Comment s'y prend un auteur à succès pour concevoir, construire et écrire ses romans ?
Elizabeth George nous livre sa méthode personnelle dans un essai très didactique.
D'abord qui est
Elizabeth George ?
Américaine de 70 ans, diplômée en psychologie, passée de l'enseignement à l'écriture, éditée depuis 1988 après deux romans refusés par les éditeurs, à ce jour auteur d'une trentaine de livres policiers, nouvelles et essais, sa parole peut être considérée comme crédible.
Points particuliers : amatrice d'enquêtes policières, situe ses intrigues dans l'Angleterre contemporaine, véritable bête de travail, exigeante, emploie chaque crime comme révélateur de la nature humaine, enseigne l'écriture créative dans diverses universités américaines.
Son approche, développée au fil de ses expériences, est extrêmement rigoureuse. Elle pourrait même paraître aride, mécanique et très éloignée de l'idée usuelle d'un processus créatif.
Pas de panique,
Elizabeth George nous explique avec clarté et humilité sa manière de procéder. le premier bénéficiaire de sa méthode, c'est elle-même ! Réconcilier les deux hémisphères gauche et droite du cerveau pourrait être une gageure. Alors elle se livre à une duperie psychologique visant à calmer son angoisse de la page blanche et à éviter les impasses narratives. Avec de l'idée au crime parfait, elle dévoile ses bonnes pratiques.
En illustrant chaque étape par des extraits de son ouvrage,
le rouge du péché,
Elizabeth George met de la chair autour des os et permet de bien saisir l'intérêt de la démarche. Pour impliquer un peu plus le lecteur dans sa démarche, elle propose des exercices thématiques.
Ô muses, où êtes-vous donc parties ? Auriez-vous abandonné notre époque ? L'artiste échevelé, la plume en quête d'inspiration, saoulé par la tempête ou tourmenté par l'alcool et la drogue, ce mythe-là est irrévocablement rangé au placard. Signe des temps, d'une culture contemporaine condamnée à l'efficacité ?
Oui, les temps changent ; l'écriture se professionnalise. À partir du moment où l'intention est d'être lu et publié, loin d'être le produit d'une énergie créatrice, l'écriture est bel et bien un métier ; si on admet qu'elle n'est pas qu'un simple amusement et si l'auteur désire atteindre au final un véritable épanouissement, il faut bien admettre au départ ses contraintes, ses règles et sa routine.
S'agirait-il d'un simple guide de recettes ?
Elizabeth George évite cet écueil et rappelle souvent qu'il n'y a pas de méthode universelle et surtout pas la sienne. Si trois piliers majeurs constituent la base pour l'écrivain : un minimum de technique, la lecture et un travail rigoureux, le reste est histoire de préférence personnelle. Si bien que de l'idée au crime parfait propose plutôt une boite à outils où chacun peut piocher selon ses préférences.
Alors quelle est cette méthode ?
D'abord un travail de recherche qui servira de charpente au roman : lieux, thématique, personnages (le seul commandé par le genre policier qui concerne
Elizabeth George étant… l'assassin !).
La réalisation de fiches détaillées permet de faire émerger les éléments utiles au récit. Elles forment un canevas pour l'auteur omniscient qui pourra toutefois reprendre sa liberté si nécessaire au moment de l'écriture. Elles fournissent également la charpente nécessaire pour dresser des personnages solides, les tensions nécessaires, recourir à tous les sens pour rendre perceptibles l'environnement où évoluent les personnages.
Le déroulement de l'histoire survient seulement à ce moment… avec au terme de ces étapes préliminaires le début du roman qu'il faudra soigneusement déterminer.
L'approche va en entonnoir jusqu'à chaque scène où sont précisés les décors, les personnages présents, les aspects dramatiques et les conflits, tableau synoptique à l'appui.
Puis enfin, ENFIN vient le temps de l'écriture… puis celui des relectures. L'aide d'une personne de confiance permettra de repérer les faiblesses du roman, de tester quelques idées, lever ses doutes. Encore une lecture et puis hop ! direction l'éditeur.
Ma première crainte avant d'ouvrir ce livre était de trouver ici des platitudes ou bouts de ficelles éculés, un mauvais produit marketing d'un auteur réputé mais dont les best sellers encombrent les librairies et les presses de gare, s'empoussièrent dans nos bibliothèques puis sont vendus d'occasion au mètre linéaire à des bouquinistes. Vous voyez, un de ceux comme L'affaire du triple meurtre, L'inspecteur Pinchbottle à la rescousse ou La mort porte des jarretelles jaunes, parodies imaginées par un
Raymond Chandler étrillant en 1950 dans son essai Simple comme le crime ces mauvais policiers livrés à la chaine (déjà !). Mais avec de l'idée au crime parfait,
Elizabeth George a une autre ambition, et c'est tant mieux !
Intéressant tant pour le lecteur qui en apprend plus sur le travail de création que pour l'auteur qui souhaite améliorer sa technique.
T. Sandorf
Merci à #Netgalley et aux Presses de la Cité pour cette lecture de #Delidéeaucrimeparfaitmonatelierdécriture
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