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Citations sur Portrait d'après blessure (59)

Oh, je sais bien, il paraît que maintenant le citoyen a le droit et même le devoir de pouvoir à toute heure contempler la saloperie du monde, les corps ensanglantés sur les chaussées de Syrie ou d’Irak. Même une enfant qui se noie centimètre par centimètre au journal de vingt heures, on nous la montre.

Peut-être que c'est de la lâcheté de ma part, que je vieillis, mais moi, je n’y arrive plus. Si ça ne nous laisse que le temps d’avoir mal à notre impuissance, sans rien pouvoir y faire, merci bien.
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Dans mon sac à dos, je n'avais glissé qu'un livre, de ceux qu'on laisse des années dans sa bibliothèque sans avoir le courage de les ouvrir. Un balcon en forêt, de Julien Gracq. j’y ai plongé comme on se laisse glisser dans l'eau. Ce récit de violence cachée, celle-là même dont je venais d'apprendre la langue à mes dépens, aurait maintenant pu être le mien. J'avais besoin du secours de ces mots, ces images de forêt, de lumière pale, quand la drôle de guerre gronde à bas bruit autour des hommes avant de se déchaîner.

Je lisais le volume sans hate, soir après soir, en découpant les pages encore scellées avec un couteau de cuisine. Quand je pensais à Héloïse, son image se confondait, dans mes rêves, avec celle de Mona, la femme de la forêt.
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Mon œil a été attiré, sur la page des dépêches du jour, par un article : « Suicide d'une adolescente cyber-harcelée ». J'ai cliqué. Au Canada, une jeune fille de dix-sept ans s’était donné la mort après avoir été saoulée à la vodka, violée, et prise en photo par ses agresseurs, qui avaient posté les images sur le net. Après quoi ses camarades de classe avaient inondé le compte de la jeune fille de messages d'insultes et de propositions obscènes.

La justice avait renoncé à poursuivre les violeurs faute de preuves.

La victime, elle, avait fini par se pendre.
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"La souffrance, ça vieillit d'un coup "
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Bien que les mots du ministère public fussent sans équivoque, qui disaient la détresse, le dénuement des blessés, et l'inéluctable avilissement des lecteurs à qui était offert ce spectacle, ils n’avaient pas empêché les avocats du groupe de presse de gagner par ce qui ressemblait à un KO technique.

Le tribunal avait relaxé le magazine en raison de l’« absence d'une définition suffisamment précise » pour qualifier l'infraction. Il est vrai qu il n'y avait pas de mots dans le code pénal pour décrire ce geste très particulier qui consiste à violer la douleur avec un objectif.

J’ai essayé d'imaginer ce qu'avait éprouvé la plaignante à l'énoncé du jugement. S'était-elle sentie doublement trahie ?
Une deuxième fois blessée dans sa chair ?

Avait-elle éprouvé la même frustration que celui qui voit le coupable sortir libre parce qu'une preuve a été mal cataloguée, une signature oubliée au bas d'un formulaire ?
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Même s'il fallait pour cela demeurer aveugle à une autre vérité, plus sombre et plus sordide : l'image est une tueuse en série. Et même sans m'en rendre compte, j'avais été son complice.
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L'ordalie s'imposait. J'ai extrait la carte mémoire et l’ai laissée tomber dans l'eau. Une vague l’a aussitôt avalée. Un peu plus loin, j'ai abandonné l'appareil sur un banc. Pas de photos. Plus de photos.
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Bruand-Leroy s'est levé et a aidé Héloïse à passer son manteau, avec une délicatesse qui m’a étonné. La raideur du bras de mon amie ne lui avait pas échappé. Il nous a raccompagnés en personne. Sur le pas de la porte, avec une matoiserie qui détonait sur son visage de patrîcien, il nous a dit:

- Vous avez eu raison de venir me voir. À compter de cette minute, vous n’êtes plus la proie, vous êtes le prédateur. Vous allez voir, c'est un changement de rôle tout à fait intéressant.
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Au fond, on devrait pouvoir abolir les belles-familles ; ou en tout cas, se dispenser de fréquenter certains de leurs ressortissants. Je n'ai jamais aimé Fabienne et elle me l'a toujours bien rendu. Elle méprise mon métier, mes études d'histoire, qui me rangent dans la catégorie honnie des "intellos" ; je n'ai que peu d'estime pour ses préoccupations de matrone, toujours au ras du pot de pâte à tartiner dont elle goinfre son insupportable marmaille. Le fait que je n'aie pas encore "donner d'enfant" (c'est l'expression qu'elle emploie) à son frère est à ses yeux la preuve d'un égoïsme impardonnable. Je me retiens de lui rétorquer que, de ce point de vue, elle travaille pour deux : six enfants, les deux derniers fabriqués dans le dos de son mari, un pauvre hère qui finira par craquer, ce qui sera, je n'hésite pas à le dire, bien fait pour elle - et dommage pour les petits.

p.78
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J'ai pris le temps de parcourir quelques commentaires, qui allaient de l'apitoyé (« Tout mon soutien à ces gens »), au sottement péremptoire (« Voilà le résultat de la complaisance de la gauche avec les islamistes »). Mais aussi ceux d'un certain nombre de ricaneurs, comme Kévin32 (« la meuf elle a dé bô nichon »), ou de pédants qui prenaient le temps de revendiquer leur droit à l'information « quoi qu'il en coûtât ».

Ce à quoi un internaute avait rétorqué, laconique : « et si c'était ta femme sur la photo, connard ? »
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