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Critique de Levant


On ne se fait pas d'illusion sur le sort réservé à la femme du peuple au moyen âge. Surtout quand le charme de celle-ci suscitait la convoitise. Elle n'avait pas vraiment accès aux hommages de l'amour courtois, celui-là même qui porte Franz-Olivier Giesbert à la nostalgie.

Tiphanie, alias Belle d'amour, aura été tour à tour cureuse de latrines dans un couvent, oblayère - dont le lexique moyenâgeux de Franz-Olivier Giesbert nous apprend qu'il s'agit du métier de pâtissière – mais surtout esclave, puis bourrelle – féminin de bourreau – au gibet de Montfaucon où les corps des suppliciés étaient laissés à pourrir. Signalétique nauséabonde qui donnait à craindre la justice du roi.

Le pourceau qui s'appropriera ses faveurs lui fera tatouer des diableries sur le corps, la menaçant de les dévoiler et la faire condamner pour satanisme en cas d'infidélité. Elle finira par s'éprendre d'un eunuque. Juste retour des choses après les violences sexuelles dont son quotidien avait été fait.

Embarquée dans les croisades de Louis IX, ses qualités lui valent toutefois d'être promue troubadour officielle à la cour du roi dont elle chantera la piété. Ses désastreuses expéditions en Terre sainte vaudront au bon Saint Louis d'être fait prisonnier lors de la septième croisade, de mourir devant Tunis lors de la huitième. Elle sera témoin de cette débâcle.

Avec un style enlevé, curieux amalgame de discours moderne, genre rentre-dedans, et d'expression en vieux françois traduites en bas de page, je découvre un FOG qui s'affiche en spécialiste du moyen-âge. Il prêche d'un côté la légitimité des croisades, en juste réplique des volontés expansionnistes d'un islam conquérant, et s'en défend par ailleurs. Grand écart imposé par notre époque contemporaine dans laquelle il faut se garder, crédibilité médiatique oblige, de naviguer à contre-courant de l'élan humaniste en vogue. Humanisme qui ne trompe personne quant à sa valeur marchande sur l'autel de l'audimat. Au crédo de pas d'amalgame, FOG est prêt à épouser la belle Leila repentie de ses accointances salafistes.

Curieuse construction d'un roman dans lequel il vole la parole à son héroïne moyenâgeuse, dans trois chapitre titrés "conversation avec Tiphanie", pour intervenir auprès de ses contemporains et développer ses thèses sur le parallèle entre deux époques, sur l'avenir des religions. Interventions assez péremptoires qui ne surprennent pas de la part de la forte personnalité médiatique que l'on connaît. Cours magistral qui encense le bon Saint-Louis. Fût-il pourfendeur des juifs et des mahométans, il était d'une pieuse sensibilité, virant à la sensiblerie, y compris en condamnant au gibet. L'époque était ainsi. C'est faire oeuvre d'anachronisme que de juger des actes d'un temps avec la mentalité d'un autre.

La personnalité de l'auteur est plutôt étouffante dans cet ouvrage, au point qu'on en arrive à se demander qui s'exprime à la première personne. Est-ce Tiphanie qui, comme il ne cesse de le souligner, lui dicte ses mots, où bien l'auteur lui-même qui bout d'épancher sa nostalgie d'une époque riche de ses croyances et valeurs, fussent-elles au mépris de la personne, et piaffe tout autant de développer ses thèses contre une civilisation moderne qui, en sacralisant la personne humaine, ne croit en fait plus en rien.

Sauf le rappel à l'histoire, un roman qui m'a laissé perplexe.
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