Après son premier roman très réussi (dont j'avais déjà parlé ici),
Eux sur la photo,
Hélène Gestern récidive avec
La Part du feu, publié par les éditions Arléa dans la collection 1er/mille. En le lisant, j'ai retrouvé son style policé, qui se caractérise par une écriture très fine et précise, au plus près des évènements racontés et surtout des émotions que l'histoire suscite.
« Sur le trottoir, j'ai ouvert le volume. Devoldère y avait inscrit une formule pour le moins ambiguë : Pour Laurence Emmanuel. Attention, certaines ombres brûlent. »
Avec
la Part du feu,
Hélène Gestern construit un roman un peu déconcertant au départ, puisque des documents de natures diverses s'invitent dans le récit : des poésies, des articles de presse, des lettres et aussi des photos (clin d'oeil au premier roman). Ces différents éléments viennent enrichir l'ensemble et le dynamisent. L'auteure choisit de se focaliser sur un personnage, à partir duquel le roman se déploie dans toute sa complexité : Laurence Emmanuel, une femme divorcée découvre « presque par hasard » que son père Jacques n'est pas son père biologique. Évidemment, cette vérité, elle l'a toujours su « tant il était facile de laisser couler le temps comme l'eau, de fermer les yeux et de croire que l'ordre des choses demeurerait immuable ».
Cette soudaine révélation force Laurence à mener l'enquête dans le passé de ses parents, et surtout celui de sa mère. Dans les papiers de celle-ci, classés méticuleusement, apparaissent des indices parmi lesquels resurgit la figure de Guillermo Zorgen, qui plane sur tout le roman. Zorden était un activiste anarchiste que sa mère a fréquenté dans sa jeunesse. Pour en savoir plus, Laurence en vient à rencontrer des personnes ayant connu Guillermo, ce qui l'entraîne dans un tourbillon d'évènements troubles. Progressivement, elle se met en danger…
La mère de Laurence évoque son passé : « Je pourrais dire que ces souvenirs appartiennent à ma jeunesse, mais ces mots n'ont pas de sens. Ce pan de ma vie n'a pas vieilli, ne s'est pas décoloré. Il m'a été arraché à vif, ce qui est bien différent. Mon coeur a pris de l'âge, mon corps est malade, mais ce temps-là palpite encore en eux. Il pourrait même saigner, parce que la blessure est toujours là, et qu'elle me brûle quand j'y pense. »
J'adore ce genre de roman, dont la construction complexe fait alterner des chapitres à narrations multiples (mais c'est tout de même Laurence qui domine le récit) et divers matériaux, ce qui permet au lecteur de recouper les faits, d'étudier attentivement les pièces à convictions. L'auteure place ainsi le lecteur aux côtés de Laurence, et nous fait partager ses découvertes, ses joies mais aussi ses peurs. Revers de la médaille, le début du roman m'a un peu laissée de marbre : j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire et à partager les pistes de Laurence. Par contre, j'ai mieux adhéré vers le milieu du livre et je me suis laissé emporter par le courant jusqu'à la fin.
la Part du feu est à la fois un roman policier, un roman initiatique (puisque le personnage principal recherche ses origines) et un roman quasi historique (l'auteure décrit très bien la vie d'un groupuscule politique dans les années 70). Ce mélange des genres n'est pas déplaisant, bien au contraire ! L'écriture très sensible, calme et posée (même si j'ai trouvé parfois que le style était un petit peu froid et figé par endroits), où le feu place de temps à autre des étincelles, ajoute au plaisir de la lecture. Bref, un second roman très réussi, que j'ai eu envie de relire une fois fini pour mieux apprécier les détails de l'intrigue.
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