Mais les amis, les vrais, sont des perles rares. Rémy l’a appris à ses dépens.
Le dicton le dit bien, il faut être dans la merde pour les reconnaître à coup sûr. Là, aucun doute possible.
Il ne voyait pas la chose ainsi. Ses fantasmes se désagrègent, ses certitudes aussi. Il n’est plus certain d’avoir envie.
C’est le problème avec les fantasmes, d’ailleurs. Il vaut souvent mieux ne pas essayer de les réaliser.
Le témoignage d’un sans-papiers malien contre celui d’un richissime propriétaire terrien, ça ne vaut pas grand-chose. Même si les gendarmes de base auraient bien voulu mettre leur nez dans ses affaires.
Mais non, il ne sera plus harcelé. C’est déjà une histoire ancienne. Les képis sont muselés, persuadés en douceur qu’il s’agit là d’une fable abracadabrante. Qu’ils ont en face un homme au-dessus de tout soupçon. Un ami des puissants de cet État, irréprochable.
Irréprochable.
Gagner sa vie ...Quelle curieuse expression ! songea Remy.
"La nuit ondulait dans un languissant strip-tease,effeuillant une à une ses ténèbres, jusqu'à l'ultime nudité lumineuse de l'aube."
Le monde est ainsi fait, qui ne changera jamais. Les chasseurs d'un côté, les proies de l'autre.
C'est lorsqu’il a tout perdu qu'il a pris conscience de la valeur de ce qu'il possédait.
Que la joie est éphémère, la douleur infinie.
Que le bonheur est de secondes, la souffrance d'éternité.
Un meurtrier dénué de remords ressemble à s'y méprendre à un innocent...
Soudain, la brise légère leur chuchote un bruit familier. Celui des chiens qui hurlent.
Ils ne sont jamais très loin.
Ils ne sont jamais à l'abri.
Sauf que maintenant, ils sont armés eux aussi.
Un flingue pour trois. Cinq balles pour trois vies.
C'est mince, mais ça les réconforte un peu.
Et puis, il y a l'amitié qui se noue entre eux. Ils ne se connaissent pas, pourtant. Mais les circonstances accélèrent les choses.
Devenir frères d'armes, ça tisse les liens. Lutter contre un ennemi commun, ça gomme les différences.