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EAN : 9782709666305
400 pages
J.-C. Lattès (11/01/2023)
4.33/5   119 notes
Résumé :
Une femme marche sur le bord de la route. Le jour n’est pas encore levé, l’air est glacial. Un homme surgit derrière elle. Il porte un bonnet noir…

Durant trente ans, dans la Sambre, une petite région industrielle du Nord de la France, des dizaines et des dizaines de femmes sont agressées sexuellement ou violées au petit matin. Elles portent plainte, parfois à quelques jours d’intervalles. Elles ne sont pas toujours crues.
Un jour de février 2... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (56) Voir plus Ajouter une critique
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Les faits divers les plus étonnants sont souvent ceux qui percutent de plein fouet notre capacité à les croire possibles, ils se basent sur des choses que la fiction n'ose pas. Imaginez un roman où un violeur sévirait sur une zone de 27 kilomètres le long d'un fleuve, durant 30 ans, quasiment le même mode opératoire, un nombre sidérant de victimes, sans être jamais arrêté ni même soupçonné. Dur dur pour la fiction, ce type de scénario, trop abrupt pour la crédibilité. Ça tombe bien, ce livre est une enquête, basée sur des faits. Ils concernent l'affaire du violeur de la Sambre, comment il procédait, quelles femmes ont été ses victimes pour former « un kaléidoscope de vies brisées », comment la société l'a raté pendant 30 ans. Et c'est juste incroyable.
C'est peut-être un mot, juste un mot qui a plongé la journaliste Alice Géraud dans ce travail: immanent. Ce fait divers l'est-il, qui aurait dès lors « une existence autonome, une dimension exceptionnelle et une causalité incertaine » ?
On commencera vite à se douter que non, il n'y aura qu'à se concentrer dans un premier temps sur l'accueil des policiers envers les victimes dans ces années 80. le soupçon se retourne trop souvent vers les victimes, et toutes les raisons semblent bonnes : l'adolescente qui cacherait une grossesse, quelle idée de se balader dans cette tenue avec des talons hauts, la jeune fille qui ne voulait pas aller travailler ce matin. Et puis il y a aussi à l'époque le fameux attentat à la pudeur de l'ancien code pénal....
Alice Géraud a choisi d'entrer dans cette vaste enquête par les victimes, autant dire que les répétitions de scènes seront légion. le violeur de la Sambre opère quasiment à l'identique, au petit matin, par surprise et strangulation. le récit est parcouru de ses éléments biographiques en début de certains chapitres, parfois même de ses paroles récoltées après arrestation, qui donnent la mesure, le rythme et l'ampleur du raté de la société. Comment la police et la justice ont-elles pu passer à côté de la sérialité autant de temps ?
Il suffira d'une cinquantaine de pages pour comprendre la transcendance de cette affaire de la Sambre, qui « déborde de son propre cours, elle vient cogner le système et l'éprouver ».

Une enquête de 400 pages lues de deux ou trois traites en ce qui me concerne, en apnée sidérée.
Une enquête passionnante, qui revisite aussi l'histoire récente et l'évolution (lente) de la société face aux atteintes à la personne, et aux violences sexuelles.
Une enquête élaborée avec brio par une journaliste au ton imparable, celui qui fait avancer avec clarté vers la vérité, l'indignation en sourdine.
Une grande enquête à ranger à côté d'autres, comme « Les fossoyeurs » récemment.

« Quinze ans plus tard, à la barre de la cour d'Assises de Douai, Franck Martins tiendra à reparler de la manière dont Charlène a été traitée ce jour de janvier 2008. Il dira que ce qui s'est passé ce jour-là est « une honte ». J'entendrai pour la première fois sa voix ronde trembler un peu. Il tiendra à présenter ses excuses à Charlène, « au nom de la police ».

Merci à Babélio et les Éditions JC Lattès pour l'envoi de ce livre passionnant dans le cadre de masse critique.
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La Sambre est une rivière, à la frontière franco-belge, passant par Maubeuge, le long de laquelle des viols et agressions sexuelles ont été commis par un même homme durant trente ans. Alice Géraud débute son enquête approfondie sur ce fait divers en 2018, peu après son arrestation.

L'autrice met en avant les victimes qui, au-delà de l'atteinte physique, ont subi la mise en doute de leur parole, la perte de leur procédure, l'absence de prévention, le manque de thérapie pour une reconstruction.

Les dysfonctionnements du système liés à une absence d'informatisation, de moyens, de formation, de suivi, sont pointés, dans une période où l'appréhension des atteintes et agressions sexuelles évoluaient, notamment avec l'adoption du nouveau code pénal en 1994.

L'auteur des faits sera finalement condamné en juin 2022 à la peine maximale pour les faits reprochés, à savoir vingt ans d'emprisonnement, avec une peine de sûreté correspondant aux deux tiers de la peine.

Cette radioscopie très documentée reprend chaque cas, les détails du mode opératoire, l'ensemble des moments où un traitement différent aurait pu tout faire basculer, mais son intérêt est surtout de montrer le chemin parcouru et restant à parcourir en posant de nombreuses questions sur le traitement de ces infractions sexuelles.

Aujourd'hui encore est-il normal que la peine puisse être inférieure au temps d'infraction, que la préméditation ne soit pas prise en compte dans la peine encourue, qu'une fois qu'un viol est commis la peine encourue reste la même qu'il y ait deux victimes ou cinquante ?
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L'arrestation de Dino Scala, dont le procès s'est tenu du dix juin au premier juillet 2022 devant la cour d'assises de Douai, a défrayé la chronique. Cet homme "sans histoire", ouvrier, père de famille et président du club de foot de son village, est accusé d'avoir agressé sexuellement et violé des dizaines de femmes pendant trente ans le matin entre son domicile et son travail, le long d'une route de trente-sept kilomètres. Il devient "Le violeur de la Sambre".
Alice Géraud s'empare de ce sordide et incroyable fait divers, en s'attachant à se placer du côté des victimes, se posant incessamment la question de leur traumatisme, et de savoir comment il a été possible que cet homme ait pu agir aussi longtemps sans être inquiété. Ces victimes avaient au moment des faits entre treize et plus de quarante ans. Elles étaient collégiennes, lycéennes, infirmières, directrice d'école… Elles ont subi des attouchements, des viols par voie orale ou génitale, ont parfois été agressée à leur domicile. le procès concerne cinquante-six victimes, mais on soupçonne l'existence d'autres. Alice Géraud a examiné des centaines de plaintes déposées dans une poignée de commissariats et quelques gendarmeries, dont certaines ont été imputées à Dino Scala, d'autres écartées, d'autres encore rouvertes après son procès. La plupart racontent beaucoup du traitement des victimes d'agressions sexuelles et de viols sur ces trente dernières années.

"Le sort réservé à ces femmes est l'objet du livre".

Et lorsqu'elle évoque leur sort, il ne s'agit pas seulement de celui que leur a réservé leur agresseur, mais aussi et surtout de celui que leur ont fait subir les acteurs d'un système policier et judiciaire défaillant et sans humanité.

On apprend pourtant que dès 1988, l'institution judiciaire pressent l'existence d'un violeur en série, bien que cela ne soit pas formulé ainsi, le concept étant alors un impensable de la culture policière et judiciaire française. Et le pressentiment manque de matériel pour être confirmé. Les plaintes, déjà multiples, sont entreposées séparément dans les cartons d'archives des trois commissariats du Val de Sambre. Certaines d'entre elles ont bien été transmises au parquet d'Avesnes, mais on ignore ce qu'elles sont devenues, tout comme la proportion effarante de portraits-robots et de témoignages qui disparaitront par la suite. Aussi, malgré la répétition des faits et de certains indices ressortant des témoignages, l'agresseur sexuel du matin qui fait l'objet d'une dizaine de plaintes est absent du récit public. Il n'existe pas ou seulement de manière souterraine, une vague rumeur qui circule et qu'on se raconte. Il faut préciser que le manque de communication, en partie liée à leur rivalité, entre la police et la gendarmerie, mais aussi entre les différents commissariats, empêche le rapprochement des faits.

"Les deux policier s'étaient en fait trompés d'endroit pour leurs constatations (...) Tant pis, ils notent que les deux chemins, de toute manière, se ressemblent beaucoup."

Ces archaïsmes administratifs ne sont qu'une partie du problème et sont par ailleurs en partie dues à un autre aspect des enquêtes, celui de la manière dont la parole des victimes a été entendue (puisqu'il n'est même pas question de parler "d'écoute").

A l'époque où l'affaire débute, les agressions sexuelles, définies selon l'ancien code pénal (du début du XVIIIème siècle), sont qualifiées d'attentat à la pudeur. Et si la victime est majeure, "l'acte doit être commis avec violence contrainte ou surprise". La notion d'agression sexuelle n'existe pas encore dans le droit français, celui-ci se plaçant alors sur le terrain de la morale, en garant du respect des bonnes moeurs, en l'occurrence celles de la victime, se focalisant sur le sentiment de gêne ou de honte qu'elle est susceptible de ressentir vis-à-vis de gestes sexuels qui lui sont imposés. Les examens auxquels sont soumises les victimes sont par ailleurs basés sur le postulat, hérité d'un traité de médecine légale datant de 1813, que l'existence d'un viol se lit forcément sur le corps, son étude passant par celle de l'hymen et de la virginité. La manière dont sont menées les enquêtes et les interrogatoires révèlent que les mentalités sont imprégnées de ces considérations d'une autre époque.

Porter plainte est parfois un parcours du combattant, ou le statut de victime se change en celui de suspecte ou d'accusée. On soupçonne certaines de ne pas dire la vérité, de mentir pour dissimuler la perte de leur virginité ou le fait qu'elles sont enceintes, de s'être fait mal toutes seules, ou d'être en partie responsables de leur agression, parce qu'elles ne se sont pas défendues, ou sont sorties de chez elle au petit matin vêtues de tenues aguichantes. Au mieux, les faits sont minimisés ; les médecins qui examinent les victimes s'intéressent aux traces de violences physiques -égratignures, traumatisme crânien…-, faisant disparaître le caractère sexuel de l'agression, effacé de l'histoire.

En requalifiant les agressions sexuelles et en supprimant les notions de "moeurs", "pudeur" et "outrage", le nouveau code pénal de 1994 les considère dorénavant comme des atteintes aux personnes, et non plus à la morale. Mais il faudra du temps pour que les services de police et les individus qui les représentent intègrent ces changements, certains décidant par exemple de faire fi du code pénal qui considère la fellation comme un viol. En plus du traumatisme lié à l'agression, les victimes ont ainsi subi un manque de transparence et de clarté (l'absence totale d'information aux victimes sur le suivi de leurs plaintes leur donnant le sentiment de n'avoir été ni écoutées, ni respectées) et la suspicion pesant sur leurs témoignages, symptômes des maladresses d'une police mal formée sur ces sujets et souvent gangrenée par un sexisme destructeur.

Ces inconséquences, ce manque d'écoute et de soutien, cette remise en cause de la gravité des faits, ont renforcé le poids des souffrances qui les ont suivis, dont Alice Géraud prend soin de mentionner les manifestations : accès de violence envers soi-même, culpabilité, anorexie, perte du sommeil, tentatives de suicides, dépressions, scolarité interrompues ou complètement déviées… certaines n'ont plus pu dormir sans un couteau sous leur oreiller ; d'autres n'ont plus jamais porté d'écharpe ou de col roulé (le "violeur de la Sambre" avait pour habitude de neutraliser ses victimes en leur serrant le cou).

"Je découvre des biographies sculptées par la peur. Des existences contrariées qui, comme l'explique Émilie, repoussent ensuite tordus pour trouver la lumière."
Pendant ce temps Dino Scala se marie à plusieurs reprises, a des enfants, et ses entrées dans un commissariat dont il connaît l'un des employés (il joue au foot avec lui).

Il y aura bien eu, au fil de cette très longue série macabre, quelques figures dont l'humanité et l'intelligence nous incitent à ne pas désespérer totalement : une minutieuse archiviste de la PJ de Lille ayant fait des rapprochements entre les diverses affaires ; une juge qui intègre des entretiens avec un psychologue dans le processus de l'enquête, permettant pour la première fois de poser noir sur blanc le retentissement du viol sur les victimes ; un inspecteur pugnace surnommé le Grincheux qui, en 1996, fait avancer l'enquête… Mais ils ne resteront jamais suffisamment longtemps en poste ou affectés à l'affaire pour que leurs efforts aboutissent.

L'affaire du violeur de la Sambre est ainsi l'histoire de l'échec d'un système et d'une société que viennent enfin enrayer une magistrate, une élue et un policier opposant leur résistance à la force d'inertie du système… on est alors en 2020.

J'ai dévoré le récit d'Alice Géraud en une journée, tant il m'a passionnée. Je l'ai trouvé à la fois incroyable, révoltant, et vraiment touchant par le regard que l'auteure porte sur ces femmes, auxquelles elle redonne un nom et une histoire.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Sambre
Radioscopie d'un fait divers
Alice Géraud
Non fiction
JC Lattès, 2023 , 394p


Alice Géraud pointe un échec du système, un échec de la société. Pendant plus de trente ans, un homme a agressé ou violé plus de cinquante femmes dans la Sambre, le long d'une route de 27 kilomètres, qui va vers la Belgique. La région est pauvre, et s'appauvrit encore, faute d'emplois. Elle connaît beaucoup de violences intrafamiliales, et de violences urbaines, des automobiles sont brûlées. Les trafics de stupéfiants intéressent davantage.
Echec de la société : la parole des femmes est toujours mise en doute. Pour les femmes pauvres ou d'un petit niveau de culture, la question de la crédibilité se pose. Pas pour celle en l'occurrence qui est directrice d'école. Si les jeunes filles ne sont pas vierges, encore l'emploi d'un adjectif désuet, c'est qu'elles ont des moeurs suspectes. Combien d'agressions multiples subissent les femmes en toute impunité. Pas de fonds pour construire des locaux dignes de la police et du droit. le tribunal jugeant les viols est à Avesnes-sur-Helpe, surnommé Avesnes-sur-Help. Il est en ruines. Jeumont-Industrie ne dévoile pas les noms de ses employés.
Echec d'un système : en 1988, la police et la gendarmerie ne travaillent pas ensemble. Les recherches se font isolément. Pas d'informatisation. Pas même de locaux adéquats. Il y fait froid, il n'y a pas de place. Les archives sont mal conservées. Les policiers parfois boivent de l'alcool. Les enquêtes sont mal menées. Pas de recherche d'indices. Les dépositions rédigées dans un style archaÏque et selon ce que retient l'agent de la loi, ce qui se retournera contre les victimes, sont souvent minimisées, et la qualification de crime n'est pas retenue. Après tout, il n'y a pas mort d'homme ! On ne dit pas aux victimes qu'elles peuvent se constituer partie civile. Au tribunal, beaucoup de victimes ont l'impression d'être traitées en coupables. La recherche d'ADN n'est pas encore systématique et elle coûte cher. Un portrait-robot est affiché dans tous les commissariats, et dans celui d'Aulnoye-Aymeries où le violeur vient boire le café. Il a beau dire en riant : C'est moi, aucun policier n'y prête attention. On n'ébruite pas les viols pour ne pas troubler l'ordre public ; on ne veut pas discréditer une région. La presse est quasiment muette. Or une maire communiste dit que c'est un moyen de faire de la prévention. Averties, les femmes seront sur leurs gardes. On l'accuse d'entraver l'enquête. Une femme belge agressée dit que son violeur doit sûrement travailler à Jeumont-Industrie. On ne va pas voir. Les nouvelles lois ne sont pas connues, alors qu'elles ont vingt ans d'âge. Oui, la fellation est un viol. le concept de sérialité n'existe pas. Qu'on viole une ou cinquante fois, c'est la même peine, soit 20 ans auxquels il faut retrancher les remises.
de l'autre côté de la frontière, la culture policière est différente ; l'approche est humaine. Une femme assiste les victimes. Les façons de faire sont plus efficaces.
le violeur est un Italien travailleur, serviable, qu'on n'aurait pas soupçonné. On le dit même l'homme le plus heureux de l'entreprise Cependant, à peine connaissait-il sa future femme, il déshabillait du regard sa jeune belle-soeur, et même allait plus loin, en se servant de yaourts qui endorment. Mais voilà, sa belle-mère était folle de son gendre et ne voulait rien entendre contre lui. Sa femme attend son deuxième enfant. Il s'introduit dans le lit de son autre belle-soeur. Conseil de famille. Sa mère à lui dit à voix basse : Ça ne va pas recommencer. Mésentente. Divorce. Il fonde un foyer avec une autre fille très fragile psychologiquement.
le mode opératoire : un terrain isolé, repéré à l'avance. Un foulard ou une pièce de tissu pour étrangler ses victimes qu'il traîne jusqu'au terrain repéré. S'il a le temps, s'il n'est pas dérangé par un passant, une voiture, il est tôt le matin, il pelote la poitrine, puis demande une fellation ou viole sa proie. Il lui demande ensuite de ne pas le regarder ni le suivre en comptant jusqu'à 20 ou 50, le temps qu'il s'en aille.
Les conséquences  de ce double échec sont la honte, la culpabilité, l'enfermement, la peur des femmes. Une carrière même est stoppée net, à cause du viol figurant dans le dossier de celle qui veut être gendarme. Les vies sont brisées. Si le violeur n'est pas trouvé, l'affaire est classée sans suite. La victime est abandonnée !
Heureusement qu'il existe des juges tenaces, comme celle qui s'est occupée sérieusement du dossier du violeur de la Sambre, huit ans après les premières agressions, des policiers impliqués et soucieux des victimes comme celui qui présente au nom de la police des excusesà une jeune fille violée et ensuite malmenée par la police, des archivistes méticuleux comme celles, elles sont deux, de la PJ de Lille qui recoupent les informations.
Dupont-Moretti, né à Maubeuge, fils d'une femme de ménage et d'un métallo, veut prendre la défense du violeur. Il est Acquitator. Tant mieux pour les victimes, il ne pourra pas le défendre, parce qu'il fut le défenseur de la directrice d'école.
C'est un livre difficile à lire. Avant le récit d'une agression, une page est consacrée au violeur : il devient papa, ou son père meurt, ou il dit des choses concernant des pulsions. Ce que je retiens, c'est qu'il paraît soulagé quand on l'arrête, et qu'il commence à avoir des émotions une fois qu'il est en prison. le livre est long, avec quelques répétitions, et un relâchement du style vers la fin.
Mais c'est un livre nécessaire. Qui fait réfléchir. Et qui manifeste que le combat pour l'égalité des sexes est et sera très dur et long.
L'appel du procès se tiendra cette année 2023.
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Les viols et les agressions sexuelles ont perduré pendant 30 ans autour de la Sambre, dans le Nord de la France et en Belgique. Un mode opératoire rodé, à l'aube, quand les ombres se glissent par derrière, de la violence et des menaces. Des cordelettes, une voix grave, une odeur d'usine. La peur. L'homme récidive d'une commune à l'autre ; elles sont majeures ou mineures, ces femmes qu'il étrangle sans tuer, qu'il contraint, qu'il brise. Il faut dire qu'il est impuni dans ce monde où l'on ne croit pas les femmes, où l'on minimise leurs vécus, où l'on doute même de la véracité de leurs plaintes. Que faisaient-elles là ? Et puis, pourquoi ne se sont-elles pas défendues ? On épluche leur existence, on s'interroge sur la légitimité de leurs dépositions. L'agression devient un attentat à la pudeur, le viol une banale violence de quartier. Les années filent sans que l'homme soit inquiété, sans que la police ou la gendarmerie ne s'affole. Il y a pourtant des hommes et des femmes sensibles aux faits, des agents qui tenteront d'agir : des coups d'épée dans l'eau, des paperasses qui s'entassent, le silence. le coupable finira néanmoins par être pris, ses victimes seront enfin reconnues.

Saisissante immersion dans un dossier aux multiples défaillances, cette enquête fouillée et passionnante révèle les manquements d'un système qui a permis à un homme d'agresser et de violer de nombreuses femmes pendant 30 ans. Alice Géraud s'intéresse aux victimes et aux lourdes conséquences sur leur vie brisée. Elle leur donne enfin la parole.

Une lecture glaçante.
Lien : https://aufildeslivresbloget..
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critiques presse (2)
LaCroix
20 mars 2023
Dans un livre-enquête remarquable, Alice Géraud raconte les manquements des institutions judiciaires et policières qui n’ont pas réussi à empêcher le violeur en série Dino Scala de s’attaquer à plus d’une cinquantaine de femmes pendant trente ans.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Bibliobs
16 janvier 2023
La puissance de « Sambre » tient dans l’approche retenue par Alice Géraud : raconter, derrière l’enquête tentaculaire qui aboutit, le 26 février 2018, à l’arrestation de Dino Scala, les errements, parfois le naufrage, des institutions policières et judiciaires.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Lorsqu'elle retourne enfin au lycée en janvier 2003, l'adolescente est une autre. Elle ne veut plus sortir aux récrés, demande à rester enfermée dans une salle. Désormais, elle a peur de tout. Elle est obsédée par le faits divers à la télé. Dort avec la lumière et la télé allumées 24 h sur 24. Elle change de look. Ne met plus que des joggings informes. Se coupe les cheveux. Les teint. Ne se maquille plus. Et commence à grossir. Au lycée, cette année-là, elle décroche. Lorsqu'elle est chez elle, elle pleure toute la nuit, un de ses frères dormira au pied de son lit durant des années.
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Ses mains restent accrochées au pupitre. Elle n'en a pas terminé. Elle veut s'adresse à la cour, dénoncer la manière dont sont traitées les victimes. Le président acquiesce, il sait, les autres ont déjà beaucoup raconté qu'elles n'avaient souvent pas été bien reçues dans les commissariats. Emilie l'interrompt. Non, pas seulement dans les commissariats. ici aussi, devant cette cour, en 2022? cela ne va pas. "Il faut que vous traitiez bien les victimes. Que vous soyez bienveillants". Le président plisse des yeux étonnés derrière ses lunettes cerclées. "Vous ne nous trouvez pas bienveillants ?". Emilie le regarde. Elle dessine doucement un non de la tête. Elle explique que le jour où la première victime est venue témoigner, la vieille dame à la canne sortie en pleurs, elle aussi a dû quitter la salle.

Il y a un "après" le témoignage d'Emilie. Pour tout le monde. Pour la cour. Pour les parties. Pour les victimes surtout. Elle a donné de la force à celles qui n'en avaient pas, ou plus. Emilie n'avait pas prévu de rester au procès, mais elle posera des congés et reviendra dans cette salle d'audience les autres jours. Elle accompagnera celles qui sont à bout. Petit à petit, une forme de solidarité se tisse entre les victimes, et ce qui ressemble à de la sororité. Elles se soutiennent. S'encouragent. Se comprennent. A elles toutes, elles viennent raconter une histoire plus grande que la leur. Celle d'une société et de ses institutions dysfonctionnelles face aux violences sexuelles. Ce sont elles qui maintenant tiennent l'audience.
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« Aucune trace d’enquête n’a été retrouvée. Aucune analyse biologique n’a été ordonnée. Aucun rapprochement ne semble avoir été fait avec un autre viol commis au même endroit quatre ans plus tôt, avec le même mode opératoire (dont le bâillon de tissu enfoncé dans la bouche, comme dans plusieurs cas) sur une adolescente que l’on avait préféré ne pas croire. Pas de rapprochement non plus avec l’agression, beaucoup plus récente, d’une lycéenne l’année précédente, là encore quasiment au même « endroit, à la même heure. Un même policier du commissariat de Jeumont s’est pourtant occupé des trois affaires. 
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En ce début des années 2000, douze ans après la première série d'agressions à Maubeuge, la délinquance sexuelle est encore largement dans l'angle mort du récit médiatique. Sans que l'on sache qui de la source ou de la plume choisit de taire ces faits, ni d'ailleurs pour quelles raisons. Une pudibonderie qui se refuserait à la description d'actes sexuels ? Un mépris pour des faits estimés peu importants ? Ou simplement du déni ? La délinquance sexuelle est aussi dans l'angle mort du discours politique ; elle ne fait pas débat public. Il y a cette phrase qui revient toujours et qui hante Annick Mattighello : "Il n'y a pas mort d'homme". Entre eux, les élus n'en parlent pas. Pour les agressions en série de la Sambre, des autres couches de censure viennent se superposer à celles-ci, de la part des autorités cette fois-ci : le souci de ne pas troubler l'ordre public et celui de ne pas gêner l'enquête en révélant des éléments qui pourraient pousser le violeur à adapter son comportement et sa stratégie. Celui, enfin, de ne pas donner une mauvaise image de la région. Un raisonnement incompréhensible pour Annick Mattighello au regard du risque encouru pour ses administrées.
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Annick Mattighello est la première à appréhender cette série d'agressions et de viols sous un angle préventif. A penser qu'il faut communiquer. A introduire l'idée de protection des victimes potentielles, et à prendre des mesures concrètes pour cette protection. A tenir compte, aussi, de l'ampleur de la déflagration psychologique chez les victimes. Sa démarche est avec le recul d'une troublante modernité. Mais à ce moment-là, elle est jugée totalement incongrue par toutes les autres autorités qu'elle : la police, la justice, les autres élus...
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Vidéo de Alice Géraud
Une femme marche sur le bord de la route. le jour n'est pas encore levé, l'air est glacial. Un homme surgit derrière elle. Il porte un bonnet noir... Durant trente ans, dans la Sambre, une petite région industrielle du Nord de la France, des dizaines et des dizaines de femmes sont agressées sexuellement ou violées au petit matin. Elles portent plainte, parfois à quelques jours d'intervalles. Elles ne sont pas toujours crues.
Un jour de février 2018, ces femmes apprennent l'arrestation d'un homme surnommé "le violeur de la Sambre" . Comment a-t-il pu commettre autant de crimes aussi longtemps sur un si petit territoire sans jamais être inquiété ? C'est par cette question qu'Alice Géraud débute son enquête. La journaliste s'est plongée dans ces dizaines de plaintes abandonnées dans les commissariats de la Sambre. Elle est allée à la rencontre de ces femmes, ces oubliées dont la vie s'est brisée un matin sur le bord d'une route.
À retrouver sur la librairie en ligne de la Griffe Noire : - Sambre, radioscopie d'un fait divers, de Alice Giraud aux Éditions Jean-Claude Lattés. https://lagriffenoire.com/sambre-radioscopie-d-un-fait-divers.html
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