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Critique de Lenocherdeslivres


Au Diable Vauvert continue la publication de l'oeuvre de William Gibson, après la nouvelle traduction par Laurent Queyssi de son roman phare, Neuromancien. Avec Périphériques (qui date de 2014), il renoue avec sa veine technophile, empreinte d'un grand sens de l'humain.

Un monde à la Gibson
Autrement dit, quand on est pas habitué, faut s'accrocher. de courts chapitres (124 en 600 pages, faites le calcul), avec une alternance de personnages que l'auteur nous balance à la figure sans beaucoup de détails. Et en plus, comme on finit par le comprendre, deux mondes différents, à des époques différentes et avec un évènement qui ne nous sera en partie expliqué que bien plus tard, le « jackpot ». Donc, pendant une petite centaine de pages (le livre en comprend un peu moins de six cents, donc c'est raisonnable, en proportion), on serre les dents. Ce n'est pas désagréable en soi, il faut juste accepter, plus encore que d'habitude en SF, d'être promené à droite à gauche sans tout bien comprendre à ce qui se passe, à qui est qui, aux enjeux. En bref, il faut faire confiance à l'auteur qui sait, lui, où il nous mène.

Où ? Quoi ?
Pour résumer rapidement, sans trop déflorer l'histoire : à l'époque de Wilf Netherton, après la survenue du jackpot, dont on comprendra peu à peu les contours, quelqu'un est parvenu à communiquer avec le passé, avant cet évènement tragique. Avec l'époque de Flynne Fisher, ancienne gameuse, qui se retrouve impliquée dans une histoire qui la dépasse (et nous aussi). Et tout ceci va prendre des proportions dantesques. En dire plus serait dommage. J'arrête là le bref résumé.

Un appareillage exotique
Outre la plongée en apnée dans un monde dont on nous cache les tenants et les aboutissants pendant un bon moment, la patte Gibson se remarque aussi dans les objets. Dans sa précédente trilogie (la trilogie Blue Ant, que j'ai vraiment bien appréciée et qui m'a donné envie de replonger dans l'univers de cet auteur), l'auteur canadien avait fait une pause sur l'ultra-technologique, ancrant davantage ses récits dans un monde classique, avec des objets iconiques, mais plus proches de notre quotidien : des vêtements griffés, le GPS et les ondes qui nous cernent. Dans Périphériques, les innovations sont partout, dans le moindre geste quotidien. Dans le monde de Wilf, on communique directement dans son crâne : la langue pour accepter un appel, les yeux pour voir qui appelle ; on peut utiliser des périphériques, corps qu'on peut louer pour un moment plus ou moins long, de l'enfant au monstre haut de trois mètres ; on est observé en permanence : seuls les plus riches peuvent se payer des zones de noir. Dans le monde de Flynne, on imprime tout, y compris les voitures ; on communique par une sorte de monocle, la viz ; on utilise un étrange plastique transparent pour protéger les surfaces. Et, petite remarque additionnelle, j'aime la façon dont William Gibson utilise la mode, les vêtements, pour marquer une époque ou simplement un personnage. Il le fait de façon simple, sans afféteries, mais extrêmement efficaces, en quelques observations bien senties.

Un monde post-apocalyptique, en fait
Difficile d'analyser ce roman sans dévoiler des pans entiers de l'univers créé par William Gibson et, par conséquent, gâcher un peu le plaisir. Mais comment ne pas parler de ce monde post-apocalyptique bien différent de celui qui nous est vendu habituellement. En fait, ici, pas d'apocalypse. Juste une accumulation de problèmes, de petits détraquements de notre quotidien. Et la fin de la vie, telle qu'on la connaît, est là : une partie énorme de la population mondiale qui disparaît. Des sociétés à reconstruire. Et pour cela, la seule technologie. Donc le pouvoir à l'argent : ceux qui peuvent se payer de tels outils sont rares. C'est la naissance de la kleptocratie, joli mot qui rappelle les aristocraties et autres oligarchies. du grec « kleptos », que l'on retrouve dans « cleptomane », en français. le pouvoir aux voleurs, finalement. Tout un programme.

Une sacrée bonne intrigue
Et pour soutenir tout cela, une histoire qui tient vraiment la route. À partir d'un point de départ qu'il dit lui-même avoir emprunté à Bruce Sterling et Lewis Shiner (dans la nouvelle « Mozart en verres miroirs », qu'on retrouve dans l'anthologie du même nom, parue en France pour la première fois dans la mythique collection Présence du futur de Denoël, depuis republiée en Folio SF), William Gibson, en l'adaptant à son idée, a su tirer un récit bien construit et qui tient en haleine du début (où on essaie de comprendre où on est tombé) à la fin, avec une nette accélération du rythme dans la deuxième moitié du roman. Il nous permet de nous attacher aux personnages (j'ai beaucoup aimé Wilf Netherton, le paumé insatisfait du monde dans lequel il vit), tout en faisant avancer ses pions et l'action. Avec quelques bonne scènes de bataille, pas si nombreuses, mais radicales et très visuelles.

Périphériques m'a conforté dans la bonne opinion que j'avais de William Gibson. L'auteur canadien est parfois décrié, disant qu'après Neuromancien, il n'a rien fait. Je ne suis pas d'accord, vous l'aurez compris, avec cette assertion. Évidemment, les autres romans ne sont pas tous aussi novateurs, mais William Gibson possède un ton et un regard sur notre société qui me plait beaucoup. Je suis donc ravi de savoir qu'il a publié un autre roman dans ce même univers, Agency, dont je vais parler ici prochainement. Pour conclure, si vous voulez une bonne dose de dépaysement, mêlée à un trip sous contrôle, n'hésitez pas, Périphériques est fait pour vous.
(Merci aux éditions du Diable Vauvert pour ce SP.)

Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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