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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La Pleurante des rues de Prague, c'est une silhouette claudicante qui apparait furtivement au hasard d'une rue, le long d'une usine désaffectée ou derrière un réverbère mais jamais là où on pourrait l'attendre. D'elle, on ne sait rien. Juste une grande femme à l'allure étrange et imposante, à l'apparence indéterminée, revêtue de loques immondes, de hardes informes comme pour mieux se dissimuler aux regards environnants.

« Car ce n'était pas elle, non, pas elle seule qui geignait et pleurait de la sorte. C'était la ville entière, la ville et ses faubourgs, et au-delà encore. C'était la terre, des vivants et des morts. »

La Pleurante des rues de Prague, elle apparait subrepticement comme une brise, comme un souffle, comme un râle. Elle transporte avec elle la douleur, la peur, les cris, la souffrance de ces femmes et de ses hommes, de toutes ces petites gens qui ont souffert sur l'autel de l'Histoire. Elle est la somme de toutes les peurs, la somme de toutes les douleurs, de toutes ces terreurs inexprimées.

« Les amants délaissés rasaient les murs, le front baissé, les lèvres closes, bleuies de froid. Nul ne les remarquait, - on est si fade quand on chute au profond du malheur qu'on en devient insignifiant. »

La Pleurante des rues de Prague, ce sont douze apparitions, douze évocations fantomatiques, comme douze heures qui défilent sur le cadran d'une vielle horloge, comme douze mois qui s'égrènent sur un vieil almanach.

La Pleurante des rues de Prague, elle surgit de l'encre de la plume de l'auteur, se faufile en les mots, se glisse entre les pages, s'insinue en vous, elle vous hante.

« C'est du livre, qu'elle est sortie, tout simplement. Ni de la ville ni du visible, mais du livre. Elle y est pourtant si peu entrée dans le livre, elle y a si peu séjourné. Quelques visites, quelques images. Visites brèves, images inachevées. »

La Pleurante des rues de Prague, c'est du lyrisme et de la poésie au service d'une lecture envoutante, une expérience de lecture unique, un voyage, un songe au coeur du vieux Prague, « Praha »…

Il faut lire Sylvie Germain.

Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Une grande créature quasi surnaturelle déambule,mais pas de façon permanente dans les rues de Prague. Elle est géante, à cause de l'ombre qu'elle projette ? géante, en rapport avec les monts des géants qui entourent la ville ?
Elle est aussi surnommée la pleurante mais ce n'est pas elle qui pleure, c'est la ville qui a connu tant de malheurs.
Un des passages, les plus marquants est la description en plusieurs parties de l'accoutrement de la dame : ses vêtements de pauvresse, son boitillement assez prononcé, sa marche glissante, l'absence de couleurs.
Elle n'est à aucun moment effrayante mais répand une atmosphère envoûtante.
Elle apparaît à douze reprises dans des lieux tous différents.
L'écriture est présentée sous forme de prose mais tellement poétique et onirique.
De nombreux lecteurs ont affirmé qu'il fallait connaître la ville pour apprécier le livre. Sans doute. Je ne connais pas Prague mais bien son Histoire, surtout au moment du bloc de l'est et du printemps de Prague.
Le mot " encre" revient tellement qu'on finit par comprendre que le personnage est sorti du livre.
Quand je l'ai lu pour la première fois, allez savoir ce qui m'est passé en tête, j'ai eu l'impression que j'étais dans les rues avec "Le bon gros géant" de Roald Dahl mais rien que le début car les livres ont pris chacun leur chemin.
Sylvie Germain a écrit le livre en 1992.
Je le garde avec "La chanson des mal aimants"
Un passage sera lu lors de la finale de lecture à voix haute de la grande librairie le 17 juin. Je le garde bien en vue pour ce jour-là.
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Pèlerin, toi qui déambules dans les rues de Prague, prête l'attention... Ouvre les yeux, ceux de ton visage et ceux de ton âme, écoute, fais silence.
Il est des choses qui bruissent et qu'on entend à peine et des choses qui sont à la marge du visible, du perceptible...

Les pages de ce livre pavent les rues de Prague, les pages de ce livre crissent doucement sous les pas d'une créature surgie de l'invisible et des tréfonds de l'humanité. Peut-être, croiseras-tu cette femme en haillons, surgissant de l'ombre, celle qui est transparente, celle qui se devine, présence évanescente, un jour là, un jour ici, comme le soudain.

Ne cherche pas à apercevoir son visage, elle n'en a pas ou plutôt si, elle en a un, elle en a dix, elle en a cent, elle en a des milliers : visages de ceux qu'on a affamés, de ceux qu'on a chassés, pourchassés, de ceux qu'on a persécutés, ceux que l'on a assassinés.
Elle a les yeux de ceux qui n'ont plus de pain, de ceux qui grelottent, de ceux qui vivent leur dernier souffle.
Elle est chagrin, elle verse les larmes de tous les affligés, les larmes de ceux qui souffrent à leurs côtés, les larmes de ceux qui pleurent en évoquant leur souvenir. Elle porte les larmes de tous les chagrins, se voulant douceur pour apaiser, se voulant protectrice pour accompagner celui qui quitte la vie.

Elle est morceau du temps, instant fugace, fulgurance comme une évocation incarnée.
Elle fait faire souvenance, de celui qui a été, de celui qui n'est plus.

Elle est souffrance pour endurer avec - compassion-, incarnation unique et multipliée de ceux qui souffrent, conscience, elle est aussi l'image de la laideur des hommes, reflets de leurs actes sans humanité, elle est pitié.


En douze stations, chiffre symbolique des douze mois de l'année répétant les saisons, les rigueurs du temps, ou des douze stations du chemin de croix jusqu'à la mort du Christ, tu vas la croiser, la rencontrer fortuitement dans autant de quartiers ou de lieux eux aussi symboliques de Prague, elle s'incarne en mémoire d'êtres victimes ou souffrants.

Se révélant à toi, elle est l'incarnation de ce qui est : elle donne la clairvoyance, elle devient tout, elle change ton regard et tu possèdes le don de regarder pleinement, de prendre conscience, d'embrasser l'humanité, hommes et créatures, nature et ciel étoilé, de souffrir avec ceux qu'on tue, ceux que la solitude anéantit, ceux à qui on a refusé la dignité depuis longtemps.

Qui est-elle : chacun la nommera selon ses croyances, selon ses attentes, selon son âme : elle est début et fin, elle est tout et détails elle est une et multiple.
Elle sera femme ou corbeau, goutte de pluie ou morceau de pain, qu'importe, elle porte le souvenir, elle est mémoire. Elle suggère, elle crée l'évocation.


Qu'importe le lieu, Prague symbolise la souffrance, qui murmure Terezin, qui murmure l'indicible, pour que tu n'oublies pas.
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Ce livre ne me quitte pas. Je l'ai lu et relu et c'est à chaque fois une redécouverte et un bouleversement. Il est magique comme la ville qui lui sert d'écrin.
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La Pleurante, c'est une silhouette immense, sans visage, tout entière enveloppée d'une cape qui lui tombe jusqu'aux pieds, qui bruisse et murmure quand la Pleurante marche dans les rues de Prague. C'est une silhouette d'ombre qui apparaît pour se dissimuler, mais dont la présence remplit l'espace. C'est une silhouette de mémoire et de douleur.
Notre mémoire, nos douleurs, individuelles ou universelles, que nous laissent les disparus que nous avons aimés, ceux, inconnus identifiés, dont on a appris la fin violente, ou ceux, anonymes par millions, dont nous ne savons que le destin fatal, tragique trop souvent.

La Pleurante, c'est une apparition fantomatique et éphémère, dans les rues de Prague ; elle s'impose à la perception de la narratrice, et installe dans son présent les visages ou les noms de certains de ces morts. Ces disparus sont alors évoqués avec la délicatesse bouleversante que la Pleurante diffuse autour d'elle.

Méditation, prière, je crois que certains ont dit « kaddish ». Je dirais aussi « de profundis » dans son premier verset : un cri sourd, retenu, modulé, qui remémore le nombre infini d'existences trop souvent à la peine, anéanties dans des morts trop souvent douloureuses, depuis que le monde est monde.

Ce texte est d'une douceur déchirante, écrite dans une langue magique, musique autant que verbe.

La seule réticence que ce livre a fait naître en la mécréante que je suis, est l'apparition de Dieu dans les dernières pages. Apparition qui ne m'a ni convaincue ni convertie et qui, à mon sens, n'apporte rien de plus à l'objet et à la beauté de ce texte extraordinaire. Mais mon peu de foi ne me fait sans doute pas bon juge...
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Cette pleurante décrite avec poésie à l'aide d'une belle écriture cristallise une somme de souffrances qui toucha de près ou de loin la ville de Prague ou ses proches voisines . Il y a bien sur toutes les victimes du camp nazi de Terezin , Milena Jesenska et tant d'autres .

Cette ville , du moins sa partie ancienne est souvent touchante de beauté mais les traces des horreurs qu'y subirent les juifs durant l'occupation nazie ne s'y sont pas effacées totalement .

Comme si cela ne suffisait pas , la " dictature du prolétariat " ne fut pas tendre non plus et brisa douloureusement l'expression du talent de quelques poètes , écrivains , et de bien des intellectuels plus friands de libertés que de domination russe .

Avoir sillonné cette jolie ville , eu le plaisir de goûter à l'humour de Karel Capek ou de Bohumir Hrabal , apprécié les bières locales , pris conscience de la douceur de vivre des praguois , ne peut faire oublier le passé de la république tchèque , ni rassurer quant à ce que le capitalisme et le tourisme de masse lui infligent déjà .
Profitez , à travers la lecture de ce petit livre de poétiquement déambuler dans cette nostalgie des bonheurs passés si cruellement mordus par quelques ignominies à demi effacées .
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Alors comment dire sans paraître excessif ? Allez au diable l'excès Sylvie Germain est devenue ma romancière française préférée avec Boris Vian. Ce n'est certes pas le même style mais ils ont deux points en commun selon moi : l'amour de la langue française, et le génie de raconter une histoire.
En fait Sylvie Germain nous narre des photographies, des instants poétiques où se mêlent le lyrisme et mysticisme d'un côté et histoire et psychologie de l'autre.
Grâce à son talent, son écriture met davantage en exergue la beauté des paysages et des situations que si nous en étions directement spectateurs. C'est exceptionnel chez un écrivain de parvenir à nous faire souhaiter d'être loin d'une scène décrite pour en comprendre toute la beauté. Nous suivons donc les manifestations de la Géante sorte d'alter égo du Golem de Prague qui s'oppose à lui par La réception de toutes les émotions de la ville mais également parce qu'elle incarne le monde tchèque dans toute sa complexité au contraire du Golem créature sans poésie ni sentiments. La Géante est une allégorie de la souffrance qui passe et qui revient. Nous ne pouvons la lier qu'au réel personnage principal, la ville, Prague dont je suis éperdument amoureux et donc extrêmement exigeant lorsqu'il s'agit de la conter. Merci donc Madame Germain j'ai revu les places, les trottoirs, les pavés, les bâtiments, l'atmosphère, les émotions, j'ai tout revu grâce à vous sans pouvoir voyager autrement que par vos lignes. En un instant j'étais à nouveau chez moi et cela fait beaucoup de bien.

Je reviens sur la qualité de l'écriture qui est remarquable avec un vocabulaire riche mais pas précieux, une construction de phrases musicales mais pas académique, et une construction narrative rigoureuse mais pas rigide. Que de chaleur dans ce semblant d'austérité qui finalement ne trompe pas. C'est un livre français qui pourrait très bien être écrit par un tchèque et c'est bien là le plus bel éloge que l'on puisse faire à Sylvie Germain. Car s'aventurer dans Prague est un exercice périlleux pour n'importe quel écrivain étranger.
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« Et le livre qui suit, n'étant composé que des traces de ses pas, s'en va lui aussi au hasard. » (p. 17) La narratrice évoque une femme, une boiteuse qui apparaît parfois dans les rues de Prague. « Mais comment rédiger une chronique des déambulations d'une inconnue qui ne surgit que par intermittence dans l'espace du visible ? » (p. 18) Cette inconnue sans visage, aux sanglots infinis, convoque la présence d'autres souffrants, disparus ou perdus. La Pleurante des rues de Prague est une passeuse de douleurs et de souvenirs. « Ce sont les larmes d'inconsolés qui bruissent dans le grand corps immatériel de la pleurante des rues de Prague, et ces inconsolés sont aussi bien des vivants que des morts. » (p. 39) En suivant cette boiteuse qui porte sur elle et en elle toutes les peines du monde, on découvre un itinéraire secret de la ville tchèque et on est précipité dans une Europe sur laquelle sont retombées les cendres de trop nombreuses étoiles jaunes.

Ce récit, compilation des apparitions de cette géante claudicante, touche à la mystique et à la métaphysique. Il a des allures de contes, tant dans l'apparence que dans la progression. La Pleurante est une allégorie de la douleur et de la pitié. « Elle n'était pas née d'une femme, mais de la douleur de tous et de toutes. » (p. 34) En essayant de saisir la silhouette de la Pleurante, l'auteure montre un corps incertain fait de mémoire. « Elle n'est cependant nullement un fantôme, une fossilisation du passé. Elle n'est pas davantage une prophétesse. Elle n'annonce rien. Elle est la peau du temps ; du temps qui passe et glisse et disparaît […]. Elle est la peau du temps, du temps des hommes. […] La peau du coeur humain. » (p. 60) Sylvie Germain tisse délicatement une réflexion sur les absents et les disparus et sur le gouffre qu'ils laissent en ceux qui restent, rappelant que l'humain n'est qu'incertitude et fugacité.

La Pleurante des rues de Prague est à mettre en regard de l'essai de cette auteure, Mourir un peu. Ces deux textes sont saisissants de beauté, étourdissants de sublime.

Lisez les romans de Sylvie Germain, je vous promets de belles heures et des éblouissements.
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Une géante, sans nom, sans âge, claudiquant fortement, apparaît quelques fois dans les rues de Prague. Qui est-elle ? Quel est ce murmure d'eau qui sourd en elle ?

C'est la mémoire de la ville, je dirais même sa conscience, c'est l'histoire de cette dernière, mais pas la grande, celle des petites gens, des petits riens, des souffrances anonymes.

"Comment ne boiterait-elle pas, la géante, quand il lui faut porter dans les plis de ses hardes tant et tant de corps disparus, d'hommes et de femmes naufragés, d'enfants aux pieds nus, aux yeux hallucinés, siècles après siècles. (...)

Comment pourrait-elle avoir un visage qui lui soit propre, et même un corps de chair et d'os, quand sa face n'est faite que de l'effacement de milliards de visages et que son corps n'est fait que des sueurs et des larmes des morts et de tous les vivants".


Mais cette silhouette a aussi le don de réveiller en celui qui la croise subrepticement ses propres souvenirs, ses propres souffrances, une séparation, la mort d'un père...

Sylvie Germain a vécu à Prague de 1986 à 1993. Elle traduit dans ce livre un sentiment que j'ai connu aussi, celui du regard neuf qu'une étrangère pose sur le quotidien d'une ville qu'elle découvre, sur tous ces petits riens qui attirent son attention parce qu'ils sont juste un peu différents de ceux qui faisaient sa vie dans la ville où elle a vécu jusque là.

Mais ce qui m'a le plus frappée, c'est la délicatesse de la langue de cette auteure. La capacité qu'elle a d'évoquer en peu de mots, mais en mots justes et nécessaires, la brume, le froid, la grisaille rosée d'un hiver à Prague. Son écriture est comme de la dentelle, elle laisse voir en son travers un univers aussi bien réel que rêvé.

Lien : http://meslecturesintantanee..
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Un énorme coup de coeur que ce livre. Je l'ai lu par hasard parce que je souhaitais l'envoyer dans le cadre d'une tombola thématique et je me suis pris une véritable claque.

Il y a des lectures que l'on fait au "bon" moment, ce livre en est assurément un. J'ai perdu mon père il y a quelques mois et cela m'a entraîné dans une période de deuil compliqué, la lecture de ce livre est une belle mise en abîme de ce que je peux traverser ou ressentir. J'ai vraiment bien aimé le style, la poésie, l'impalpable présent à chaque page. L'auteur nous dévoile l'invisible par touches, les métaphores sont au service de l'écriture, de cette relation si particulière avec la "géante".

Une très belle découverte, assurément un de mes grands coups de coeur de l'année.
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