Je remercie Masse critique et les Editions du Seuil pour l'envoi de cet excellent roman.
Je ne connaissais pas cet auteur,
Adrien Genoudet, et ce fut vraiment une belle découverte.
Quel talent !
Magnifique écriture littéraire avec des descriptions extrêmement fines (la canne d'Onésime, le corbeau, le goût de l'omelette à l'eau, l'odeur du gras de la cuisine etc..).
Tout est relaté avec une précision des détails à la mesure de son immense sensibilité et ce, jusqu'à la dernière page, dont on ne ressort pas indemne.
Le narrateur revient, de nos jours, dans la maison familiale et nous distille avec beaucoup de soin cette histoire qui se situe dans la région de Nevers.
Blanche et Naudet sont racontés à travers le ressenti de leur petit fils (parents introuvables...) Onésime 6,7,8, 9 ans etc.. durant la première guerre mondiale, ou le pauvre Naudet va revenir avec une jambe en moins...
Puis c'est le tour d'Onésime dès 16, 17 ans, qui va s'engager dans la Résistance.
Et enfin Nicole, 90 ans de nos jours, la voisine qui va petit à petit "se raconter".
Elle, qui avait été la petite amie d'Onésime par le passé, reste l'unique mémoire de cette époque si tourmentée dans cette impasse du Champ-des-Cris.
Elle va réussir à dévoiler non sans difficulté, au narrateur , tout ce dont elle a été témoin, et son récit final est totalement glaçant.
Une forme de puzzle intense, remplit d'émotion et de vécu enfouis, qui va être salutaire pour Nicole tout d'abord, mais surtout aussi pour le narrateur.
La psychologie des personnages illumine le récit, Onésime en tête, suivi de Nicole.
Tout est si parfaitement bien décrit, qu'on est avec eux, on les touche presque dans cette maison, grâce à l'incommensurable sensibilité de l'auteur, et cela nous bouleverse totalement.
Vous l'aurez compris, j'ai adoré "
Le Champ des Cris", et je vous invite vivement à le lire.
Pour parfaire ce récit si émouvant, j'ai eu besoin de suite d'effectuer quelques petites recherches succinctes sur cette époque à Nevers que je partage volontiers avec les futurs lecteurs (source
Jean Vigreux, Historien, Maitre de conférences et Directeur du musée de la Résistance à St Brisson (Nièvre).
J'ai découvert que la ville de Nevers avait été choisie par les Allemands dès 1940.
C'était un lieu stratégique, proche de Vichy et de la ligne de démarcation, et qui permettait aussi de contrôler la Loire, la ligne de chemin de fer Paris-Clermont-Ferrand, ainsi que les aciéries et les mines qui se trouvaient dans les bourgs voisins.
Un appareil productif dont l'Allemagne a absolument besoin pour son industrie de guerre.
Ville abandonnée par les Allemands le 6.9.1944, et 3 jours plus tard, les Résistants de toute la Nièvre entrent dans la ville.
Ils défilent dans les rues noires de monde et pour certains groupes, c'est le moment de se venger des collaborateurs notoires et sur les Françaises qui ont eu des relations avec les Allemands.
Ce sont ces fameuses "Tondues" dont
Marguerite Duras a immortalisé la mémoire dans "
Hiroshima mon amour" en imaginant la vie d'une tondue de Nevers.