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Critique de Presence


Guy Gardner est confortablement installé (les pieds sur la table) dans la salle de réunion de la Justice League of America (JLA) ; il attend les autres membres. Black Canary (Dinah Lance) est la première à arriver et la prise de bec est immédiate entre les 2. Arrivent ensuite Mister Miracle (Scott Free) et Oberon, Captain Marvel (Billy Batson), Blue Beettle et Martian Manhunter, et pour terminer Doctor Fate et Batman.

La première mission de cette nouvelle JLA consiste à mettre un terme à une prise d'otages dans le bâtiment des Nations Unies. Maxwell Lord (un homme d'affaires) semble à la fois impliqué dans la présence de Doctor Light (Kimiyo Hshi, une autre superhéroïne) et dans la présence du chef des terroristes. Dans les épisodes suivants, la JLA affronte un trio de superhéros venus d'une autre dimension (Blue Jay, Wandjina et Silver Sorceress), le Royal Flush Gang (un groupe de 5 supercriminels avec des tenues évoquant des cartes à jouer), et le Gray Man (un agent des seigneurs de l'Ordre).

En 1985, "Crisis on Infinite Earths" remet à zéro les compteurs de l'univers partagé DC en supprimant en particulier la notion de multivers. le personnage de Superman est relancé dans "The Man of Steel", Wonder Woman dans "Gods and Mortals" et les relations entre les superhéros dans "Legends". Dans une édition précédente de ces histoires, Andy Helfer (l'éditeur de ces épisodes) expliquait que cette relance de la JLA avait été rendue particulièrement difficile par ce contexte. En effet ce nouveau départ devait s'effectuer sans la présence de Superman et Wonder Woman (en cours de redémarrage dans leurs séries respectives), sans Hal Jordan, ni Aquaman dont le devenir était également en suspens, et sans Flash qui bénéficiait lui aussi d'une nouvelle série écrite par Mike Baron et dessinée par Jackson Guice.

Dans l'introduction de la présente édition, Keith Giffen explique avec son autodérision coutumière qu'il a décroché le boulot de scénariste grâce à son insistance pesante auprès d'Helfer, que DeMatteis s'est retrouvé là par hasard, que Kevin Maguire était à l'époque un parfait inconnu. À la surprise générale, plus de 20 ans après, ces épisodes restent une référence dans l'histoire de la JLA.

Rendre crédible cette incarnation de la JLA malgré l'absence des superhéros les plus connus de DC (à part Batman) semblait pourtant un pari perdu d'avance. Il est vrai que les histoires racontées ici ressemblent peu à ce que le lecteur pouvait attendre de l'équipe la plus puissante de l'univers DC : 1 terroriste sans superpouvoirs, 3 nouveaux superhéros appelés à disparaître aussi vite qu'ils sont apparus et un sorcier privant les hommes de leurs rêves. Il n'y a rien dans ce programme pour attirer le lecteur avide de sensations fortes.

Pourtant chacune de ces histoires présentent des singularités intrigantes qui retiennent l'attention. Qui a aidé le terroriste ? Fallait-il vraiment s'opposer à ces 3 superhéros qui veulent débarrasser la terre de toute menace nucléaire ? Comment ne pas déprimer devant ce monde tout gris et quels sont les pouvoirs des maîtres de l'Ordre ? Surprise : il s'avère que chacun des membres de la JLA possède un caractère bien trempé et un sens de la répartie décoiffant. En plus des scénarios inattendus de Giffen, JM DeMatteis révèle des qualités de dialoguiste insoupçonnées. le travail en équipe ne va pas de soit et les superhéros se cassent entre eux, ils manient la moquerie avec précision, la dérision avec verve et ils saupoudrent le tout d'une saine autodérision. Ces échanges piquants les font exister en tant qu'individus avec une efficacité diabolique et drôle. Il s'agit d'un humour né de la confrontation de fortes individualités au travers de dialogues ciselés.

Ces réparties évoquent également parfois des sentiments et des références plus adultes que la production de comics de l'époque. Lorsque Black Canary trouve Gardner bien installé, la discussion finit par dégénérer pour aboutir sur une comparaison peu flatteuses sur les habitudes de Mussolini (1 point Godwin, 4 ans avant la création de la loi de Godwin).

Kevin Maguire dispose d'un don pour croquer des expressions faciales irrésistibles. Cette faculté accentue encore l'humour relationnel en soulignant les émotions de chaque personnage. C'est également un dessinateur méticuleux au trait très fin ce qui donne un résultat à la fois précis et léger. Son style s'inscrit dans une tradition très comics ; ses illustrations ne cherchent pas le réalisme et le lecteur retrouve les costumes improbables aux couleurs éclatantes de l'enfance (le bleu et le jaune du Doctor Fate place ce dernier dans la catégorie "costume impossible à porter dans la réalité" aux couleurs primaires issues des limitations des techniques de reprographie des comics des années 1940). Sa mise en page est très académique avec des cases sagement rectangulaires et des découpes reposant souvent sur une trame de 6 à 9 cases de même taille.

Chaque page se lit facilement avec une esthétique un peu ronde très plaisante à l'oeil. Bob Lappan utilise une fonte d'une taille légèrement plus petite que d'habitude avec des lettres assez fines, ce qui donne un lettrage qui sort de l'ordinaire reconnaissable entre mille).

J'ai relu ce tome avec un grand plaisir. Tout d'abord les dialogues de DeMatteis sont d'une précision exceptionnelle et ils mettent en valeur les différences de caractère sur le mode de l'humour, avec un grand sens des valeurs de chacun des personnages. Ensuite, les scénarios de Keith Giffen sont imaginatifs avec des thématiques de fonds qui parlent aux adultes. Les illustrations constituent de vraies friandises pour leur méticulosité et leur vivacité. Avec ce tome, Giffen, DeMatteis et Maguire invitent les codes de la comédie sophistiquée dans le monde des superhéros. Ils continuent de développer cette approche qui n'appartient qu'à eux dans "JLI 2".
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