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EAN : 9782908958997
89 pages
Flohic (30/11/-1)
4/5   5 notes
Résumé :
"Un reflet murmure que le visible est toujours ourlé d'absence, d'échos insoupçonnés, de mouvantes lueurs qu'il est creusé, hanté de profonds lointains." Les tableaux de Vermees multiplier, les reflets dans le silence, un jeu muet de lumière et d'ombre qui fascine Sylvie Germain.

Ce dialogue avec l'invisible sur - la voie si ardue qui conduit à l'absolu de la lumière, avec la beauté particulière de l'écriture de Sylvie Germain, devient une suite de m... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
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Le 21 août dernier, j'ai critiqué le catalogue de la grande exposition consacrée au peintre Johannes Vermeer qui se tint en 1996 au musée du Mauritshuis à La Haye. Elle rassemblait la presque totalité des oeuvres peu nombreuses de l'artiste : 23 sur environ 35 connues. Je vous ai fait parcourir en ma compagnie, pas à pas, les petites salles et me suis arrêté devant chacune des toiles pour mieux vous les faire connaître.

Il se trouve que je viens de tomber sur une friandise littéraire, ces petits bonbons que l'on suçait autrefois, patiemment, avec délice, dans les salles de cinéma. Je possédais depuis longtemps le livre de Sylvie Germain qui se planquait dans ma bibliothèque. Comment l'avais-je oublié ? En le feuilletant, j'ai cru me retrouver une deuxième fois au Mauritshuis. L'auteure parlait des mêmes toiles du peintre. Avec d'autres mots. Je lisais un long poème qui distillait des fragments de vision de cette peinture trop limpide, fascinante, du « Maître de Delft »…

Un épais rideau s'ouvre sur « L'atelier du peintre ». Vermeer, assis sur un tabouret, est en train de peindre :
« Il est le maître des couleurs et dicte à chacune son rôle dans le grand jeu du visible pour mieux en révéler la mission au sein de la dramaturgie de l'invisible. »

Le peintre nous conduit à son modèle Clio, la muse de l'histoire, qui pose devant lui, le front ceint d'une couronne de laurier :
« Malgré sa position en recul, le modèle occupe en fait une place essentielle ; tout en effet conduit l'attention vers la jeune fille : la lumière qui la nimbe, la lourde oblique du rideau, la direction devinée du regard du peintre. (…) Clio est une chaste fiancée qui attend que le peintre l'unisse à la splendeur du visible, qu'il lui révèle le secret de la lumière, qu'il l'intronise épouse de l'invisible. Car c'est lui seul, le peintre, qui préside ici à la cérémonie des noces entre la poésie et la peinture, entre le chant et la lumière, entre la beauté et les couleurs. »

Puis, Clio pénètre dans une pièce où une « Liseuse » est penchée sur une lettre devant les carreaux plombés de la fenêtre ouverte qui l'éclaire :
« Et si la lettre (…) n'en était pas une ? S'il s'agissait d'une page arrachée au livre à couverture safran que tient Clio au creux de son bras satiné d'azur et de brume lunaire ? »

Une autre liseuse « La jeune femme en bleu » est installée devant une carte géographique :
« Son ventre porte un enfant, un nouvel être, un inconnu. Son ventre recèle la force du dehors dans le dedans le plus clos de sa chair, il abrite un étranger dans son intimité. »

Les nombreuses femmes de Vermeer sont transfigurées, seules, méditatives:
« Les doigts égrènent, des notes, des mots, des fleurs de dentelle, des gouttes de lait, des perles. Des doigts d'orantes qui caressent des rosaires de lumière. » ; « Leurs corps sont des fléaux d'invisibles balances où se pèsent le grain de la lumière ; leurs visages sont des masques de claire résonance où tinte une parole à jamais à venir. »

Pendant ce temps, quelques hommes travaillent.
« L'Astronome » :
« Chez Vermeer c'est la clarté qui découpe les ombres, leur assigne leur place, et qui, lorsqu'elle monte à l'aigu, blanchit les couleurs et allègent les formes. »
Un « Géographe » est penché sur une carte :
« Et l'on songe cette fois à Spinoza, compatriote et exact contemporain de Vermeer. (…) Spinoza, le solitaire polisseur de verres d'optique, l'artisan-philosophe dont la vision du monde et l'oeuvre qui en émane font écho à celle de Vermeer ; un écho de cristal, sec, net et limpide. »

« La jeune femme assoupie » somnole sur un rebord de table :
« Elle dort la lumière. Il ne faut pas la réveiller. Ses yeux seraient insoutenables de Beauté.
»
Vers la fin du livre, Marcel Proust intervient. Dans son roman « La Prisonnière » il envoie Bergotte aller admirer à une exposition « La Vue de Delft » :
« Pris d'étourdissements, il fixe son regard sur un détail du tableau. Il se répétait : « Petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune. »
Une indigestion, le jaune l'éblouit tellement. Il s'écroule sur un canapé et meurt.

Cette « Vue de Delft », baignée dans une lumière dorée, termine le parcourt poétique :
« La Vue de Delft est un voyage dans l'immensité close au coeur de l'apparence, une lente dérive dans les remous de l'immobilité, un embarquement de l'instant pour l'absolu et pour l'éternité. »

Il existe une troublante relation entre la peinture et l'écriture, deux arts s'influençant mutuellement. Sylvie Germain en fait une éclatante démonstration poétique dans ce livre succulent qui ne parle plus de peinture mais d'art : pureté… apparence… beauté… vie…

« Toutes l'oeuvre de Vermeer est un arrêt au bord de l'extrême du visible, de la lumière et des couleurs ; à la lisière de l'invisible et de la nuit. »

Je ne vous dirai pas si j'ai aimé ce livre. Vous l'aurez facilement compris.



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Ce livre a plus de dix ans mais je le garde précieusement car Sylvie Germain fait ici une très belle évocation de l'univers de Vermeer - elle voulait étudier les beaux-arts, mais elle a choisi la philosophie, qu'elle a enseigné, et elle est devenue le grand écrivain que l'on connait.
Il est à noter combien l'analyse philosophique contribue à affiner le regard sur la peinture et les arts du visible.
J'ai pris ici le parallèle qu'elle fait entre Vermeer et Spinoza cet impie qui osa dépouiller l'idée de Dieu de toute image trop humaine et de toute enluminure surnaturelle.
Je ne peux pas citer tout son livre mais j'en ai également repris un extrait de pour mon livre « le Goût du Bleu », le bleu de Delt, le bleu de Vermeer est particulièrement célèbre « un emboitement de l'ailleurs dans l'ici, une inclusion de l'infini dans le fini » .écrit Sylvie Germain qui sait voir et faire voir l'invisible, en philosophe.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
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Lumière, tintement cristallin du vide contre les vitres, éblouissement des fronts tournés vers ce dehors tout bruissant d’or et d’infini, - la même scène se répète de toile en toile. Les joueuses de guitare, de virginale ou d’épinette lèvent pareillement leurs placides visages vers la clarté qui les invite à l’attention, à la patience, au songe. La lumière en silence meut les âmes des femmes en un doux tournoiement, comme l’amour meut les cœurs en un très tendre flamboiement. Et leurs doigts blanchoyants égrènent avec plus de justesse, plus de pureté, les notes frêles et aiguës.
Les doigts égrènent, des notes, des mots, des fleurs de dentelle, des gouttes de lait, des perles. Des doigts d’orantes qui caressent des rosaires de lumière.
Le femmes égrappent la patience, la longue soyeuse patience du jour, et elles soupèsent le poids de chaque grain, en évaluent la transparence.

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« Le Géographe » se penche sur une carte que blanchit la lumière. Tout comme « L’Astronome », il semble être avant tout un philosophe, un mathématicien. Et l’on songe cette fois à Spinoza, compatriote et exact contemporain de Vermeer. Spinoza le solitaire polisseur de verres d’optique, l’artisan philosophe dont la vision du monde et l’œuvre qui en émane font écho à celles de Vermeer.
L’un et l’autre sont chercheurs et haleurs de lumière ; l’un la puise dans le jour, dans la splendeur du rayonnement solaire et de ses impalpables vibrations sur l’eau, les nuages, le marbre, le bois laqué, le cuivre, le satin, le velours, la peau des visages des lèvres et des fruits, les nacres ; l’autre la puise dans l’esprit dans la splendeur du raisonnement et de la connaissance dispensatrice de joie - de la plus haute et vaste joie. L’un et l’autre contemplent le réel à la loupe.
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Les femmes pèsent, du bout des doigts, du bout de l’âme, l’impondérable poids du silence et de la translucidité. Elles sont des Vierges Sages qui font patience, qui font la pause au bord de l’inconnu et de l’inespéré. Toutes, fûssent-elles maîtresses, riches bourgeoises, caméristes ou simples filles de cuisine, elles se savent Servantes. Leur Seigneur est la lumière. Et elles attendent l’heure, imminente et cependant imprévisible, du retour de leur maître.
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Le peintre est vêtu de noir et de blanc, aval et amont de la gamme chromatique, non-couleurs qui étendent leurs horizons de ténèbres et d'invisible à chaque extrémité de l'admirable immensité des couleurs. Deux tâches éclatantes rompent cependant ce silence chromatique : les bas rouges dont le peintre est chaussé.
Le rouge, le feu, le cœur : cette équation était mise en relation avec le triangle dans le pythagorisme. Le peintre érigé en pyramide au centre du tableau détient le secret des couleurs, de leur aube à leur nuit, et celui de leur embrasement, de leurs vivaces pulsations. Il est le maître des couleurs et dicte à chacune son rôle dans le grand jeu du visible pour mieux en révéler la mission au sein de la dramaturgie de l'invisible.

A propos du tableau « l’Atelier » de Vermeer, 1665
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C'est dans cette église que Johannes Vermeer reçut le baptême un jour d'automne 1632. Il reçut également le don de la lumière, - l'amour et l'intelligence de la lumière montée des confins de la terre et de l'eau. (..) Le sommeil afflue avec lenteur dans le soleil de Delft. (p. 7)
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Vidéo de Sylvie Germain
Lecture de Sylvie Germain : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
Saison 5 : Jean Lancri, Gaëlle Obiégly, Sylvie Germain et Michel Simonot
Captation, montage et générique par Corinne Nadal
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Sylvie Germain

Née à Châteauroux en ?

1934
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