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EAN : 978B0070AF5TY
Minerva (30/11/-1)
5/5   2 notes
Résumé :
Minerva, 1979, édition bilingue roumaine-française, anthologie des poèmes de Geo Bogza, traduction d'Ileana Vulpescu, préface de Ștefan Augustin Doinaș. Contient un autoportrait de 1927.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Ce florilège de l'oeuvre poétique de Geo Bogza réunit 96 poésies et 4 poèmes écrits et publiés pendant 50 ans : 1928-1978. » (Note de la traductrice, p. 39)
La carrière littéraire de Geo Bogza commence et se termine avec la poésie, mais des revirements dans le ton et les sujets s'amorcent plusieurs fois. Ce volume a été publié sous le communisme (1979) et se contente donc des « vers sages » du poète, mais force est de rappeler (et on peut se référer sur ce point à « La Réhabilitation du rêve » de Ion Pop, notamment, p. 465-466) qu'à ses débuts, ses articles-manifestes et surtout ses « poèmes outrageants », d'un radical non-conformisme, lui valent une condamnation en 1932. Avec la vieillesse venue, le poète lève son regard vers le ciel, comme en témoigne le volume « Orion » (1978) dont j'ai cité le poème principal. Les dix-sept poèmes du recueil « Ioana Maria » (1937) évoquent un amour platonique et romantique, aux accents vaguement exotiques. Il y a ensuite une veine d'inspiration « whitmanniene » [« Chants de révolte, d'amour et de mort » (1930) et « Walt Whitman » (1955)].
Lire de la poésie traduite est toujours en peu frustrant, mais ici le lecteur s'y retrouve et prend même du plaisir. C'est en tout cas mon humble avis.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Inscription sur les vagues de la mer

Ici, dès le commencement du monde, la mer hurla sa folie,
Roulant vers les rivages des vagues et géantes et amères,
Prise du tragique tourment auquel les dieux la destinèrent,
Sein de Clytemnestre frappé par la malédiction.

Dès le commencement du monde, des loups gris d'eau
Hurlèrent par ici, tous en proie à la rage,
Des éléphants aussi passèrent, accouchés par les grands ouragans,
Frappant de leur trompe le ciel, essayant de le démolir,
Géants et fous et aveuglés par des fureurs énormes.

Et après l'équinoxe d'automne, le Grand-maître de la nuit souterraine
Installait ici une section de l'enfer,
Effrayant de sa sinistre lamentation hommes et poissons, rochers et rivages.

« Et voilà », je dis, « assez de tout cela :
Ils ont existé dès le commencement du monde, mais maintenant ils n'existeront plus.
J'ai la force de dominer la jungle des fauves liquides.
Leur hurlement et leur chaotique soulèvement finissent.
Il y aura ici le règne de mon front et de mon bras.
J'arrache au sort cruel le sein de Clytemnestre,
J'en fais un autre sein, convoité par tous ceux qui se trouvent en mer,
Que des milliers de navires reposent leur tempe enfin sur sa rondeur paisible,
Oubliant sous la veille du haut phare les noires nuits où, tressautant dans le sommeil, ils rêvaient des naufrages. »

(p. 331-333)
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Confession

Je me rappelle les gros godillots lourds avec lesquels j'ai fait les premiers pas dans la vie,
Les godillots que je chaussais à quatorze ans
Et avec lesquels je descendais au port aux grands bateaux,
Piétinant la boue et la neige, évitant de marcher dans les caillots de sang.
Je portais alors une capote noire de marin, qui sentait l'étuve,
Et les godillots étaient grands et lourds pour mes pieds de quatorze ans,
Je marchais péniblement avec eux dans les rues sales du port,
Entre des marins, des porteurs et des prostituées.
J'étais un grand gars, maigre et timide, qui pouvait faire rire bien des gens,
Et ils en riaient.
Que serais-je devenu si je n'avais pas eu les godillots ?
Ils m'aidaient à ne pas pleurer, à ne pas trébucher de timidité,
Me donnant un énorme et douloureux équilibre.
Ils étaient gros et lourds et me tenaient les pieds sur la terre,
Ils étaient mes amis et mes alliés et mes anges gardiens,
Avec eux je faisais mes premiers pas dans la vie.
Dans la capote noire de marin, qui sentait l'étuve,
Avec eux je marchais dans les rues sales du port,
Rêvant d'écraser son mes pas toute la laideur du monde.

(p. 273-275)
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Loup de mer

I.
Sous mes regards, les mers du monde filent,
Filent vingt nœuds, sans fin et sans répit.
Sous les rayons du soleil, sous l'éclat de la lune,
Filent sans cesse – vertes panthères – et moi,
Oubliant le rivage et les phares si pâles,
Je pénètre sans peur dans leur énorme gueule,
Aimant de l'océan la colère insensée…
Jusqu'à ce que je sente sur mes épaules par le sel blanchies
L'univers, comme une patte amicale de tigre.

II.
Ces eaux je les considère trop lentes pour l'étrave de mon navire.
Et le vent – trop médiocre pour les mâts qui ont passé par tant de tempêtes.
Oh, je ne pense pas naviguer dans des marécages,
après en être venu aux mains avec les cyclones.
Ni lutter contre les moustiques, quand sur mes épaules ont reposé les albatros.
Je laisserai les mâts nus de toutes voiles.
Je les offrirai aux putains du port, pour s'en faire des jupes.
Tant ont dû être mes périples sous la clarté de l'Étoile polaire.
Réjouis-toi, vieux navire, je ne te porterai jamais dans des bourbiers.
Non, je ne chasserai pas le menu fretin après avoir tué les monstres de l'océan.

(p. 291-293)
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Contes de Bohême

Un bruissement venait, de bois mouillés par les brouillards d'automne,
Un bruissement de vieux parfums et végétaux venait
De Rainer Maria Rilke.

Des chiens aboyaient sous de hautes fenêtres de châteaux,
Un cor de chasse sonnait toute la mélancolie de la Bohême
En Rainer Maria Rilke.

Des cathédrales dormaient, de lourds manteaux de pluie sur les épaules,
Des mains sur des claviers d'orgue, sur des pommeaux d'épées,
De longs cierges de cire, de pâles visages de reines
Et le trot de la cavalerie sous les rayons froids de la lune,
En Rainer Maria Rilke.

Toi, tu me faisais la lecture. Nous étions au bord de la mer.
Midi d'Orient. Réverbérations calcaires.
Sable chaud. Soleil torride.
Nous apercevions des mosquées, des porteurs d'eau, des bourriquets...

Mais en nous bruissaient les forêts de la Bohême.

(p. 245-247)
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Durée

(à Miron Radu Paraschivescu)

I.

Quand tours, château-forts, statues, cathédrales, pyramides seront rongés par la dent de fer du temps,
Quand les montagnes mêmes seront mises en poussière par le passage de bien des milliers de millénaires,
Quand nulle part il n'y aura plus rien de tout ce qu'aujourd'hui s'élève sous le soleil,
Les gens de ce temps-là pourront toujours monter les marches d'un temple à grandes colonnes de marbre et de granit,
Écoutant Johann Sébastian Bach.

II.

Quand personne ne saura plus aucune des langues qu'on parle aujourd'hui sur terre,
Quand les hommes communiqueront entre eux par des formules mathématiques,
Quand toute l'histoire du monde pourra être comprise en sept syllabes,
Les gens de cette ère-là apprendront quand même 17 000 mots anciens,
Pour l'amour de Shakespeare.

(p. 283-285)
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