Sacre et massacre de l’amour
III
L'aube froide
Des ténèbres pâles
Inonde les pôles
Du ciel et de la chair
Des courants souterrains de la chair et des astres
Au fond des corps de terre
Les tremblements de terre
Et les failles où vont les volcans du délire
Tonner
Entez sur le trépieds
Celle qui hurle
La bouche mangée
Par l'amertume
En flammes du laurier de gloire
Écume
De la colère des mers
La femme à chevelure
D'orages
Aux yeux d'éclipse
Aux mains d'étoiles rayonnantes
À la chair tragique vêtue de la soie des frissons
À la face sculptée au marbre de l'effroi
Aux pieds de lune et de soleil
À la démarche d'océan
Aux reins mouvants de vive houle
Ample et palpitante
Son corps est le corps de la nuit
Flamme noire et double mystère
De son inverse identité qui resplendit
Sur le miroir des grandes eaux
La Tête à L'Envers
Pourquoi mourir encore alors qu'on vient de naître
À la vie à la mort
Sous le rire concave du ciel
Quand la nuit ronge
Que la tête à l'envers sombre sous l'horizon
Lestée d'un poids universel à la mâchoire
Hantée d'un vide universel à la mémoire
Défoncée aux portes des tempes
Un trou criard dans l'occiput
L'imagination peuplée de rêves roses
Qui s'ébattent au marais implacable du sang et de
l'eau
Les yeux crevés retournés qui se perdent
Au vertige sans fond de leurs tunnels internes
Et déjà les cils grandissent et blanchissent
Entre les tempes tendues
S'étendent sans fin des steppes de nuit
Barrées à l'horizon par la banquise
Le grand mur blanc sans issue de la nuit
Et la tête engloutie dans la mer des ravages
Meurt de dormir
Sacre et massacre de l’amour
I
À l'orient pâle où l'éther agonise
À l'occident des nuits des grandes eaux
Au septentrion des tourbillons et des tempêtes
Au sud béni de la cendre des morts
Aux quatre faces bestiales de l'horizon
Devant la face du taureau
Devant la face du lion
Devant la face de l'aigle
Devant la face d'homme inachevée toujours
Et sans trêve pétrie par la douleur de vivre
Au cœur de la colombe
Dans l'anneau du serpent
Du miel du ciel au sel des mers
Seul symbole vivant de l'espace femelle
Corps de femme étoilé
Urne et forme des mondes
Corps d'azur en forme de ciel
Monsieur Crabe, cet Homme Cadenas
extrait 2
occupez-vous plutôt des scies du ciel et des offrandes je dis j'offre et je prends de ma main rapace et pourrissante ce que je donne en retenant entre les dents des éboulis de cris à m'en boucher la bouche flambons ensemble enfant trop belle flambons en flamme à l'unisson brisante amante dans la sécheresse éperdue des cendres chaudes et des manchots rôtis dont les jambes sont déjà loin disparaissent derrière la courtine de l'horizon qui court en rond l'anneau du ciel qui tourne parce que c'est là son rôle le plus vain mais le plus vénéneux il ne reste plus rien dans cette coupe creuse que l'écho mort et renaissant tous les mille ans de l'antique appel dont le son déchirant a pénétré la première nuit de l'intérieur de l'homme de cette grande horreur que l'on a dit panique alors qu'elle est sans nom tais-toi au premier tournoiement des frondes la voie lactée se décroche et se noue en écharpe autour de la statue en forme de poire élevée à la mémoire des morts de rire étouffant fin tragique
LE NOYÉ NOYAU
Un noyé nommé Noyau
Tomba dans l’eau comme une enclume
Par un soleil de clair de lune
Commentaire Il aimait trop l’eau
Or tous les Noyaux aimaient l’eau
Mais ils restaient à la surface
Pour faire voir leur belle face
En en cachant l’envers qui dit-on n’est pas beau
Mais ce noyau qui fut noyé
Dénommé le Noyé-Noyau
Avait pris le bas pour le haut
C’est ainsi que son corps devint mort car noyé
MORALITÉ :
Si vous vous dénommez Noyau
Noyez-vous sans remord ni crainte
Et votre fin paraîtra sainte
À Dieu qui sachant tout sait que noyénoyau
Roger GILBERT-LECOMTE – Hommage exceptionnel (Chaîne Parisienne, 1963)
Émission Soirées de Paris, diffusée le 29 décembre 1963 sur la Chaîne Parisienne, réalisée par Pierre Minet et Michel Duplessis, avec le témoignage de proches.