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Critique de Chantalame


A l'occasion d'une opération Masse Critique de Babelio, que je remercie ainsi que 5 Sens Editions, j'ai reçu un livre pour le moins énigmatique tant par son titre que par le portrait figurant sur la couverture. Je n'avais entendu parler ni du livre, ni de l'auteur. Il est toujours plaisant de se lancer dans l'inconnu. C'est donc avec un a priori favorable que je suis partie à la découverte de Ecueil et suspension.
Curieusement l'ouvrage commence par deux notes de l'auteur, d'une page chacune, telles des mises en garde. La première intitulée "notes d'intention écrite avant le voyage", la deuxième "notes d'intention écrite après le voyage". Si je voulais être surprise, c'était raté, tout y était dit. Ce livre est le "journal de bord" du voyage de l'auteur au Chili après que sa femme, avec qui il devait partir, l'eut quitté "du jour au lendemain, à quelques semaines des premières noces”. L'auteur se lance "le défi d'écrire" au jour le jour ce qu'il vit "dans le dedans et dans le dehors". Et l'auteur de nous avertir : "on y trouve de la prose, des rimes, des aphorismes, des descriptions, des pensées, des dialogues, des réflexions, des idées". Quant à la forme : "c'est décousu, incohérent, dépareillé ”. Et d'ajouter : "les écrits sont bruts je ne les ai pas retouchés".
Bien que prévenue, je n'ai guère fait attention à ces propos quelque peu déconcertants et j'entrepris donc la lecture des 127 jours du journal de bord. Les premiers jours se passèrent bien, contrairement à ceux du jeune homme. Je relevais de nombreuses citations ou idées intéressantes. Mais au fil des jours, je passais par des phases contradictoires fluctuant entre un certain plaisir, de l'émerveillement même et de l'agacement avec l'impression que l'auteur se moquait du monde. Un méli-mélo d'impressions et de ressentis, à l'image de l'écrit jeté jour après jour comme des miettes à picorer. Certaines ont un goût agréable, d'autres sont indigestes.
Le tout donne une impression de gâchis.
Gâchis d'une part devant le désarroi et le mal être du jeune homme en mal d'amour (chagrin d'amour quand tu nous tiens !) face à la chance d'effectuer un sublime voyage (Santiago du Chili, Valparaiso, Patagonie, tout de même !). Un voyageur qui, tel un enfant gâté à qui on a retiré son jouet, se replie sur lui-même, dans l'incapacité de profiter de tous les autres qui se trouvent devant lui.
Du gâchis d'autre part, quant à la forme et au style lapidaire, servi à l'état brut. Oui, je sais, j'étais prévenue, mais est-ce une excuse ? J'y vois de la négligence ou de la paresse. Ce livre, volontairement pas abouti, finit par agacer voire lasser le lecteur. Quel dommage ! car, sans conteste, Brice Gharibian a du talent. Des fulgurances et une originalité certaine côtoient des platitudes et trop souvent une pauvreté de style.
La désolante errance intérieure comme extérieure, à pied, à vélo ou en voiture, finit par désespérer à notre tour. " Dans mes doigts ça pleure de l'encre. Perdu quelque part entre la légèreté d'un voyage et l'absurdité de la vie. Alors, j'écris et ça sort comme une tache d'encre qui se range toute seule en mots et en phrases".
Il faut attendre le 123ème jour pour voir poindre un peu d'espoir : " Ce soir avant le départ, je voudrais écrire, écrire et écrire encore, écrire tout ce que je n'ai pas su écrire, mais les mots s'envolent". Il serait pourtant temps ! Plus que 4 jours, si vous avez bien compté ! Et au 127ème et dernier jour : "Au bout du monde, je vois l'horizon, et je vois quelqu'un de dos, en train de regarder l'horizon. Je suis allé au bout de moi-même et maintenant il faut revenir".
Ce livre de bord a sûrement permis au jeune mari éconduit de se reconstruire, mais le publier, à mon humble avis, reste un écueil.
Pour terminer je vous dois deux explications. le portrait de la couverture a été réalisé par Cédric Marachian, et me paraît être l'effigie de l'auteur, ”une marionnette sans fil, esclave d'une douleur sournoise". Quant au titre il s'explique par : "Si je devais choisir aujourd'hui mon épitaphe, ce serait des points de suspension… En suspens, quelque part au-dessus de l'écueil".
A vous maintenant d'accomplir ou non ce périple. Il peut vous emporter, pour ma part je reste suspendue au-dessus de l'écueil.
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