En face d'elle, sur le mur décrépi, une citation taguée. Par un prisonnier, il y a longtemps. Ou par un maton. Une phrase qu'elle n'oubliera jamais.
"Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d'une nation qu'en visitant ses prisons." Dostoïevski. (p. 192)
- Si tu te tiens à carreau, tu finiras par sortir, assura la surveillante.
- Tu parles ! J'aurai soixante piges et plus un cheveu sur le crâne... Ça sera en...2045... Putain ! On dirait un truc de science-fiction ! 2045...
Elle n'allait pas très bien, finalement. Il y avait cette peur, étrange.
Peur de la liberté qui l'attendait. Depuis le temps qu'elle était enfermée, enchaînée, entravée... Ces espaces infinis lui semblaient hostiles. Comment affronter cela seule ? Elle imaginait les détenus quittant la prison après vingt ans de réclusion. Comment pouvaient-ils donc se réinsérer ? Elle, n'y avait passé que quatre ans et s'en sentait incapable. Comment parler aux gens ? D'autre chose que de la taule. Comment prendre seule les décisions ? Même les plus simples. Comment gérer sa vie ? Quand plus personne n'est là pour décider à sa place.
Faut diminuer le chiffre de la délinquance, augmenter celui des amendes. Se montrer et encaisser. Un peu comme les putes, finalement. Les politiciens comptent là-dessus pour se faire élire la prochaine fois, ne pas l'oublier ! Alors les poulets, ils restent planqués derrière leurs radars ou contrôlent les Beurs dans les cités, ça rassure le bon peuple. Enfin, ils contrôlent que les pas dangereux, parce que les autres, mieux vaut ne pas les approcher de trop près...
Elle continua à avancer, debout par miracle. Car même la haine a ses limites. Lorsque le corps a atteint les siennes.
Quatre victimes. Quatre vies fauchées par ce corps qui irradiait douleur et innocence. Dire qu'il avait failli se laisser attendrir par ce visage ! Le mal prend parfois des apparences trompeuses.
Même pas le courage d'en finir ? La vérité, c'est qu'il y avait toujours ce stupide espoir qui s'amusait à refaire surface au moment clef. Instinct de survie ? Survie à la place de vie. Survie, c'était bien là le mot, bien là le drame.
Marianne, vingt ans. Les miradors comme unique perspective, les barreaux pour seul horizon. Perpétuité pour cette meurtrière. Une vie entière à écouter les grilles s'ouvrir puis se refermer. Indomptable, incapable de maîtriser la violence qui est en elle, Marianne refuse de se soumettre, de se laisser briser par l'univers carcéral sans pitié où elle affronte la haine, les coups, les humiliations. Aucun espoir de fuir cet enfer. Ou seulement dans ses rêves les plus fous. Elle qui s'évade parfois, grâce à la drogue, aux livres, au bruit des trains. Grâce à l'amitié et à la passion qui l'atteignent en plein cur de l'enfermement. Pourtant, un jour, l'inimaginable se produit. Une porte s'ouvre. On lui propose une libération… conditionnelle. « La liberté Marianne, tu dois en rêver chaque jour, chaque minute, non ? » Oui. Mais le prix à payer est terrifiant. Pour elle qui n'aspire qu'à la rédemption…
Elle ressemblait à ces animaux qui passent trop de temps en captivité au contact de leurs geôliers. Qui, lorsqu'on les relâche, rôdent longtemps autour de l'enclos. Tels des fantômes. A ces animaux qui ne s'adaptent plus jamais à la vie sauvage.
des jours qu'elle pleurait nuit et jour. Ses yeux étaient gonflés. Exténués. Jamais son désespoir n'avait été aussi cruel. Tout ça parce qu'elle avait eu un rêve. La faiblesse de croire qu'elle avait un avenir. Rien ne parvenait à la soulager. A l'extraire des ténèbres. pas même le soleil étincelant de cette matinée d'été. P 278