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Critique de Alzie


« Je n'écris pas ces mémoires pour me défendre, je n'ai point à me défendre, puisque je ne suis pas accusé. Je les écris avant d'être accusé. Je les écris pour qu'on m'accuse », écrit Gide dans son Journal le 19 janvier 1917.

L'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte, sorte de confession, d'André Gide jusqu'à ses fiançailles avec sa cousine Madeleine Rondeaux, appelée Emmanuèle dans le livre. A sa publication, en 1926, Gide a cinquante-six ans, il y travaille depuis 1916. le livre est construit en deux parties. de l'enfance jusqu'au baccalauréat pour la première, après le bac jusqu'à ses fiançailles pour la deuxième.

La religion est très présente chez Gide, son arrière grand-père maternel est catholique et son grand-père élevé dans cette religion épouse une protestante ; leurs cinq enfants (dont la mère de Gide) sont élevés dans la religion protestante mais l'oncle Henri se convertit au catholicisme. Son père professeur de droit romain lui fait des lectures : l'Odyssée, Molière, le livre de Job et l'appelle son "petit ami". Il lui montre aussi les galeries que creusent les insectes dans les livres. Gide à onze ans quand il meurt. Sa mère prend ensuite toute la place dans son affectivité. Son "éducation rompue", selon ses propres termes, est partagée entre l'instruction à domicile avec des précepteurs (souvent pasteurs) et la fréquentation en pointillés d'institutions comme l'école alsacienne ou le lycée Henri IV l'année du baccalauréat (un trimestre !). Il apprend également le piano (seul Marc de la Nux, ancien élève de Liszt lui laissera un bon souvenir). Sa géographie familiale le mène de Paris où vivaient ses parents et où demeurera ensuite sa mère, à Rouen et sa région (La Roque, Cuverville : côté maternel), en passant par le midi : Uzès entre autre, région de sa grand-mère paternelle. C'est en Normandie qu'il rencontre fréquemment ses cousines et notamment Emmanuèle (Madeleine Rondeaux).

Gide se décrit sans complaisance comme un enfant nerveux s'inventant aussi des troubles qu'on qualifierait aujourd'hui de psychosomatiques, se voit comme un enfant peut-être stupide, "en jachère", "pareil à ce qui n'est pas encore né", "je ne comprenais pas ce que l'on me voulait, ce que l'on attendait de moi" p. 64 (zéro de conduite à l'école alsacienne dont il sera renvoyé trois mois pour "mauvaises habitudes" ! entendez masturbation notoire en public en dégustant des pralines. (C'est en rhétorique à l'école alsacienne qu'il se lie avec Pierre Louis (Louÿs). Il aime le Buch der Lieder de Henri Heine et lit un livre par jour l'année du bac !). le temps des vacances le ramène du côté de Rouen, auprès de ses cousines, où il a la révélation du "secret de sa destinée" : rendre heureuse l'une d'elles, Emanuèle, et l'épouser un jour (pour la consoler du chagrin qu'elle a eu en prenant connaissance de l'infidélité de sa mère, motif repris dans « La porte Etroite »). Après son bac qu'il obtient au rattrapage il part en voyage en Bretagne suivi par sa mère. Il a déjà en projet d'écrire un livre ce sera Les Carnets d'André Walter (qui paraîtront en 1891). C'est un flop. Il envoie son livre à Emmanuèle et la demande en mariage : refus. Ensuite, il entre dans "une selve obscure" selon ses mots (et le lecteur dans les entrelacs de ses conflits intimes) jusqu'à son voyage en Afrique avec Paul Laurens. Il fréquente toujours Pierre Louis qui le met en contact avec les milieux littéraires du Parnasse et du Symbolisme (Mallarmé, Heredia et consorts). Il succède à Léon Blum comme critique littéraire à la Revue Blanche, s'occupant des livres de prose.

« La morale selon laquelle j'avais vécu jusqu'à ce jour cédait depuis peu à je ne sais trop encore quelle vision plus chatoyante de la vie. Il commençait à m'apparaître que le devoir n'était peut-être pas pour chacun le même, et que Dieu pouvait bien avoir lui-même en horreur cette uniformité contre quoi protestait la nature, mais à quoi tendait, me semblait-il, l'idéal chrétien, en prétendant mater la nature » p. 275.
La deuxième partie est beaucoup plus courte, mais plus dense. Ici, Gide fait le récit de son premier voyage en Afrique en compagnie de Paul Laurens. Il est malade mais ne sait pas trop de quoi. Tuberculose ? Tunisie d'abord. Ce voyage prend des allures initiatiques en lui révèlant son orientation sexuelle pendant les six jours à Sousse. A Biskra, une tentative de "normalisation" avec une jeune Oulad Naïl, Miriem, s'avère infructueuse et rapidement suivie de ce que Gide appelle un "retombement". Mme Gide, inquiète de l'état de santé de son fils, les rejoint puis repart ! Les deux amis rentreront en France par la Sicile et l'Italie. Gide va se faire soigner en Suisse, puis après un bref séjour à Montpellier chez son oncle Charles il décide de repartir en Algérie. À Blidah il rencontre Oscar Wilde et lord Alfred Douglas (qu'il avait fréquenté à Paris et rencontré à Florence). Il a une aventure décisive avec un jeune musicien arabe, Mohamed. Rentré en France, il passe quinze jours avec sa mère qu'il retrouvera mourante en Normandie peu de temps après alors qu'il était parti la rejoindre et se fiance avec Emmanuèle. Tout à fait intéressant pour découvrir Gide dans tous ses paradoxes et dans la limpidité de style rare qui le caractérise. A lire sans aucun doute pour comprendre le « contemporain capital ».
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