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Critique de Biblioroz


L'Ouverture de ce roman nous prévient que cet écrit ne répond à aucun ordre, aucune linéarité, qu'il est constitué de fragments de vie d'un homme amputé d'une partie de sa mémoire, de son identité. Pour compléter le chaos mémoriel de son parcours, des échos en accord avec celui-ci, des bribes de poèmes, des citations d'auteurs, des biographies succinctes…font résonner son histoire au coeur même du lecteur. Cette prouesse littéraire offre une infinité d'images, d'écoutes, de regards entièrement tournés vers Magnus, la peluche ou l'homme, peu importe.

Les tout premiers fragments nous présentent un petit garçon amnésique de tous souvenirs suite à une fièvre favorablement escamoteuse des premières années de sa vie.
Thea Dunkeltal, la mère, lui susurre un passé familial glorieux avec deux oncles fervents défenseurs du Reich, tombés héroïquement à la guerre. le prénom qu'il porte alors, Franz-Georg lui vient tout droit de leur sacrifice à la patrie.
Á la surprise du petit garçon, son ours Magnus ne joue cependant aucun rôle dans la légende familiale. Pourtant, sa légère odeur de roussi et l'une de ses oreilles en cuir meurtrie par une brûlure attestent sans aucun doute de sa participation à un évènement de feu, mais lequel ?
L'enfant est rêveur et la force et la tendresse qu'il peut transmettre en paroles sont pour l'oreille blessée de Magnus.
Le père, Clémens Dunkeltal. Médecin affairé dans un lieu d'où aucun patient ne ressort. L'enfant aimerait lui plaire, le craint et admire sa voix de baryton basse lors des soirées musicales. Ces chants le transportent, voluptueusement.

L'Histoire amène la défaite, la fuite, les changements d'identité pour ne pas être attrapé par la condamnation des actes. Seul l'ours garde son nom. Aucune explication n'est donnée à l'enfant qui se nourrit d'incompréhensions de ce monde d'adultes.

Sylvie Germain, avec la puissance des mots employés, leur agencement, sa façon de les choisir et de les enchaîner, réussit à en extraire la brutalité des évènements, le flottement nébuleux de l'enfant dans une bulle d'ignorance, à la lisière du réel. Puis, une fois le voile dissipé, la monstruosité, l'inconcevable, l'hideuse vérité qui se fait jour nous étreignent en même temps que celui qui les découvre et les vit.

Ce roman, à chaque fragment, à chaque notule et autres échos, éclate comme les éclairs flamboyants qui parfois transpercent l'homme, ces couleurs intenses qui sont peut-être tapies dans sa mémoire défaillante. Cette lutte vers une identité spoliée est terriblement forte, la brume reste tenace quel que soit le lieu de recherche d'un apaisement. Dommage que l'ourson ne puisse révéler les années masquées, même en s'appropriant son nom la lumière ne perce pas.
S'éloignant de brefs instants des contraintes de la réalité, quelques dérives oniriques ne donnent que plus de forces à tout ce qui ressort intensément de ce parcours si profondément touchant.
L'émotion que procure cette lecture est indéfinissable, mais c'est une lecture retentissante et indubitablement marquante. J'aimerais savoir utiliser les mots avec le talent de Sylvie Germain pour la définir mais l'exercice s'avère impossible.
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