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EAN : 9782909417431
350 pages
ART 3 - Plessis (13/03/2021)
4.5/5   2 notes
Résumé :
En 1940, après deux décennies étourdissantes, La Baule vit dans le luxe et la fête. Fin de partie quand le casino est transformé en hôpital et que les deux plus grands hôtels, sont réquisitionnés pour l'état-major anglais. Puis à partir du 15 juin 1940 à peine amorcée, la guerre est perdue, la moitié du pays est occupée par l'ennemi, Le destin heureux de La Baule, est percutée par les évènements Éberlués, les Baulois entrent dans ce qui devient la vraie vie. Les A... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique

Lettre critique à l'auteur - qui se trouve être un ami de longue date.

Ton récit est courageux et bien mené, que plus j'attends pour te dire ce que j'en pense plus il sédimente au fond de moi, se dépose dans ma mémoire passée au filtre de mes sensibilités.

Alors voilà, j'ai pris plaisir à lire le récit de tes personnages dans cette tranche d'histoire qui se situe sur les terres de mon enfance.Je ne connais rien dans ma mémoire de cette période, personne l'ayant vécu me l'a raconté. Je n'ai que les souvenirs d'une grand-mère ayant vécu les bombardements du 16 et du 23 septembre 1943 à Nantes et le cinéma : les personnages de"L'armée des ombres" de Jean Pierre Melville (pour l'assassinat des résistants)

Mais je sais les cimetières militaires à côté de chez moi près d'Escoublac et je sais le charme suranné des grandes villas Bauloises (j'y reviendrai). J'estime la qualité d'un roman aux souvenirs qu'il me laisse, aux impressions et réflexions que je lui laisse me poursuivre au fil du temps. L'attachement aux personnages et les tensions qui me restent des situations que le roman leur fait vivre font partie des choses littéraires dont j'apprécie me souvenirs, c'est l'épaisseur du livre en moi. J'aime lire pour cela.

J'ai vécu à l'heure de cette guerre durant un bon mois, je me souviens avoir économisé mes temps de lecture et trouvé un étrange sentiment à détester cette période et pourtant à vouloir savoir le destin de ces personnages. L'amertume paternaliste de Markus, la naïveté pleine d'entrain et de confiance de Romain, la fierté irréelle de Jonas, la sensibilité lucide de Lidia et tous ces personnages qui gravitent autour forment un monde clos dans lequel on vit, dans lequel tu nous fais vivre, Cher Antoine, avec, pour ma part, une amertume profonde - oui je savais au milieu du récit, je pressentais que tout cela finira mal, mal de médiocrité, de cupidité, de petitesses, de trouille et d'inhumanité, ce qui est le cas.

Je me souviens de ton sens du détail et des ressorts des positions de chacun dans sa petitesse bourgeoise et craintive - mais que faire d'autre et comment faire autrement ? - le grand souffle de l'histoire dans l'ignorance et les sauvent qui peut… Oui des femmes tondues à Saint Nazaire ont vécu plus de 40 ans sans jamais sortir de chez elles (un ami à fait un film à ce sujet à l'orée des années 90)… Un livre vert de gris dont les personnages sont broyés par une histoire dont personne ne veut se rappeler en détail, mais tous ces détails sont des vies… Ah.. Des vies pleines de sensibilités et de réactions face à la guerre qui pourtant lointaine impose la peur, le doute, l'insouciance plus ou moins coupable, la fierté conquérante aussi dangereuse que puérile des jeunes officiers de l'occupant.

j'ai beaucoup rêvé sur le début de ton livre parce qu'il portait pour moi une promesse qui n'est pas tenue. Tant pis, tant mieux c'est la vie et c'est ainsi. J'ai cru le temps des premiers chapitres que tu aurais inscrit bien plus soigneusement que tu ne l'as fait l'histoire réelle et la présence de ces Allemands occupants comme des Baulois dans les rues et surtout dans les villas de la Baule en mentionnant leur nom et en portant quelques descriptions adaptés particulièrement celles qui sont encore debout. J'ai encore de vifs souvenirs de villas visitées par effraction lorsque j'avais dix ans (Manégor, immense manoir derrière la place des palmiers - les Ailes en retrait sur le front de mer, immense villa de Latécoère ou Villa Lou Paty de couleur rose profond allée cavalière à deux pas de chez moi…) Oui j'y vois très bien la ronde des officiers dans ces vastes halls au sol de mosaïques d'un luxe balnéaire avec sièges en rotin et peinture coloniales aux murs qui me faisaient déjà rêver… Même la villa les Roche Rouges dont je côtoyais les enfants dans les années 74 derrière la piscine devait en être, enfin bref.

J'étais hier encore pour la Saint Valentin à me baigner (oui je suis un adepte de la douche froide et des bains dans l'océan à 10 degrés) devant où j'ai passé une partie de mon enfance allée cavalière et j'admirais encore les quelques grosses villas d'avant même la Seconde Guerre mondiale.

Oui je sais c'est un truc de cinéaste de personnifier des lieux (villas, maisons, objets, véhicules, etc) afin de donner de l'épaisseur-image au récit. Ah, que tes personnages, Lidia, assise sur une pelouse du parc des dryades à peindre Jonas et ses amis…. Ma frustration est courte parce que si les lieux viennent servir d'ornements aux situations et personnages ce sont bien ces derniers qui donnent vie au récit dans le réel intrinsèque au roman, la fameuse diégèse du roman (on parle beaucoup de ça en cinéma, je pense que c'est la même chose pour le roman).

Et là c'est le grand plaisir de ton livre cher Antoine, les personnages sont bel et bien présents dans leur doute, leur méfiance et surtout pour la plupart dans leur jeunesse - ton Jonas - sous marinier ah ah - est d'un souffle inconscient et aveuglé de risque et de succès qui est un plaisir tempéré (équilibré?) par le vieux Markus qui a vu, déjà vécu ce que contient encore ce présent-là, tellement de peines, de deuils et d'aveuglements, et dans cette folie renouvelée qu'est la guerre la jeunesse se nourri de sensualité par la belle Lidia dont la féminité s'étend dans deux directions : la sensualité et l'honnêteté sensible (ses positions humanistes, réalistes et son talent artistique).

Les hommes sont toujours plus faciles à se laisser berner - par leurs idéaux, leur prétention à être meilleurs, plus forts, plus vainqueurs, etc et même par leur désir sexuel - la testostérone de ton roman. Cela est très bien montré comme le quotidien de gens ordinaires comme Romain ou Monsieur le Maire emportés bien malgré eux dans ce tourbillon qui s'abat à bas bruit dans leur vie - les villas réquisitionnées, mais les commerces encore valides malgré les rationnements, les lointains échos des fronts de la guerre…

Il me reste des images fortes :

- le naufrage du Lancastria vu des sauveteurs tellement impuissants résonne dans ma mémoire avec les mensonges politiques de Churchill à ce sujet (mensonges politiques mériterait un mot valise tellement le pléonasme est patent)

- la barbarie arrogante des vainqueurs (là les nazis incarnés par l'occupant) adossée à l'inconscience de la jeunesse de ces sous-mariniers (officiers…) dopés à l'adrénaline de chairs à canon aveuglées par la hiérarchie qu'ils veulent brillante comme l'aigle du Reich

- le vieux de la vieille, Markus qui sait et qui ne dit rien, qui observe la folie militaire prendre forme et régner comme lors de la Première Guerre, ce qui rend vaine toute tentative de progrès humain

- les campagnes de ces sous marins aveugles et meurtriers dans les champs de mines sous l'eau proprement effrayants dans ces odeurs de sueur - la peur - et d'huile mécaniques à la chaleur étouffante des moteurs diesels de l'époque

- la liberté de vie de Lidia jeune femme libre et lucide en violent contraste avec son père petit-bourgeois prêt à toutes les compromissions pour sauver son "pécule"

- le trio Lidia Romain Jonas de liberté sensuelle et d'honnêteté de sentiment hors du temps - non pas selon moi à contre-courant, mais bien mieux hors temps et hors convention dans le royaume éternel des sentiments sincères et partagés - belle sexualité symbole de liberté décrite avec pudeur, justesse et habileté.

- l'employé de mairie comme le maire hommes sans qualités mais de bonne volonté broyés par l'histoire, la bêtise et la méchanceté.

- Saint Nazaire et la base sous-marine, l'attaque de la forme Joubert (j'ignorais cet épisode historique) et la vacuité de toutes les manoeuvres de guerres perçues à distance (le tout ça pour ça… mais c'est moi qui interprète)

- les lâchetés et les veuleries (de la guerre), lâcheté des survivants opportunistes et cupides- il y a pour moi des échos de femmes tondues à la "libération"

- le grand théâtre de la comédie humaine, le grand spectacle des puissances qui se délectent de dévorer la jeunesse pour perpétuer l'ordre ancien - surtout que rien ne change par peur de ne pas survivre, dans une prétention à exister inversement proportionnelle au réel qui nous fera, de toute façon, tous périr.

- la fin mythologique de ton personnage Jonas est une réussite, comme la nostalgie lucide de Lydia en gardienne de la mémoire d'un moment de jeunesse déchirée à l'étoffe du temps, d'un rude tissu couleur kaki, une bâche de sous-marinier arraché de force et de sensualité lucide à l'horreur des souvenirs des ces vies consumées, flamboyantes de sentiments d'éternité.

Voilà, je vais aller chercher le livre dans ma bibliothèque afin de rafraichir mes souvenirs. Avant tu imagines que je t'épargne les "le récit est bien construit, équilibré, et la progression des caractères des personnages et maitrisée, etc, toute chose que tu sais puisque tu en as pris soin afin que nous puissions nous attacher vraiment aux personnages et aux situations, que nous puissions nous identifier ou nous indigner avec des émotions sincères qui resteront en nous pour longtemps.

Je reprends mon texte après avoir feuilleté ton livre et surtout et aussi écouté l'entretien de radio fidélité. Ah, on est loin de france culture… Oui ton plaisir d'écrire, c'est chouette de t'entendre en parler parce que ton récit escamote avec pudeur ton plaisir d'écrire, au profit du récit lui-même et c'est tant mieux, les personnages sont eux-mêmes et cela est remarquable, c'est là le talent du romancier de s'effacer avec honnêteté et fidélité devant son devoir de narration de ce que vivent ses personnages.

Voilà ce que je voulais te faire partager, j'ai passé un bon moment et me voici désormais porteur d'une humanité de cette période à cet endroit là qui se trouve se superposer aux souvenirs des lieux de mon enfance. Merci.
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Retour de lecture de Philippe Henry
Contre courants, roman historique d'Antoine George, publié chez Art3 – Plessis Éditions
J'ai eu en lisant ce livre une bien belle surprise. Je ne l'avais pas choisi, il est arrivé comme cela, dans les mains d'une amie. Roman historique, cela m'a fait peur sur le moment. Ce n'est pas trop mon truc. Et puis la guerre, l'occupation...
Se méfier des impressions à l'emporte-pièce (une phrase qu'aurait d'ailleurs pu écrire l'auteur du livre, on est en plein dans le sujet).
Ce livre est effectivement historique en ce sens qu'il est parfaitement documenté et permet de ressentir pleinement ce que fut la vie à La Baule durant la dernière guerre et plus tard dans la poche de Saint Nazaire à la fin de la guerre. Il apporte aussi des informations passionnantes sur la vie des sous-mariniers, sur l'attaque des convois maritimes apportant des États unis à la Grande Bretagne les armes et matériels qui seront déterminants par la suite. Et puis aussi beaucoup d'éclairages sur l'organisation par les Allemands de l'occupation du territoire français et l'attitude de nos autorités.

Pour cela, ce livre vaut d'être lu. Mais on serait loin du compte pourtant. Cet aspect historique constitue la trame du roman sur laquelle les personnages vont évoluer, au fil des évènements qui leurs sont imposés. Pour moi, le vrai sujet du livre est plutôt « Gardons-nous de juger trop brutalement ». Nous avons tous été élevés dans les règles de la morale : méprisons les lâches, les collaborateurs, haïssons les envahisseurs, ce ne sont que des brutes. L'auteur nous fait comprendre que certains peuvent aussi être les jouets d'un engrenage. Occupés comme occupants. Pire, ou mieux, jusqu'au bout, tout en ayant conscience de n'être que des pions, ils ne peuvent s'empêcher de penser que leurs actes, aujourd'hui méprisés, auront concouru au bien commun. Ils agiraient sans doute de la même façon dans une autre occasion, connaissant pourtant la fin de l'histoire. S'agit-il encore de collaboration quand on oeuvre à limiter pour ses concitoyens les souffrances imposées par les Allemands ? Mais alors, il faut, pour être efficace, rester proche de la puissance occupante. Toujours plus proche, toujours plus efficace. « Nous devenons indifférents à la souffrance et à la mort... Nous devenons une meute de loups...cette guerre nous avilie » dit le maire à l'un des protagonistes. Faudra-t-il blâmer quand l'heure des comptes sera venue ?
D'autres évoluent dans leurs sentiments. Militaires inflexibles sinon purs nazis, ils finissent par être pris par le doute, aidés dans leur prise de conscience par des gradés allemands plus désabusés. L'envoi par le fond d'un navire ennemi qui n'était pour eux qu'un succès grisant commence à se lire comme étant également la mise à mort de centaines d'hommes. Ennemis ou pas... et alors au fond. Quand un militaire discipliné commence à compter non plus les victoires mais les morts, il faut qu'il additionne ceux qui, deux côtés, ne reviendront pas. Un personnage dit que la guerre rend les gens binaires. le bien, le mal, pas d'entre deux. Pourtant, parfois, la fraternité des armes force à ôter le masque. Les soldats de la Wehrmacht rendent les honneurs aux assaillants britanniques tués lors du sabotage d'une des écluses du port de Saint Nazaire. Et nous lecteurs, nous commençons à douter et toucher du doigt que les choses n'étaient pas aussi simples que cela. (Ce thème me touche particulièrement : j'ai écrit il y a peu d'années un roman, le Legs, qui n'avait pas d'autre sujet que le doute)
Vous verrez, il y a dans ce roman des personnages très attachants, ballotés par les évènements, otages d'une logique dont ils n'avaient pas vu toutes les implications. Et puis aussi quelques jolies femmes, dont il y a Lidia, qui joue magnifiquement à « Jules et Jim ». J'espère que vous serez comme moi impatients d'en tourner les pages, des pages qui vous tiennent et vous enrichissent.

Philippe Henry (philippe.henry.auteur@gmail.com)


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