire. Considéré comme l'un des auteurs de l'auto fiction, j'avais été bouleversée à la lecture de certains textes, certains interpellaient, d'autres émouvaient mais ces lectures ne laissent jamais indifférents.
Dans ce texte, ce que j'ai apprécié le plus, c'est les différentes approches de chacun et chacune face à l'homme qu'était Hervé Guibert, à l'homme de lettres, à l'homme d'images. Des témoignages de personnes l'ayant connu, d'autres qui l'on découvert grâce à ses oeuvres, écrits, photographies, films.. Et découvrir que sa vie, ses oeuvres irriguent encore des vies, des textes.
Des textes récents abordent le sujet du sida et ce texte m'a incité à (re)lire les textes d'Hervé Guibert et lire des textes de personnes présentes dans cet opus de lettres.
J'ai aimé aussi ce style d'envoyer une lettre à chacun et d'attendre et publier la réponse.
Un texte pour les fans d'Hervé Guibert mais aussi pour ceux qui souhaitent découvrir l'homme de mots-maux, d'images.
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Livre intéressant pour tout fan de l'écrivain et journaliste Hervé Guibert, une figure dans la littérature française. Je l'ai connu notamment avec son roman "À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie" et j'avais envie d'en savoir un peu plus sur lui. L'opération masse critique m'a permis de lire ces écrits. On voit bien l'influence qu'a pu avoir l'écrivain sur chacun.
Je trouve, à mon goût, que le format épistolaire est un peu lassant à la longue et peut-être aurais-je préféré un récit sur les gens qui parlent de lui ?
Intéressant mais le format ne m'a pas conquis, ce n'est qu'un goût personnel.
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critiques presse (1)
Liberation
04 janvier 2023
Une vingtaine de missives et autant de petits portraits, chacun avec son angle. Ce qui est joli, c’est comment Guibert devient vecteur d’écriture, fait écrire.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
(La confidence du professeur).
Son style, parfois haletant, avec de temps en temps des phrases longues de deux pages, m'entraînait dans le rythme insensé de sa folie. Oui, folie il y a bien eu car comme le dit le narrateur d'"A l'ami" : "Je tiens à mon livre plus qu'à ma vie" ("A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie", p. 257) Cette profession de foi en la littérature résonnait dans mon inconscient, moi qui ai fait mon métier d'écrire ... sur les autres, et de ne pas risquer la vraie vie. A travers lui, je vivais les expériences les plus insensées, à l'abîme de la raison. Puis il y eut sa mort autour de Noël, et comme un cadeau d'outre-tombe, son film, où sa chair nue et décharnée était livrée aux yeux du spectateur. Etions-nous pudiques ou impudiques de regarder ce spectacle - car c'était bien un spectacle que Guibert avait mis en scène ?

Jean-Pierre Boulé, p. 49
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Ce qui me fascine dans votre travail [celui de Christophe Donner], c'est ce que je trouvais chez Guibert. Une littérature ancrée dans la vie, dans le réel, dans le corps. Une littérature qui dit vrai. J'ai toujours pensé que les écrivains narcissiques n'étaient pas ceux qui parlaient d'eux-mêmes, mais ceux qui se regardaient écrire, qui jouissent de leurs belles phrases, de leurs bons mots, qui se perdent dans les mensonges qu'ils (se) racontent. Au contraire, les écrivains du "je" s'écrivent comme s'ils étaient aveugles pour eux-mêmes. Ils ne cherchent pas à se faire plaisir, à se conforter dans l'image qu'ils donnent. Ils ne prennent pas la pose. Ils sont dans la vie, dans son mouvement. Pour Hervé Guibert, c'était le mouvement qui le menait à la mort, il n'avait pas le temps de s'arrêter, de se contempler. C'est peut-être pour cela qu'il avait écrit "Des aveugles" quand vous avez réalisé un très beau film, "Anatomie d'un miracle", sur un jeune garçon, Marco, sourd et aveugle de naissance. Cette fascination ne cache-t-elle pas le désir de ne pas se voir ? Narcisse ne serait pas mort s'il n'avait jamais croisé du regard son propre reflet.

p. 165
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L'esprit d'un écrivain qui nous est cher parle à travers les pages des livres qu'il a écrits. Les mots qui s'en échappent, alors que le corps qui les a enfantés gît sous terre, agissent sur mon corps au coeur encore battant. Boum-boum. Boum-boum. Boum-boum... Il faut juste tendre l'oreille. Ouvrir "Le mausolée des amants" et y trouver cette phrase : " Et toi, lecteur ou lectrice de ces lignes, si tu n'as non plus aucun espoir, crois-moi, tu peux toujours le retrouver, même si tu te sens seul(e) sache que depuis ma tombe je veux te réconforter comme on vient de le faire pour moi." (p. 290)

Arnaud Genon, p.80
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Lettre d'Arthur Dreyfus, 30 août 2021.
... J'ai aussi découvert chez Guibert une sorte de jouissance à parler de soi dans le détail de la chair et du secret, comme si la matière enfouie sous n'importe quel destin valait son pesant d'or, qu'il suffisait de déterrer. C'est une jouissance close et égoïste, un peu perverse certes, mais si puissante chez un écrivain.
... Voilà, en fait, ce qui m'a impressionné dès l'origine chez Guibert. Cette incroyable considération appliquée à ses livres, à la chose écrite. L'extraordinaire abnégation de soi pour le bénéfice de la seule écriture. Une sorte de dieu laïque placé dans le texte, dans le fait d'écrire : cette religion-là.

pp. 97-98
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