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EAN : 9791026815297
304 pages
Urban Comics Editions (07/09/2018)
3.79/5   39 notes
Résumé :
Le règne de Saddam Hussein est terminé. Les Américains sont aux commandes, et pourtant rien ne semble sous contrôle. Dans la Green Zone, Christopher Henry, l'ancien policier de San Diego devenu instructeur militaire, le sait mieux que quiconque. Envoyé sur place pour former une nouvelle force de police irakienne, il apprend le meurtre de l'une de ses recrues dont le corps a été retrouvé sur la Grand Place. Épaulé de Sofia, une Irakienne élevée en Amérique, et de Nas... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Ce tome comprend une histoire complète initialement parue en 2 recueils, écrite par Tom King, dessinée, encrée avec une mise en couleurs réalisée par Mitch Gerads, avec des couvertures de John Paul Leon.

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The Sheriff of Babylon Vol. 1: Bang. Bang. Bang. - L'histoire se déroule en février 2004 à Bagdad, en Irak, après la chute de la ville en 2003 sous l'attaque de la coalition. Chistopher Henry est un ancien policier qui a choisi de devenir un entraîneur des forces de police iraquienne, pour une société privée. Il a en charge de former des iraquiens pour constituer une nouvelle police pour la ville. le récit débute alors que 2 militaires américains retrouvent le cadavre d'Ali al Fahar, en dehors de la zone verte sous commandement américain. Il s'agit d'un des individus formés par Henry. Ce dernier est appelé pour récupérer le corps et le rendre à sa famille.

Ne sachant pas trop comment s'y prendre, Christopher Henry contacte une officielle iraquienne Saffiya al Aquani (surnommée Sofia par les anglophones). Cette dernière contacte Nassir al Maghred, un ancien policier ayant exercé sa profession du temps du régime de Saddam Hussein. Maghreb convient d'un rendez-vous avec Henry pour aller récupérer le corps d'Ali al Fahar, et le ramener dans la zone verte. Puis il accompagne Henry pour aller avertir la famille du défunt, dans un quartier shiite. Ils découvrent un carnage.

Il y a des histoires à prendre avec des pincettes : un auteur américain qui évoque Bagdad en 2004, après l'invasion de la coalition en 2003, ça fait peur. On peut craindre un parti pris nationaliste appuyé, une phobie des musulmans, et un triomphalisme éhonté. le lecteur ne se laisse pas abuser par les petites phrases louangeuses tirées de la presse comics, ou même du Guardian. En fait, il commence par constater que le récit repose sur trois personnages principaux : un instructeur privé américain (ex-policier), une femme voilée iraquienne sunnite, et un ex-policier shiite sous le régime de Saddam Hussein. D'une certaine manière, ce choix rend déjà compte de la complexité de la situation. Ensuite, au cours du récit, il est question de religion, de fierté d'un peuple, des valeurs des États-Unis, de la nécessité d'une police dans un état, fut-il en reconstruction et sous surveillance des États-Unis.

Les dessins n'ont rien de jolis. Les traits pour détourer les formes sont cassants et effilés, rendant compte d'une réalité coupante et sans afféterie. le lecteur finit d'être convaincu par l'honnêteté de la démarche du scénariste par l'épisode 5 qui est constitué à 90% par une discussion entre 2 personnes descendant une bouteille de vodka, ne trouvant pas le sommeil pendant la nuit. On est loin d'une sorte de racolage spectaculaire et puant. Tom King raconte son récit de manière linéaire, avec des conversations entre adultes où tout n'est pas dit. Au départ, le lecteur doit un peu s'accrocher car il ne parvient pas à cerner l'approche du scénariste. Tout part du cadavre d'Ali al Fahar, mais sans qu'on comprenne bien son lien avec Christopher Henry. Il faut un peu de patience pour apprendre le rôle d'Henry et la raison de sa présence. de la même manière, il faut accepter le rythme de la narration pour les informations concernant Saffiya al Agani, pour se faire progressivement une idée sur cette femme, son histoire personnelle, son rôle, ses relations, sa place dans cette société très mouvante. Par comparaison, le personnage de Nassir al Maghreb semble plus facile à cerner rapidement.

Au bout de 2 épisodes, le lecteur a pu établir la dynamique du récit : il ne s'agit ni plus, ni moins que d'une enquête criminelle. L'enjeu est de trouver le meurtrier d'Ali al Fahar. Comme un romancier chevronné, Tom King utilise cette mécanique de genre pour observer le milieu dans lequel se déroule l'enquête. Il a choisi un endroit en pleine mutation, soumis à des contraintes et à des forces difficilement cernables. Il faut un peu de temps pour entrevoir l'enjeu qui va avec l'établissement d'une police en bonne et due forme, formée par des individus sans attache avec le précédent régime, c'est-à-dire celui de Saddam Hussein. Il faut un peu de temps pour mesurer l'influence de Saffiya al Agani, les conséquences de ses interventions, la manière dont elle met la main à la pâte. Il faut un peu de temps pour s'assurer du point de vue de l'auteur.

En fait dans ces épisodes, Tom King ne prend pas parti pour l'un de ces 3 principaux protagonistes. Il ne porte pas de jugement de valeur tranché en faveur de la présence des États-Unis, ni en sa défaveur. le scénariste n'adopte pas la solution de facilité d'être neutre et descriptif non plus. Chacun des personnages dispose de sa propre motivation, fortement dictée par sa culture, sans en devenir caricaturale. Les tensions restent sous-jacentes du fait des différences culturelles, mais elles sont bien présentes. le scénariste montre avec doigté comment ces cultures et ces histoires façonnent le positionnement de chacun et conditionnent leurs rôles. Il réussit également à les faire exister en tant qu'individu, ce qui n'est pas une mince affaire. Aucun d'entre eux n'est parfait ou lisse. Aucun d'entre eux n'est au-dessus de céder à la tentation de la vengeance contre des crimes de guerre. Mais chacun des 3 se rattache à des valeurs issues d'un monde avant la guerre.

Tom King adopte une narration résolument adulte. Il fait confiance au lecteur pour être capable de patienter plus pages, voire plusieurs chapitres, pour comprendre la situation d'ensemble. Il évoque des éléments bien réels de cet endroit du globe à cette date : les chats prenant goût à la chair humaine, les vidéos de soldats égorgés, les enjeux économiques de la reconstruction, la volonté de la population de revenir à une vie normale en ne cherchant pas trop à provoquer les questions, l'existence de factions armées prêtes à recourir à des actions radicales (utilisation de lance-roquette en pleine rue), la barrière de langue entre anglophones et arabes, les interprètes plus ou moins légitimes de la religion. Au cours de l'épisode 5, les compagnons de boisson évoquent des sujets aussi divers que les bombes intelligentes contre les avions avec des pilotes en chair et en os, les attentats du 11 septembre, le ressenti sur les attentats du 11 septembre, une relique dissimulée dans le sol, le berceau de la civilisation.

Tom King n'hésite pas à faire en sorte que ses personnages abordent des sujets graves et prégnants, mais il ne transforme pas son récit en cours d'histoire ou en pamphlet. Il n'est pas besoin de connaître l'Histoire de cette région à cette époque pour comprendre l'intrigue, et pour saisir les tensions culturelles. Il n'est pas besoin de connaître quelque chose à la religion musulmane pour l'apprécier. Par contre, le lecteur curieux peut vérifier les exactions attribuées à Oudaï Hussein (le fils de Saddam Hussein) pour se rendre compte que l'auteur a bien fait son travail de recherches. de la même manière, s'il ne connaît pas le monument des Épées de Qādisīyah, construit dans les années 1980 (une arche triomphale, également désignée sous le nom des Mains de la Victoire), il peut aussi aller se renseigner à son sujet.

Mitch Gerads s'était déjà fait remarquer dans des récits de guerre ou d'armée, dans une série du Punisher (à commencer par Black and white) et dans la série The Activity, toutes les 2 de Nathan Edmondson. Il utilise un trait fin et un peu cassant pour détourer les formes. Il appose très peu d'aplats de noir, et à chaque fois de petite taille. Il utilise les couleurs pour conférer des textures aux éléments en arrière-plan, ou aux étoffes, sans abuser des nuances. Pour chaque scène, il adopte une teinte principale qui recouvre toute les pages concernées, et il y ajoute de discrètes variations de nuance, sans chercher à modeler les surfaces, à leur donner plus de volume. Cela participe à renforcer la narration sèche et factuelle du récit.

Mitch Gerads dessine de manière naturaliste, sans avoir l'obsession du détail photographique. Il représente des individus avec des morphologies normales, des tenues vestimentaires ordinaires, des lieux de vie banals, mais cohérents avec les endroits. Par exemple, Christopher Henry loge dans un baraquement modulaire. Saffiya al Aqani loge dans une belle demeure, dont les fenêtres sont ornées de moucharabiehs. Il représente avec aisance et précision les matériels militaires et les différentes armes à feu. Il conçoit des prises de vue rigoureuses, sans être paresseuses, ni monotones. En particulier, le lecteur a du mal à croire que la discussion entre les 2 personnages occupe vraiment 14 pages sur les 22 que compte l'épisode 5, car il n'éprouve aucun ennui visuel. Lorsque la séquence comprend des actes violents, les dessins restent et secs et pragmatiques, se tenant à l'écart de la tentation d'introduire une dimension romantique ou viril aux tueries. Si le lecteur est vraiment tatillon, il pourra regretter une légère exagération dans les flaques et les traces de sang, mais rien qui ne relève du grand guignol.

Alors que le lecteur était en droit de craindre le pire de la propagande au vu de l'environnement du récit et de la nationalité de l'auteur, il plonge dans une enquête criminelle rendue ardue par le contexte dans lequel elle se déroule. Tom King et Mitch Gerads utilisent les conventions du polar, et s'inscrivent dans ce qui se fait de meilleur dans le genre, c'est-à-dire qu'ils utilisent les conventions de genre à leur profit, pour sonder la complexité et les recoins de la société concernée. le scénariste montre qu'il voue une réelle affection à ses personnages, sans pour autant les idéaliser. Il prouve qu'il ne se limite pas à abuser de la situation volatile de Bagdad en 2004, en évoquant l'origine du prénom Saffiya de belle manière. le récit n'exploite pas une situation complexe pour un divertissement sans âme, mais parle de la complexité de cette situation pour des individus avec leur propre histoire.

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The Sheriff of Babylon Vol. 2: Pow. Pow. Pow. - En mars 2004, à Bagdad en Iraq, Saffiya al Aquani (Sofia) se tient sur les toilettes. Elle constate la présence de sang dans ses urines. Nassir al Maghred est détenu par des militaires en civil dans un bâtiment préfabriqué. le responsable lui explique qu'ils vont faire venir un traducteur. À la faveur d'un moment d'inattention, Maghred frappe la tête de son interlocuteur contre la table entre eux. Cela déclenche l'arrivée d'un gros costaud armé d'un fusil et du supérieur du premier interrogateur. Alors que Sofia se renseigne sur internet quant à la cause de la présence du sang, elle est appelée pour un rendez-vous immédiat avec un intermédiaire américain d'une agence de renseignement. Il se fait appeler Franklin. Pendant ce temps-là, Maghred encaisse les coups de ses interrogateurs sans broncher.

Franklin souhaite obtenir l'aide de Sofia pour coincer un terroriste appelé Abu Rahim. Sofia lui raconte un conte que lui a appris sa grand-mère, l'histoire d'un poisson vivant dans l'Euphrate, et souhaitant passer dans le Tigre. Pendant ce temps-là, Maghred a été déshabillé, ligoté à une chaise et ses geôliers lui ont mis un sac sur la tête. Ils continuent de l'interroger pour savoir ce qu'il sait sur Abu Rahim. de son côté, Christopher Henry est dans la zone verte. Il continue de réfléchir à la mort d'Ali al Fahar, sans avoir l'impression d'avoir avancé dans son enquête.

Tom King avait impressionné le lecteur avec le premier tome. Il avait situé son histoire en Iraq, pendant l'occupation américaine, après la chute de la ville en 2003 sous l'attaque de la coalition. Il avait su éviter se tenir éloigné de toute forme de patriotisme ou de propagande, pour écrire un polar, avec un instructeur militaire travaillant pour une entreprise privée, enquêtant sur le meurtre d'un de ses élèves. le scénariste avait entraîné son récit à l'écart des clichés, grâce à 2 personnages supplémentaires, une iraquienne sunnite et un ex-policier shiite. Il rendait ainsi compte d'une part de la complexité de la situation, et d'autre part des intérêts de différentes factions en place. Avec cette deuxième partie, le scénariste donne l'impression de partir dans une autre direction. le centre d'intérêt n'est plus de savoir qui a tué Ali al Fahar, ou comment il est mort. L'enjeu devient la capture du terroriste Abu Rahim.

La forme de la narration se modifie également puisqu'elle repose essentiellement sur des confrontations de type verbale, 2 individus se jaugeant, s'interrogeant, jouant au chat et la souris. Il appartient alors au lecteur d'observer les interlocuteurs pour en apprendre plus que ce que disent les mots. Il y a par exemple cette série d'interrogatoires musclés que subit Nassir al Maghred. le lecteur ne comprend pas forcément tout de suite pourquoi ce personnage accepte sa situation sans broncher, ou plutôt en l'aggravant dans un premier temps, en agressant les premiers officiels venus l'interroger. Il est assez impressionné par sa capacité à encaisser, à supporter la douleur, à endurer le sadisme psychologique. Il faut attendre plus d'un épisode pour entrevoir la raison de son comportement. Tom King ne l'explicite pas en faisant dire à son personnage pour quelle raison il a agi ainsi, ni en le faisant dire par un autre personnage. le lecteur doit assembler les pièces du puzzle entre les tragédies vécues par le personnage dans la première partie, ce qu'il révèle à Saffiya al Aquani sur sa relation avec sa famille, ses occupations avant la guerre, etc.

Dans le deuxième épisode, Tom King reprend le même dispositif de la conversation, cette fois-ci entre Saffiya al Aquani et un interlocuteur au téléphone, qui n'apparaît pas dans les cases. Puis Christopher Henry va avoir une discussion fractionnée avec un dénommé Bob, un agent secret américain de terrain, celui qui a abattu Fatima, la femme de Nassir al Maghreb. Il y a encore d'autres dialogues, dont celui avec Abu Rahim et un autre interlocuteur. Avec une telle forme narrative, le talent de metteur en scène et de directeur d'acteurs de l'artiste est fortement mis à contribution. En fonction des circonstances de la discussion, il construit sa prise de vue de manière différente, en optant pour une approche naturaliste. À l'une des extrémités du spectre, il y a le dialogue entre Saffiya al Aquani et Franklin. Les 2 personnages se promènent sur la berge du Tigre, en devisant calmement. L'artiste a tout loisir de les montrer en train de marcher, de faire des gestes accompagnant leurs propos. Il modifie ses angles de prises de vue de manière à montrer leur environnement. le lecteur prend plaisir à cette promenade au bord de l'eau, comme s'il se trouver aux côtés des 2 interlocuteurs.

À l'autre extrémité de la mise en scène, il y a Saffiya al Aquani en train de parler au téléphone à Abu Rahim. Mitch Gerards respecte les circonstances imposées par le scénario. Il s'en suit 4 pages chacune comprenant 9 cases de même taille (découpage qualifié de gaufrier). Chaque case est cadrée comme un plan poitrine sur la protagoniste. le lecteur a vraiment l'impression de regarder quelqu'un en train de parler dans son portable. Il voit les expressions du visage changer en fonction de l'échange, des contrariétés, des avancées positives, ainsi que les petits gestes, comme Saffiya en train de jouer avec son voile. Malgré cette forme très contrainte d'un point de vue visuel, le dessinateur réussit à capter l'attention du lecteur et à la conserver tout au long de ces 4 pages. Ce dernier se rend compte que Gerads représente l'arrière-plan à gros traits pendant cette conversation, de rapides coups de pinceau infographique pour évoquer la végétation sous forme de bosquet et le tronc d'un arbre juste derrière le personnage. En fait il colle exactement le même dessin en fond, mais cadré différemment en fonction des minuscules déplacements de l'interlocutrice.

Tout du long de ces 6 épisodes, le lecteur bénéficie de ces mises en scène intelligente, capables de tirer le meilleur parti des contraintes d'une séquence, pour lui donner l'impression de se trouver sur place, d'observer les individus avec ses yeux, ou avec les yeux d'un autre protagoniste. Il représente les environnements avec la même qualité de conviction. le lecteur se retrouve ainsi dans ce préfabriqué accablé par le soleil, avec ces casiers métalliques impersonnels pour ranger les affaires personnelles. Il observe les rives du Tigre, à un endroit un quartier en flammes, à un autre endroit des berges aménagées et ombragées. Il se promène dans le site touristique de Petra, et se baigne dans la Mer Morte avec Maghreb et sa famille. Il prend pleinement conscience du travail réalisé par les couleurs, Mitch Gerads les utilisant de manière naturaliste, mais avec un léger décalage vers l'impressionnisme. Il se retrouve à s'assoir dans un fauteuil incongru dans l'antichambre d'une salle de réunion militaire. Il apprécie la qualité de l'ameublement et de la décoration de la maison de Saffiya al Aquani. Il retrouve l'ambiance quasi surréaliste de cette piscine au plafond crevé, baignant dans la lumière verdâtre de la nuit.

Tom King peut donc se reposer entièrement sur le talent de narrateur de Mitch Gerads pour raconter son histoire comme il l'entend. Il utilise les conventions du récit d'espionnage en temps de guerre, mettant face à face des individus dont les allégeances sont difficiles à cerner et qui évoluent au fil du temps. le lecteur comprend bien qu'il doit participer au jeu de rassembler les pièces du puzzle. le scénariste prend bien soin de rester intelligible. Les enjeux sont clairement identifiés et exposés. le questionnement concerne les motivations superficielles et profondes des personnages. Cette deuxième partie se concentre plus sur Saffiya al Aquani et Nassir al Maghred. le lecteur découvre petit à petit quelques éléments de leur passé, et de leur présent. Toute leur vie a été modelée par les conflits de cette région du globe. Toute leur vie a été massacrée par la mort de leurs proches au cours de conflits successifs. Pourtant ils continuent de vivre, de faire des projets et de se montrer constructifs. Sous réserve d'être attentif à cette dimension, le lecteur se rend compte que le thème sous-jacent du récit est celui de la résilience, sous des formes assez différentes [...] Suite et fin dans les commentaires...
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La quatrième de couverture nous convie à une enquête policière en 2004, dans la bonne ville de Bagdad.
Il nous est aussi précisé que Tom King, scénariste de la série Batman Rebirth, a puisé dans son passé d'agent de la CIA pour nous apporter "une vision éclairante et américano-décentrée sur le chaos de l'Irak post Saddam Hussein."
Le scénario est soutenu par le trait détaillé de Mitch Gerads, disent ils, je rajouterai que le dessin est remarquable, de la précision, un rendu de l'atmosphère implacable.

Il faut progresser lentement dans l'histoire ... tout est compliqué, imbriqué, mélangé, il n'est pas facile de s'y retrouver qui est avec qui, qui fait quoi, qui a fait quoi et qui fera quoi demain.
Il faut prendre son temps pour démêler l'écheveau complexe de la situation en Irak, que ce soit dans la BD ou dans l'histoire réelle.
La postface nous trace un rapide portrait de l'Irak :
Un état fondé par les britanniques en guerre permanente avec sa société à travers un système de domination confessionnelle (les sunnites sur les chiites) et ethnique (les Arabes sur les Kurdes).
Une histoire mouvementée nous amène à la période de la BD, février 2004 .... avril 2004... pénurie d'électricité, eau potable inaccessible, insécurité, aide internationale qui se fait attendre, gouvernement inefficace et sans légitimité......
Alors prenez une pelote de laine qui représente l'Irak .... des enquêteurs sont là pour nous aider à tirer le bon fil pour y comprendre quelque chose ... le tout émaillé de bulles toutes noires figurant l'acte de mort .... avec juste PAN ... très impressionnant.
Une lecture difficile qui nous demande de la concentration pour essayer de comprendre ce qui c'est passé .... et un minimum de motivation intellectuelle pour se projeter dans cette partie du monde.
La reconstruction irakienne est importante car il s'agit là, d'un territoire pivot du moyen orient.
Je crois qu'il ne faut pas laisser cette BD dans un tiroir, il faut en parler .... il faut la partager ... c'est peut être ce qu'on peut faire pour faire bouger un peu les choses en aidant à la compréhension et à la recherche de solution.
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L'auteur semble être un grand connaisseur de l'Irak après la chute du dictateur sanguinaire Saddam Hussein. Il a été un agent de la CIA dans une autre vie avant de s'intéresser au Comics et à un certain Batman.

C'est une oeuvre qui me rappelle un film avec Matt Damon intitulé Green Zone. Il faut dire que l'intrigue se passe au même endroit et au même moment historique. Il est vrai que faire chuter un dictateur ne règle pas tous les problèmes d'un pays. Encore faut-il avoir une certaine maturité d'esprit et accepter la différence ce qui n'est guère facile quand on a les chiites et les sunnites sur le même territoire. Bref, on va explorer les enjeux de la reconstruction irakienne, territoire pivot du Moyen-Orient.

L'extrême violence de certaines situations est parfois difficile à supporter pour un lecteur mais cela traduit la réalité. C'est un comics très réaliste qui est loin de ce qu'on a l'habitude de lire dans le genre. Ce souci d'authenticité rend la bd assez intéressante. Reste la violence et toutes ces tragédies. Etre un shériff à Babylon est loin d'être une partie de plaisir.
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Une couverture douce et intimiste mais à y regarder de plus près, on se rend compte que la jeune femme en train de se faire coiffer à une arme à portée de mains. Voici qui donne le ton de ce comic, où il faut perpétuellement surveiller ses arrières. Certainement un souvenir fort de Tom King, qui fut envoyé en mission dans cette guerre, absurde comme souvent, dont personne ne revient jamais indemne.

On suit trois personnages : Christopher, ancien policier américain venu sur le sol irakien pour former les futures forces de l'ordre du régime post-Saddam ; Nassir, ancien chef de police ayant servi Saddam avant de retourner sa veste ; Saffyia (ou Sofia), politicienne habile qui a pu échapper à la purge subie par sa famille sous la dictature. Comme femme, la place de Saffyia est la plus étonnante : mais elle a eu une éducation américaine et s'est avec eux qu'elle est revenue dans son pays. Elle ne renie absolument pas ce qu'elle est, oeuvre dans l'ombre et manipule avec beaucoup d'habileté. le décès d'un membre de l'équipe de Christopher va rassembler ses trois protagonistes et leur faire mener une sorte d'enquête, qui se retrouve vite étouffée dans des ressorts pseudo psychologiques un peu alambiqués.

Cela rend l'histoire parfois compliquée à suivre. On ne comprend pas bien ce qui se passe, voire on est un peu frustré à la fin de se dire qu'on n'a pas forcément une histoire vraiment construite. Mais peut être est-ce délibéré, à l'instar des êtres sur le terrain qui ne savent jamais très bien de qui ils sont les pions. Une façon de mettre en évidence l'absurdité de ce conflit. Pourtant, il y a aussi des passages plein d'émotions, qui chamboulent.

Côté dessin, je ne suis pas fan mais je reconnais la qualité de ce que propose Mitch Gerads, avec un découpage, un choix de couleurs et surtout les expressions des personnages qui sont fabuleuses, chacun se distinguant parfaitement sans que le dessinateur n'ait besoin d'exagérer les caractéristiques occidentales ou moyen-orientales.

On aurait pu craindre une histoire moralisatrice et encore vu de l'oeilleton américain. Il n'en est rien, c'est étonnamment plus subtil et bien mieux construit.
Lien : https://nourrituresentoutgen..
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Tom KING, scénariste de renom dans le monde du comics, fait appel à son passé d'agent de la CIA pour traiter le sujet épineux l'Irak post Sadam Hussein.

Un thème qui de prime abord peut rebuter de par la complexité du conflit. Mais le talent de Tom King nous embarque. Sans préambule, au travers de ces trois protagonistes il nous propose une plongé dans le chaos irakien en rentrant par la petite porte.
Le propos du récit est magnifié par le dessin de Mitch GERARDS. Dessin dynamique nerveux, travail des couleurs magnifique. Une osmose incroyable entre les deux auteurs incroyable se dégage.
Et comment ne pas souligner le traitement du personnage féminin de Sofia tout sauf un faire valoir.

NB : Si la lecture de vous a plu foncez sur le chef d'oeuvre de ce duo : Mister Miracle.
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critiques presse (3)
Sceneario
19 novembre 2018
Sheriff of Babylon est un album à ne pas forcément mettre entre toutes les mains, mais qui fait comprendre le contexte actuel en Irak. Un chef d'oeuvre que je vous invite à lire et à partager.
Une très bonne surprise qui vous attend dans toutes bonnes librairies.
Lire la critique sur le site : Sceneario
ActuaBD
31 octobre 2018
Sheriff of Babylon pourra d’abord rebuter par son sujet, son point de vue initialement américain et son traitement, finalement très réaliste. Mais s’en tenir là conduirait à passer à côté d’une bonne série, percutante par le désenchantement militaire et politique qu’elle met en scène.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BDZoom
01 octobre 2018
Parler géopolitique, cela est possible en bande-dessinée et ce comics tout à fait remarquable en fait la démonstration parfaite, sur le sujet pourtant sensible et difficile de la reconstruction irakienne de 2003.
Lire la critique sur le site : BDZoom
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Votre gars est mort, hein ? Une sale histoire.
Ceux là, ils sont comme lui. Normaux. Ils cherchent juste à survivre.
Comme ils ne veulent pas d'histoire, ils ne répondent pas aux questions. Peut-être, hein. Je ne sais pas.
Mais je sais que ne pas répondre, ne pas vouloir d'histoire, ce n'est pas mentir !
C'est dire la vérité !
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Ma fille ainée s'appelait Fatima, comme sa mère.
Je vous en prie.
Pan.
Oh mon Dieu. Aide-moi mon Dieu. Aide-moi.
Ma cadette s'appelait Assla. Une fillette splendide.
S'il vous plaît, non !
Pan.
Pan.
Et ma dernière, elle s'appelait Nahima.
Elle fait trois ans quand la bombe est tombée sur notre maison. C'est jeune, trois ans.
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Les musulmans ne savent pas fabriquer des bombes intelligentes.
Alors, on met des hommes dans des avions, pour qu'ils deviennent la bombe.
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Paris c'est Babylone la ville de toutes les tentations.
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