Que l' homme est né pour le bonheur,
Certes toute la nature l' enseigne .
J' admire combien le désir, dès qu' il se fait amoureux, s' imprécise. Mon amour
enveloppait si diffusément et si tout à la fois, tout son corps, que, Jupiter, je me
serais mué en nuée, sans même m' en apercevoir .
Ce n’est pas seulement le monde qu’il s’agit de changer, mais l’homme. D’où surgira t’il, cet homme neuf ? Non du dehors. Camarade, sache le découvrir en toi-même, et, comme du minerai l’on extrait un pur métal sans scories, exige-le de toi, cet homme attendu. Obtiens-le de toi. Ose devenir qui tu es. Ne te tiens pas quitte à bon compte. Il y a d’admirables possibilités dans chaque être. Persuade-toi de ta force et de ta jeunesse. Sache te redire sans cesse : « Il ne tient qu’à moi ».
La peur de trébucher cramponne notre esprit à la rampe de la logique. Il y a la logique et il y a ce qui échappe à la logique. (L’illogisme m’irrite, mais l’excès de logique m’exténue.) Il y a ceux qui raisonnent et il y a ceux qui laissent les autres avoir raison. (Mon cœur, si ma raison lui donne tort de battre, c’est à lui que je donne raison.) Il y a ceux qui se passent de vivre et ceux qui se passent d’avoir raison. C’est au défaut de la logique que je prends conscience de moi. Ô ma plus chère et ma plus riante pensée ! qu’ai-je affaire de chercher plus longtemps à légitimer ta naissance ?
Ne te contente pas de contempler ; observe.
Mais la mort est atroce à qui n'a pas rempli sa vie. À celui-ci la religion n'a que trop beau jeu pour lui dire : — Ne t'en fais pas. C'est de l'autre côté que ça commence, et tu seras récompensé. C'est dès « ici-bas » qu'il faut vivre.
Il m'a depuis longtemps paru que la joie était plus rare, plus difficile et plus belle que la tristesse. Et quand j'eus fait cette découverte, la plus importante sans doute qui se puisse faire durant cette vie, la joie devient pour moi non seulement (ce qu'elle était) un besoin naturel — mais bien encore une obligation morale. Il me parut que le meilleur et plus sûr moyen de répandre autour de soi le bonheur était d'en donner soi-même l'image, et je résolus d'être heureux.
En vérité, le bonheur qui prend élan sur la misère, je n'en veux pas. Une richesse qui prive un autre, je n'en veux pas. Si mon vêtement dénude autrui, j'irai nu.
Du jour où je parvins à me persuader que je n'avais pas besoin d'être heureux, commença d'habiter en moi le bonheur ; oui, du jour où je me persuadai que je n'avais besoin de rien pour être heureux. Il semblait, après avoir donné le coup de pioche à l'égoïsme, que j'avais fait jaillir aussitôt de mon cœur une telle abondance de joie que j'en pusse abreuver tous les autres. Je compris que le meilleur enseignement est d'exemple. J'assumai mon bonheur comme une vocation.