Barbe Blanche "prince des cordes est mort", mais son instrument de
musique, son "târ"semble bien vivant.
"
Le târ de mon père renfermait ses péchés" relate Nur, persuadé que le "târ renferme l'âme des ancêtres", dans ce conte initiatique à plusieurs voix. Dotées d'une vie propre, les cordes vibrent seules et Hossein, le fils ainé de Barbe Blanche, jadis enfant battu, en ressent les "sifflements dans les oreilles". C'est lui que son père a choisi pour lui succéder, c'est lui qui a reçu l'apprentissage du maître qui lui a appris qu'un "bon joueur de târ subtilise au vent son souffle".
Les deux frères vont partir après avoir commis un acte sacrilège, il vont rencontrer Paris (fils de Moshen, l'aveugle musicien guérisseur assassiné) animé par l'esprit de vengeance, ils apprendront le secret nimbé d'amour de leurs naissances respectives et comprendront les
musiques du mécréant Barbe Blanche et du vertueux Moshem pour trouver leur propre vérité.
Le târ de mon père (chez Fayard), conte de
Yasmine Ghata (qui a connu un grand succés avec
La nuit des calligraphes plusieurs fois primé) est écrit de façon poétique et imagée (ex:"les paupières de Barbe Blanche s'étaient fermées ce jour-là comme deux barques attirées par l'écume brillante du large").
Ce livre parlant de
musique et évoquant le sacré (ex: "ses notes avaient le pouvoir d'atteindre les oreilles de Dieu") m'a évoqué
Musique de
Michel Serres, un essai philosophique où l'auteur répond aux questions: "comment aimer en
musique?", "Peut-on penser en
musique?" et ""Doit-on louer en
musique?" car nous retrouvons ici ces notions d'amour (Forough et Moshem), de pensée et d'inspiration (choix du bien et du mal et de spiritualité ("le divin se trouve en tout et converge vers le tout").
Le târ de mon père est un très beau conte qui vibre de mots aussi légers qu'une envolée de notes, pour transmettre au lecteur son message: la
musique élève et sauve du mal, elle est universelle et grandit l' âme, elle est mystère, elle est divine et se partage.
Très beau !