C'est ça, être vivant. C'est ça, exister.
Exister, c'est manquer à quelqu'un.
Exister, c'est être la douleur d'un autre.
(p. 180-181)
On vient au monde sans l'avoir demandé, on va à la mort sans l'avoir choisi.
Pas la peine d'en rajouter.
Ce mec est une énigme et le restera sûrement jusqu'à sa mort. Qui risque fort de ne pas se produire au fond d'un lit, dans une affreuse et paisible petite maison de retraite.
Bien trop mystérieux pour qu'on le connaisse vraiment.
Bien trop odieux pour qu'on l'apprécie réellement.
Bien trop intelligent pour qu'on le haïsse entièrement.
Bien trop courageux pour qu'on ne l'admire pas secrètement.
Bien trop féroce pour qu'on ose l'affronter directement.
( À propos du commandant Alexandre Gomez )
On vient au monde sans l'avoir demandé, on va à la mort sans l'avoir choisi.
Il est figé au pied du lit.
Debout. Sans réaction. Aussi inerte qu'elle.
Sauf que lui respire encore.
Et c'est peut-être ça qui fait le plus mal.
Toutes ces années qui restent.
A respirer sans elle.
- Ferme les yeux, ordonne Alexandre.
Elle obéit. Juste sentir, ressentir. Imaginer. On voit tellement mieux, les yeux fermés.
La mort n'est pas une fille facile. Elle se refuse à ceux qui la veulent, se donne à ceux qui la repoussent.
Tu es si jolie quand tu dors! Mais je te préfère les yeux ouverts.
Et la prochaine fois, tu me regarderas, je te le promets.
Mon visage sera même la dernière chose que tu verras.
La dernière image que tu emporteras dans la tombe.
Cloé s'arrête un instant devant la fenêtre et son regard s'enfonce dans le jardin, baigné par la pâle lueur du lampadaire de la ruelle qui le borde. Vent naissant, ciel clair brodé d'étoiles.
Mais soudain, elle a le souffle coupé net. Une ombre, fugace, vient de passer devant la maison.
Pas une ombre, non.
L'ombre.
Immense, vêtu de noir, une capuche sur la tête, l'homme s'est arrêté près du muret. Ne faisant qu'un avec l'obscurité, il fixe la fenêtre.
Il fixe Cloé.
Elle hurle, une force invisible l'aspire en arrière. Dos au mur, ses mains plaquées sur la bouche, les yeux exorbités, elle écoute son coeur agoniser.
Carole a eu tort, elle m'a perdue. C'est douloureux, mais inévitable. Et puis, elle a plus besoin de moi que l'inverse, songe-t-elle.
Pourtant, qui, du maître ou de l'esclave, est le plus dépendant... ?