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Critique de Ode


Ode
09 février 2014
Si le mal de mer se soigne avec quelques comprimés, ce livre nous apprend que le mal de mère, lui, est incurable.

Dans "Petites scènes capitales", Sylvie Germain explore la quête d'identité de Lili, une fillette née après-guerre et « plaquée par sa mère à l'âge de onze mois ». Habituée à vivre seule avec son père, Lili est chamboulée par le remariage de celui-ci avec la belle Viviane, déjà flanquée de 4 enfants. Fuyant cette envahissante fratrie, elle aime passer du temps chez sa grand-mère paternelle, seule à lui procurer l'attention et la tendresse dont elle a besoin. La seule, surtout, à avoir conservé une photo de sa maman. Mais la famille va bientôt connaître toute une série de drames…

Bizarrement, je n'avais encore rien lu de Sylvie Germain, pourtant écrivaine prolixe et régulièrement primée. Dès les premières pages, j'ai été emportée par sa prose incandescente. L'histoire m'a fait penser au Confident, d'Hélène Grémillon, pour l'époque choisie et son questionnement sur les origines. le style, quant à lui, est plus proche du lyrisme de Carole Martinez, tout en restant unique et très musical. Ici, le refrain est emprunté à un très beau poème de Prévert : « Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais souriante Épanouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi Barbara… » Barbara, premier prénom de Lili selon l'état civil, est une des clés de cette histoire.

Les chapitres, courts et intenses, justifient le titre de petites scènes capitales ; ils s'enchaînent sans que l'on puisse s'arrêter, ou alors à regret, car la nuit est déjà bien avancée. Chacun a son importance pour reconstituer la vie Lili et des siens, à coup de souvenirs d'enfance, d'adolescence et d'instantanés de vie familiale. L'auteur cultive la sensation, le ressenti, l'émotion, et en même temps, grâce à une narration à la troisième personne, garde une distance qui lui permet d'analyser les événements. Et des événements, il y en a, plus tragiques les uns que les autres : la mort qui frappe à tous les âges, le handicap, la maladie… Certes, chaque famille a son lot de malheurs, mais chez les Bérégance, l'addition est particulièrement salée.

La quatrième de couverture et le début du livre laissaient entrevoir un mystère concernant la mère de Lili : « Car au fond, qu'est-ce qui lui prouve que sa mère est bien morte ? », se demande-t-elle. Or sur ce point, j'ai été déçue, car on en apprend bien peu. Plus tard, un lourd secret de famille nous sera effectivement révélé, mais pas du tout du côté où on l'attendait. Si bien que sa violence, ajoutée à tout ce qui précède, m'a paru presque hors sujet.

Malgré ce petit excès de pathos, j'ai été séduite par le style poétique de l'auteur, la richesse de son vocabulaire, la finesse de ses descriptions et ses réflexions sur le sens profond de la vie, l'amour, le temps qui passe et ce qu'il advient après la mort. «Faut-il que tout soit consommé, consumé, d'un vivant, pour que de l'invisible où il s'en est allé une lumière nouvelle, à la fois ténue et très pure, commence à sourdre, à s'épancher, bouleversant en secret le visible ? »

-- Livre lu dans le cadre du jury "Libraires en Seine" 2014 ; prix décerné à "Kinderzimmer" --
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