Ah ! Quelle divine lecture que celle du roman graphique « Le Sursis » de
Jean-Pierre Gibrat ! Souvenez-vous, j'avais eu un incroyable coup de coeur pour « Le Vol du Corbeau » du même auteur, alors c'est avec un a priori très positif que je me suis lancée dans « Le Sursis », et j'en suis ressortie conquise ! Cette oeuvre délicieuse est une perle, une merveilleuse découverte et
Jean-Pierre Gibrat se hisse haut la main au rang de mes auteurs préférés. C'est pétillant et mélancolique, c'est frais et chaleureux, c'est tendre et dur, c'est puissant et léger, c'est sublime. En quelques cases
Jean-Pierre Gibrat parvient à me faire passer du rire au larmes, à l'aide d'une intrigue efficace et originale, d'un graphisme de toute beauté et de personnages aux réparties savoureuses et à l'humour décapent.
Durant l'Occupation, Julien est envoyé en Allemagne comme travailleur pas vraiment volontaire… Si peu volontaire qu'il s'échappe de son train pour rentrer au bercail, dans son petit village de Cambeyrac, dans l'Aveyron. Mais voilà que son train est bombardé et qu'il est déclaré mort. Obligé de se cacher, il s'installe, avec la complicité de sa malicieuse tantine, dans la maison de son ancien instituteur, un communiste arrêté. Il établit ses quartiers dans la pièce du haut, d'où il observe la vie du village et de ses habitants, et d'où il peut contempler à loisir la belle et douce Cécile, la femme qu'il aime et qui le croit mort. Cruellement séparé d'elle, son amour va grandir au fil des jours passés à la regarder vivre.
Jean-Pierre Gibrat réussit la prouesse de nous plonger dans la vie de ce petit village et nous intègre sans mal à ce huis clos convivial et intimiste. Ses magnifiques paysages aux couleurs justes créent une ambiance envoûtante. Ils sont représentés à chacune des saisons et sont, avec les évènements historique liés à la Guerre, les seuls repères chronologiques du temps qui s'écoule dans ce village tranquille. Sous des dehors calmes et apaisants, la vie de ce bourg est plutôt houleuse, victime des opinions divergentes des habitants et en proie à des querelles qui vont vite à dégénérer. La guerre, bien que lointaine, est omniprésente, elle est la toile de fond et le cadre du récit, et, si les personnages n'y sont pas directement impliqués, chacun a son propre rôle à jouer. Certains sont de simples témoins, d'autres résistants, miliciens, collabos…
Jean-Pierre Gibrat, dans « Le Sursis » fait non seulement preuve d'un très grand talent de scénariste, mais aussi d'illustrateur : ses dessins aux traits fins et délicats sont très riches, fouillés et fourmillent de détails. Chaque case est composée avec beaucoup de minutie, et, sous les couleurs claires et cotonneuses, le lecteur devine les traits crayonnés, ce qui donne une grande profondeur et une authenticité au graphisme. Effet intensifié par le cadrage judicieux de ses cases, qui valorise et dynamise le récit.
Je me suis fait plaisir et j'ai acheté la version intégrale de cette oeuvre, qui contient des croquis et des dessins inédits en fin de volume. C'est un très bel objet et une magnifique découverte. J'en redemande ! Il ne me reste plus que l'intégrale du premier cycle de « Matteo », dans ma PAL bande-dessinée, et je savoure déjà le moment où je vais l'ouvrir.
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