C'est une chaude soirée. Très chaude et ils sont là à boire. Pour elle, c'est la plus belle soirée de sa vie, bien qu'elle ne fasse pas partie du groupe, même s'ils lui ont donné de la bière.
Avant la fin de la nuit, elle en est à les haïr avec une telle force qu'elle sait que la seule chose qui lui reste à faire, c'est de les tuer !
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Bella Block est la seule femme à occuper une place de choix au sein de sa brigade criminelle.
Elle a parfois tendance à user et abuser de la vodka, ce qui n'est pas sans conséquence, les lendemains, pour sa tête, martelée par de microscopiques nains de jardin. [Si vous rencontrez dans les romans des policiers, enquêteurs, détectives privés qui ne sont pas accros à l'alcool (+ tabac), faites-moi signe.]
Elle a la cinquantaine. Elle mesure un mètre septante-cinq. Elle paraît un peu ronde. Elle est divorcée, n'a pas de mômes (elle n'avait pas envie de s'embêter avec ça) et elle a une liaison de temps à autres, mais elle s'en lasse très vite.
Ses collègues masculins ne l'apprécient pas. Elle est intelligente, ok, mais même pas foutue de rire de leurs blagues de mauvais goût.
Voilà six ans, elle a hérité de la maison de Roosbach. Une ruine qu'elle a failli refuser, mais une inscription a tout changé. L'ayant retapée avec ses divers amants, elle apprécie de s'y rendre. Or, son supérieur, Kohlau, qui ignore tout de cette maison, lui propose une affaire de lettre anonyme, parlant de meurtres déguisés en suicides, qui se déroule justement là-bas. Parfait pour Bella Block ! Quelques jours de congé sous couvert d'une mission, que demander de mieux ?
Critique :
Cela change de voir une femme diriger une enquête dans un univers essentiellement peuplé de machos qui sous-estiment les femmes. Elle est féminine et (très) indépendante.
Nous la suivons dans une Allemagne proche du rideau de fer (le mur de Berlin n'est pas encore tombé). Un univers de paysans, qui pue le lisier de porc, où tout le monde se connaît et où les femmes se doivent de rester à leur place. Les portraits que dresse
Doris Gercke ne rendent guère les protagonistes agréables car elle met en évidence leurs défauts. A commencer par l'enquêtrice dont elle dresse un portrait sans concession.
Le roman est court et se lit en quelques heures. Quelques heures d'immersion dans la vie morne et pleine de labeur de ces paysans et paysannes qui se tuent à la tâche et noient le vide intersidéral de leurs existences dans la bière et le schnaps.
L'enquête est davantage un prétexte pour dénoncer la condition de ces femmes qui vivent dans ces campagnes où elles n'ont pas à mettre les pieds à l'auberge et où les fêtes de village les voient assises sur des bancs en spectatrices pendant que les hommes et les enfants s'amusent.
Ce livre me fait revenir en mémoire ce que j'ai vécu en Allemagne en 1986 lors de manoeuvres de l'OTAN et où il m'est arrivé de m'arrêter dans des auberges de petits coins paumés pour boire et manger. Dans ces lieux, les seules femmes aperçues étaient celles qui faisaient le service. Les clients étaient tous des hommes !
Petit bémol : les poèmes qui débutent chaque chapitre ont peut-être quelque intérêt en allemand, mais en français, ils sont superflus pour ne pas dire ridicules... Traduire de la poésie est un vrai cauchemar !