Si l'univers du l'opéra dans lequel travaille son père intéresse profondément Annie Bailleul, cette petite fille est surtout fascinée par sa mère, penchée sur son ouvrage de couture pendant des heures. Des homophones appris à l'école à la notion de l'enfer suite à la mort de ses grands-parents en passant par le rapport à sa propre identité, ce petit personnage pensif aux deux parents absents (— le père est un comédien acharné qui deviendra comédien raté et alcoolique, la mère se niche dans une résiliation totale qui finira par l'achever), se pose beaucoup de questions auxquelles il devra seul répondre.
Naïf, pénétrant, sensible et parfois très drôle, le récit de Françoise Gérard nous plonge dans ces années d'innocence chorégraphiées par le rythme de géniteurs accidentels. Toutefois, il n'est pas le roman nostalgique d'une époque révolue mais plutôt celui qui questionne l'être humain à différents stades de sa vie, à travers les yeux philosophes d'une enfant. le parallèle avec Faust (la pièce que répète le père d'Annie) semble évident : le père, artiste frustré de ne pas être reconnu serait un Faust moderne tandis que la mère deviendrait Wagner, le serviteur humain de ce dernier, dénué de tout sentiment propre. Entre réflexions linguistiques et références littéraires, le langage — thème récurrent du récit, est à la fois une fascination pour Annie comme le point faible de ses parents, vouant la famille à un silence destructeur. C'est finalement un récit sobre mais très juste d'un amour maternel face à la solitude enfantine.
Commenter  J’apprécie         00
« Pourquoi nous demandait-elle d’aller au plus profond, au plus secret de nous-mêmes ? Qui de nous accepterait de livrer la part intime de son être et avouerait sa faim ? » p. 77