Ce tome contient une histoire complète qui nécessite une vague idée de ce qu'est la Légion des Super-Héros pour saisir le principe de fonctionnement de cette équipe. Il contient les épisodes 287, 289 à 296, ainsi que le numéro annuel 1, initialement parus en 1982/1983, tous écrits par
Paul Levitz. Plusieurs équipes artistiques se succèdent :
Keith Giffen (dessinateur) &
Bruce Patterson (encreur) pour les 287 et 289 et le numéro annuel 1,
Keith Giffen (dessinateur) et Larry Mahlstedt (encreur) pour les 290 à 296 (sauf pour l'épisode 295 où Mahlstedt est remplacé par
Dave Hunt et
Howard Bender dessine les scènes dans le passé). Enfin
Keith Giffen est crédité en tant que coscénariste à partir du numéro 293.
Au troisième millénaire, la race humaine a déjà voyagé dans l'espace et pris contact de manière officielle avec de nombreuses races extraterrestres. La Terre reste le berceau de l'humanité et a été intégrée à la confédération des Planètes Unies. La paix règne sur la Terre. Il existe une force de police appelée Police Scientifique, et une équipe d'intervention appelée la Légion des Super-Héros, financée par le philanthrope R.J. Brande, comprenant de nombreux membres aux superpouvoirs exotiques, tous dotés d'un anneau de vol leur conférant la capacité de vol autonome et d'une combinaison transparente leur permettant de braver le vide de l'espace. Plus d'une vingtaine de légionnaires apparaissent au cours de ces histoires.
Lightning Lad est à la recherche de Chameleon Boy, et pose la question à Lightning Lass, Blok et Star Boy qui sont en train d'installer un nouveau système de surveillance dans le quartier général de la Légion des Superhéros. Il perd patience. Sun Boy et Saturn Girl arrivent, rejoint par Cosmic Boy et un autre. Pendant ce temps-là, Chameleon Boy, Timber Wolf et Shrinking Violet se dirigent vers la planète des Kunds, camouflés dans ce qui a l'apparence d'un astéroïde. Lightning Lad manque d'avoir une attaque en apprenant où ils sont passés et ce qu'ils vont y faire.
30 ans plus tard, cette histoire bénéficie toujours de réédition et est souvent citée par les lecteurs américains comme faisant partie des meilleures histoires de l'univers partagé DC. L'équipe de la Légion des Super-Héros a été créée en 1958 par
Otto Binder et
Al Plastino. Au départ elle était composée de Cosmic Boy, Saturn Girl et Lightning Lad, avec rapidement des apparitions de Superboy (Superman jeune) grâce à une machine à voyager dans le temps. Au fil des années, la composition de l'équipe s'est étoffée, avec différentes races extraterrestres, et une équipe secondaire de remplaçants. Après Crisis on Infinite Earths (1985), la continuité de la Légion a redémarré à plusieurs reprises, au point d'en devenir inintelligible. La présente histoire met en scène la version originale de la Légion.
La couverture annonce que ce tome contient la saga des Grandes Ténèbres, réalisée par
Paul Levitz,
Keith Giffen et Larry Mahlstedt. En regardant sa composition, le lecteur constate que cette saga occupe les épisodes 290 à 295 et que le reste constitue le long chemin pour arriver jusqu'à cette histoire. Devant le succès de cette saga, les responsables éditoriaux ont fait le choix de constituer un recueil exhaustif en VO pour que les lecteurs puissent comprendre la situation de Chameleon Boy ou celle d'Elemental Lad, qu'
Urban Comics a préféré amputer de 4 épisodes pour rester à une taille maîtrisée.
Paul Levitz reprend les caractéristiques de la série telle qu'elle existait. Il s'agit donc d'une science-fiction un peu datée. La paix règne sur Terre, ce qui fournit une alternative bienvenue à la myriade de futurs dystopiques qui pullulent. le lecteur comprend facilement qu'en plus d'un gouvernement démocratique et d'une police officielle, la Légion intervient en cas de menace exceptionnelle de par l'ampleur. Les races extraterrestres présentent toutes une forme humanoïde, avec des statures bizarres, des couleurs de peau inattendues, et parfois des appendices surnuméraires. Mais toutes les races respirent la même atmosphère, universellement compatible. Les vaisseaux spatiaux ne semblent pas passer en hyperespace ou par des trous de ver, mais les personnages se rendent d'une planète à l'autre en quelques heures au maximum quelle que soient la distance. Certains effectuent même ces voyages par leurs propres moyens, à travers l'espace sans vaisseau. Enfin parmi les planètes visitées, la plupart ne présente pas de différences notables avec la Terre, ou alors leur civilisation relève du moyen-âge.
Au fil des épisodes, le lecteur voit défiler un nombre conséquent de légionnaires : Lightning Lad, Saturn Girl, White Witch, Mon El, Element Lad, Cosmic Boy, Light Lass, Dream Girl, Duo Damsel, Karate Kid, Projectra, Phantom Girl, Chameleon Boy, Shadow Lass, Colossal Boy, Timber Wolf, Wildfire, Brainiac Five, Dawnstar, Ultra Boy, Star Boy, Blok, Shrinking Violet, Sun Boy, Bouncing Boy. En découvrant ces noms, le lecteur comprend bien que cette série est restée dans les années 1960, avec des patronymes indiquant le sexe des personnages et les qualifiant de fille ou de garçon. D'ailleurs ces superhéros ne disposent pas vraiment de personnalité propre, ils sont plus définis par leurs superpouvoirs, leur apparence et leur costume coloré. Impossible d'oublier Dawnstar, avec son air indien, ses franges et ses ailes d'ange, ou Wildfire dans sa combinaison orange intégrale sous laquelle on devine qu'il s'agit en fait d'un individu composé d'énergie. Au mieux, ces individus disposent d'un trait de caractère en plus du courage : l'intelligence analytique pour Brainiac Five (c'est aussi son superpouvoir), le manque d'expérience pour Invisible Boy, la timidité pour Shrinking Violet.
Le jeune lecteur sera plus sensible à la quantité pléthorique de superhéros et à la diversité de leur costume, que le lecteur plus âgé, habitué à aux équipes nombreuses. Il sera également moins gêné par la science-fiction datée. Les dessins de
Bruce Patterson sont compétents et montrent chaque action de manière claire. le lecteur ressent le fait qu'il n'y a pas de plan de prises de vue au sens cinématographique du terme. L'artiste dessine une case après l'autre, sans chercher d'enchaînement de mouvement de caméra, répondant juste au besoin dicté par le scénario. Les dessinateurs ont un gros travail de visualisation à faire, à partir de script qui ne prennent en charge que l'intrigue. de ce point de vue, ils effectuent un gros travail pour donner une apparence cohérente à l'ensemble, pour transcrire des décors spatiaux, pour imaginer des vaisseaux, pour respecter la charte des costumes. Il faut attendre le numéro annuel pour que
Keith Giffen commence à prendre ses marques, et pour remarquer qu'à quelques reprises une suite de 3 cases forment une séquence cinématique. Avec l'histoire annexe de 7 pages en fin de l'épisode 291, le lecteur a l'impression de voir une page de
Keith Giffen telles qu'il les réalisera quelques années plus tard, avec un degré de simplification supplémentaire dans les personnages, et des tâches noires plus expressionnistes. Mais dès l'épisode suivant, les images reviennent à la norme en vigueur à l'époque, avec des traits de contours fins et propres sur eux, des cases descriptives et un bon niveau de détails. Sans que Giffen n'en rajoute de trop, le lecteur constate que plusieurs personnages féminins volent la vedette dans chaque case où elles apparaissent. Dream Girl (Nura Nal, la bien nommée, une fille de rêve) resplendit dans son costume chromé. White Witch (Mysa Nal, la soeur de Nura) en impose par sa blancheur virginale, sa longue cape enveloppante. Dawnstar (c'est son vrai nom) séduit immédiatement par la grâce de son vol et sa belle chevelure noir de geai.
Ce tome compte un peu moins de 300 pages de bande dessinée. Certes plusieurs décennies plus tard, il ne subsiste pas grand suspense quant à l'identité du grand méchant de l'histoire. Toutefois, le lecteur progresse avec plus ou moins de plaisir dans les épisodes. S'il souhaite découvrir un pan de la culture comics DC, il est à la fête. S'il souhaite apprécier l'histoire pour elle-même, il peut trouver le temps long pendant la mise en place du fait d'une narration un peu pataude et heurtée. Dans tous les cas, il s'attend à une bataille grandiose et épique contre Darkseid.
Paul Levitz et
Keith Giffen expliquent de manière habile pour quelle raison tout le monde avait oublié Darkseid (ils font de même dans l'épilogue pour justifier l'absence des Green Lanterns, avec un bon niveau de maîtrise de l'univers partagé DC). le lecteur est en attente d'attaque meurtrière, de renversements de situation inattendus, d'actes de bravoure insensés.
L'intrigue est basée sur une trame très simple : Darkseid est de retour. Il a créé des drones humanoïdes pour accomplir les basses besognes consistant à récupérer des objets magiques pour augmenter sa puissance. Les Légionnaires se battent à plusieurs reprises contre ces créatures des ténèbres. Tout converge vers un affrontement dantesque entre Légionnaires et Darkseid, avec un deus ex machina, certes préparé depuis plusieurs épisodes, pour mettre un terme à la menace. le lecteur contemporain en ressort perplexe en se demandant ce qui vaut encore une telle réputation à ce récit. La narration est linéaire jusqu'au combat final, dans une narration très mécanique. Au mieux de sa forme,
Keith Giffen fait honneur à
Jack Kirby le temps de quelques cases, au pire il ne reproduit que l'apparence des dessins de Kirby, dépourvus de son esprit.
Paul Levitz a beau ajouter quelques intrigues secondaires, les Légionnaires manquent toujours autant de personnalité, et le lecteur sent bien que tout finira bien. le deus ex machina est gros comme une maison et dépourvu à nouveau du souffle épique de
Jack Kirby. L'épisode 295 apparaît plus intéressant à lui tout seul en termes d'intrigue et d'enjeu pour Timber Wolf, que toute la saga des Grandes Ténèbres.
La lecture de cette grande saga est donc à réserver aux lecteurs curieux du passé (enfin du futur, enfin on se comprend) de l'univers partagé DC, souhaitant découvrir ce qu'était la Légion des Super-Héros, avant Crisis on Infinite Earths, ou de celui souhaitant découvrir les (presque) débuts de
Keith Giffen, créateur prolifique et irrévérencieux, mais encore en développement. 3 étoiles pour ce lecteur curieux.