"
De sang et d'acier" forme la sixième enquête du commissaire Richard Oppenheimer de la Kripo ("Kriminalpolizei" - police criminelle) de Berlin. La version française est sortie le 31 mai dernier.
Le 16 juin 1948, des gosses trouvent une jambe gisant dans la boue de la baie de Rummelsburg à Berlin
Lichtenberg.
Le commissaire Oppenheimer de la Kripo et ses adjoints, le jeune et énergique Gregor Wenzel, découvrent relativement vite que la jambe a appartenu à un certain Norbert Schroeter, un petit trafiquant de 42 ans, qui a disparu le 12 juin. Une visite à son appartement confirme par des traces de sang l'hypothèse du meurtre de l'homme.
Qui a pu le tuer et pourquoi ?
Quelques jours plus tard, des viscères humains sont jetés d'un pont sur la rivière Sprée et atterrissent sur la péniche de Katja Maurus, passant paisiblement en dessous.
L'analyse par le médecin légiste, le docteur Gebert, apprend à Oppenheimer que les viscères n'ont pas appartenu à Schroeter et qu'il y a donc fatalement une nouvelle victime.
Quelle est l'identité de cette deuxième victime ?
Une nouvelle découverte horrible, peu après, ne laisse plus de doutes à Oppenheimer qu'ils ont à faire à un dangereux meurtrier en série, sérieusement perturbé mentalent qu'il faut absolument arrêter le plus vite possible pour éviter de nouveaux crimes atroces.
L'enquête qui se complique pour ainsi dire à vue d'oeil se trouve, en plus, lourdement hypothéquée par la réalité politique d'après-guerre tout à fait particulière de l'ancienne capitale allemande.
Par les accords de Yalta entre Alliés de février 1945 l'Allemagne est divisée en quatre zones d'occupation et la ville de Berlin, également divisé en quatre secteurs, se trouve géographiquement dans la zone soviétique.
Grâce surtout à Staline les relations entre Berlin Est (zone soviétique) et Berlin Ouest (les zones américaine, anglaise et française) se détériorent rapidement et cumulent dans le blocus par les Russes de l'accès à Berlin, à partir de juin 1948, ce qui entraîne à son tour le fameux pont aérien allié ou l'approvisionnement par voie aérienne des vivres, charbon et autres nécessit
és aux ouest-berlinois.
Le titre en version originale du roman sous rubrique "Luftbrücke" ou pont aérien n'a pas été choisi au hasard, car cette nouvelle réalité politique a pour effet de scinder la brigade criminelle berlinoise en deux unités totalement séparées : celle de Berlin Est sous la présidence de Paul Markgraf (1910-1993) et de Berlin Ouest sous les ordres de Johannes Stumm (1897-1978).
Pour les crimes commis à Berlin Est, le commissaire Oppenheimer n'a plus aucune autorité et il lui est même formellement interdit d'y opérer.
Comme son équipe d'inspecteurs a été également divisée en deux, une coopération de fait et "illégale" s'instaure cependant entre ses anciens collaborateurs au-delà des frontières berlinoises.
De la série Oppenheimer d'
Harald Gilbers, j'avais déjà lu "
Les fils d'Odin" de 2017 et "
La vengeance des cendres" de 2021 et je dois dire que son dernier épisode se situe certainement au même niveau, sinon au-dessus.
L'évolution de l'enquête avec ses nombreuses surprises dans un climat hostile et environnement hasardeux fait de cet épisode un roman policier exceptionnellement captivant.
La restitution historique dans ce roman est tout simplement exemplaire et relève d'une qualité comparable à celle de "
La trilogie berlinoise" du regretté
Philip Kerr.