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EAN : 9791091365772
168 pages
Le Realgar (01/06/2019)
4.9/5   5 notes
Résumé :
Lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Il faut tout apprendre de la métropole pour les centaines de milliers de familles pied-noir rapatriées aux quatre coins de la France. Dans le travail mémoriel qui est celui de l’auteure, comment accorder ce monde d’hier à un quotidien ancré dans le présent, où la nostalgie n’a plus sa place ? Interrogeant avec obstination la destinée familiale, c’est aussi l’empreinte de l’Histoire, la transmission et la notion même de racin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Fille de rapatriés d'Algérie, Frédérique Germanaud est née en 1966, soit quatre années après l'exode de ses parents.
De cet exode, elle en a entendu parler durant son enfance et son adolescence jusqu'à en rejeter le récit.
Elle souffre, comme nombre d'enfants de rapatriés, de l'image négative des rapatriés d'Algérie dans l'opinion publique en France. Colons, exploiteurs, d'extrême droite...Le récit de leur exode, de leur supposé malheur et de leur perte ne supporte pas la comparaison avec d'autres exodes, d'autres malheurs, d'autres pertes, ceux des justes.
«Nés en Algérie, ils sont mon origine, mal aimée, mal comprise.» écrit-elle à la page 12.
Dans cette France qui les reçoit en pinçant le nez et en se bouchant les oreilles, «Ils sont devenus étrangers. Redevenus devrais-je écrire puisqu'ils l'étaient déjà il y a une poignée de générations, exilés d'Espagne, de France ou d'Italie.», poursuit-elle à la page 20.

Rarement il m'a été donné de lire des phrases aussi proches de ma propre expérience de l'exode des rapatriés d'Algérie, moi qui en suis un, parti d'Algérie avec mes parents à l'âge de 10 ans.

Frédérique Germanaud a compris que pour sortir de ce récit il fallait y entrer. C'est ce qu'elle fait dans son roman Dos au soleil.
Elle plonge dans le passé de ses parents, recueille tout ce qui se dit, s'écrit, se lit, se voit sur le départ d'Algérie. Elle retrouve le nom des bateaux de la CNT (El Djezaïr, El Mansour, Ville d'Alger, Ville d'Oran, Ville de Tunis, le Sidi Ferruch, le Kairouan...) elle lie le destin de ces passagers forçés à celui de navires qui finiront tous cobayes des essais nucléaires français ou dépecés dans différentes parties du globe.

Elle convoque mes fantômes, la machine à coudre de ma mère expédiée depuis le port d'Oran et jamais retrouvée, la Dauphine récupérée un mois après sa «disparition», la Ménagère de 48 pièces dont mon frère avait la charge, et les papiers des ancêtres regroupés dans un porte document marocain de cuir frappé.
Page 68 «Qui penserait à mettre dans sa valise les actes de décès de ses ancêtres ?»

Frédérique Germanaud interroge L Histoire lorsque L Histoire se refuse à témoigner pour ceux qui ne sont pas du bon côté.
Elle prend le contrepied de l'auteur de l'Algérie c'est beau comme l'Amérique qui pense de ses parents et grands-parents :
« Comment accepter, à cinquante ans, qu'on est passé du mauvais côté de l'Histoire ? Qu'on a construit sa vie sur une injustice de fond ? »

Elle refuse de faire le voyage à Oran, pour voir, préférant garder pour elle sa «réalité de l'Algérie (...) plus cohérente dans (ses) carnets que ce (qu'elle) pourrait en voir ou tenter d'en comprendre.»

Sa leçon, si leçon il y a, c'est que l'on ne refait pas l'histoire et que si l'on assume une part de son héritage, ce n'est pas pour autant qu'on le défend et qu'on y adhère.

J'ai retrouvé dans les mots de Frédérique Germanaud, la même émotion, la même intégrité la même humilité et les mêmes doutes que chez Alice Zeniter dans l'Art de perdre.

Je remercie les éditions Réalgar et Babelio de m'avoir adressé cet ouvrage lors de la dernière opération Masse Critique. Précisément celui que je voulais recevoir.
Lien : https://camalonga.wordpress...
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Dos au soleil commence abruptement par nous plonger dans une période peu évoquée de l'histoire française: le retour en France des réfugiés en provenance d'Algérie en 1962. Parmi eux, les grands parents, la mère et l'oncle de Frédérique Germanaud.
Violence de l'accueil. Désorganisation, prise en charge lacunaire , voie absente, s'ajoutent au traumatisme du départ. Tout cela sera mis volontairement sous le boisseau mais " Ils portent la marque inaltérable de la perte."
Le projet de l'auteure ? "Partir , comme dans la sculpture d'un gros bloc de matériau informe. Tailler, évider, donner sens." Commence alors un travail nourri des découvertes, mais aussi des évitements, privilégiant "...les petits événements, ceux qui font la trame du quotidien" et choisissant résolument de tourner le Dos au soleil, c'est à dire de refuser "les figures de bonheur" que peut proposer l'Algérie.
Simultanément, Frédérique Germanaud entremêle son travail du récit de histoire d'amour, ce qui permet un regard extérieur éclairant son oeuvre toute entière.
Un texte qui permet de s'émanciper du passé pour aller de l'avant. Une réussite tant par l'écriture, à l fois précise et poétique, infiniment sensible, que par la démarche qui sort des sentiers battus. Un livre prenant et constellé de marque-pages.
Merci à Babelio et aux Éditions le Réalgar.
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Dans son dernier livre, Frédérique Germanaud se penche sur son histoire familiale qui appartient à l'histoire du rapatriement des Pieds Noirs, au lendemain de l'indépendance de l'Algérie en 1962.
Non, ce n'est pas un roman historique comme on pourrait s'y attendre. Elle le dit elle-même: "Ce n'est pas un travail scientifique ou historique que j'ai entrepris, mais une opération alchimique sur une matière rétive. Travail littéraire indéniablement. Mais qui ne traite sa matière qu'indirectement".
Son projet, c'est "Partir, comme dans la sculpture d'un gros bloc de matériau informe. Tailler, évider, donner sens." Projet très ambitieux et passionnant qu'elle mène avec sincérité.
Autour de cette histoire familiale dans laquelle elle se plonge tout en restant ancrée dans la région d'Anjou où elle vit, elle mène une réflexion sur la vie des rapatriés en Algérie, leurs difficultés à trouver une place dans cette métropole qui ne les a pas toujours accueillis avec bienveillance et sympathie. Elle cherche à comprendre ce que c'est que l'exil. Elle se documente, donne des détails précis. Son voyage à elle - elle refuse de partir en Algérie - est virtuel et littéraire: les noms des bateaux portent les titres de chaque chapitre.
Tout en voulant écrire sur l'histoire de sa famille, elle montre sa vie au quotidien, elle se met en scène au travail, dans sa relation amoureuse. Il y a beaucoup de questions dans son texte, beaucoup de retours en arrière pour mieux avancer, des hésitations, des répétitions où elle ajoute des variations car il s'agit pour elle de s'émanciper du passé, d'assumer sa part d'héritage tout en se défendant d'y adhérer complètement. Travail où l'imaginaire et l'écriture sont essentiels. Récit émouvant, sensible, poétique. Dos au soleil , est-ce pour ne pas subir l'aveuglement du soleil, pour que les silhouettes, les ombres ne soient pas effacées, pour préserver sa réalité, sa vérité à elle?
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Frédérique Germanaud est fille de rapatriés d'Algérie. Comment raconter le passé de sa famille, l'exode, la difficile installation ? Par bribes, par détours, par petites touches, l'auteure laisse entrevoir une dure réalité. Elle donne à voir mais aussi à réfléchir. A la manière d'une enquête au long cours, d'une pensée obsessionnelle difficile à mettre sur le papier, elle interroge le destin de sa famille, elle visite les lieux abandonnés, pose la question de la transmission et de ce qu'elle est, dans une belle écriture, aux paragraphes souvent poétiques qui se savourent.
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Comment raconter une histoire dont on fut le témoin indifférent, de quelle façon, par quelles bribes ou quelles sensations, donner à voir l'exil des Français d'Algérie ? Dans Dos au soleil, Frédérique Germanaud retrace ses hésitations, ses doutes et ses refus. Par une écriture fragmentée et sensuelle, impressive, entre fiction et témoignage, Dos au soleil interroge l'ici dont on s'élance et surtout nos façons de nous façonner nous-mêmes.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Je glane dans leurs douleurs. Je comble leurs silences. Je ne porte pas la parole des survivants. Je prends la parole, la mienne, unique. Je désobéis au silence imposé tacitement.
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Nul n'attend ce texte, aucun proche ne sait sur quoi je travaille. Je peux déchirer mes pages au fur et à mesure, nul ne m'en tiendra rigueur. Je peux inventer, franchir cette limite, nul ne sera en mesure de vérifier. Je n'ai promis aucune vérité, à personne. Je ne fais que chercher, tâter le terrain. Interroger. Je n'ai promis aucun début, aucune fin. Mon texte pourra n'être qu'une quête, un renoncement, une narration pleine d'accrocs. Ou un prélude, l'amorce d'une histoire qui ne prendra jamais corps. Qui m'en voudra ?
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Ce n'est pas un travail scientifique ou historique que j'ai entrepris, mais une opération alchimique sur une matière rétive. Tout ignorer, finalement, m'importe peu. Mais saisir des instants dans leur fugacité, une certaine luminosité, un ton de voix, un mot inhabituel, un regard qui glisse vers nulle part. Laisser le temps faire son travail. Fermentation, levée. Formation de nouveaux corps vivants. Attendre que l'écriture s'empare de la matière déposée.
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