C'est dans "Les bus de la honte ", que j'ai commenté au début de ce mois-ci, que j'ai trouvé la référence à ce bien triste album plein de photographies de cette honte qu'a été la spoliation des biens des Juifs à Paris pendant l'Occupation nazie.
La sociologue
Sarah Gensburger, née à Paris en 1976, est considérée comme une des grandes spécialistes de la Shoah et plus particulièrement de la spoliation des Juifs, thème sur lequel avec ses différents écrits, cours à Paris, recherches au CNRS et organisation d'expos, elle a acquis une réputation mondiale. Elle a, à ce titre, été invitée à l'Université de New York en 2018.
Un autre sujet qui lui tient à coeur a trait à la déportation et le sauvetage des enfants juifs en France pendant la dernière guerre mondiale.
Dans une introduction relativement brève, l'auteure explique que les pillages des collections d'art des Juifs ont commencé dès l'arrivée des troupes allemandes à Paris, soit déjà dès le 14 juin 1940.
En Allemagne, ces collections étaient déclarées "sans maître" et le sieur Hitler les destinait à un musée d'art à Linz, sa ville natale, tandis que le gros Hermann Göring rêvait de décorer somptueusement sa résidence privée Carinhall.
L'organisation des vols antisémites était confiée à un état-major spécialement créé à cet effet et sous le haut patronage de l'idéologue du Parti nazi, l'exécrable
Alfred Rosenberg, pendu à Nuremberg en 1946 comme criminel de guerre.
Le travail pratique était effectué par la direction de la "Dienststelle Westen" (service ouest) sous les ordres d'un certain baron Kurt von Behr, basé au 54, Avenue d'Iéna à Paris, qui s'est suicidé au cyanure en avril 1945 et chez qui les troupes alliées ont trouvé des listes d'objets volés.
Au 31 juillet 1944, ce service avait "vidé au moins 69.619 logements et chargé 674 trains" à destination du Reich.
38.000 de ces logements vidés se trouvaient dans la capitale française.
Pour réaliser cette vaste entreprise les Fritz ont fait appel aux entreprises de déménagement et transports publics parisiens et ont mobilisé leur personnel avant d'utiliser des Juifs internés au camp de Drancy.
Vichy collaborait à ce vol gigantesque, fort de sa loi du 22 juillet 1941 relative à "la mise sous administration provisoire" des possessions juives.
Avant leur acheminement vers Berlin, les objets d'art et meubles de valeur dérobés étaient déposés en partie au Louvre et au
Musée du Jeu de Paume.
Une conservatrice de ce dernier musée,
Rose Valland (1898-1980), a, avec un courage incroyable et en secret enregistré plus de 45.000 objets, en vue de leur restitution ultérieure à leurs propriétaires légitimes. Son témoignage : "
Le front de l'art : Défense des collections françaises, 1939-1945" fait partie de ma liste "Hommage aux héroïnes de guerre" (ouvrage n° 51).
Dans son ouvrage
Sarah Gensburger s'est basé sur un album de format A4 de 172 pages qui contient 85 photographies et qui est conservé aux Archives fédérales allemandes de Coblence.
Partant du principe qu'une photo en dit plus que des mots, elle a reproduit ces 85 images sur lesquelles on voit ce pillage à l'oeuvre : l'encadrement teuton des travailleurs français et prisonniers juifs, des camions et des bus, des caisses et encore des caisses, des pianos, des meubles, jusqu'aux matelas enrôlés...
Pratiquement toutes ces photographies sont commentées et situées dans leur contexte historique par
Sarah Gensburger.
Cet ouvrage grand format compte 159 pages et a été publié en mars 2010 avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
Un livre incontestablement instructif et particulier, grâce à la formule des photographies d'époque et leurs commentaires pertinents, mais hélas plutôt cher à l'achat (39 euros).